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30 décembre 2006

Saddam Hussein : pendez le haut et court dans les plus brefs "délai"


« Personne ne peut s’opposer à l’exécution » de Saddam Hussein qui sera pendu sans « délai », selon le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, alors que les avocats de l’ancien président condamné à mort ont été invités par l’armée américaine à venir chercher ses affaires personnelles.

« Personne ne peut s’opposer à l’exécution du criminel Saddam Hussein », a déclaré vendredi M. Maliki. « Ceux qui s’opposent à cette exécution portent atteinte aux martyrs de l’Irak et à leur dignité. Il n’y aura pas de révision, pas de délai dans l’application de la sentence contre Saddam Hussein et ses coaccusés », a-t-il affirmé.

Saddam Hussein, son demi-frère et ancien chef des services de renseignements, Barzan al-Tikriti et l’ancien président du tribunal révolutionnaire Awad al-Bandar, ont été condamnés à mort par pendaison le 5 novembre par le Haut tribunal pénal irakien pour l’exécution de 148 villageois chiites de Doujail (60 km au nord de Bagdad), dans les années 1980, en représailles à un attentat contre le convoi présidentiel.

La Cour d’appel du Haut tribunal pénal a rejeté mardi l’appel de l’ancien président, qui doit être exécuté dans un délai de trente jours. Les autorités irakiennes, en charge de l’application de la sentence, n’ont depuis lors donné aucune indication officielle sur la pendaison, suscitant intenses rumeurs et spéculations sur la date de l’exécution.

Depuis la Jordanie, le responsable du comité de défense de l’ancien raïs, Khalil Doulaïmi, a indiqué avoir reçu un appel des Américains demandant à ce que quelqu’un vienne « chercher les affaires personnelles du président et de son demi-frère ».

Me Doulaïmi n’a cependant donné aucune autre précision, ajoutant en milieu de matinée, que Saddam Hussein n’avait pas encore été transféré aux autorités irakiennes.

De son côté, l’armée américaine a précisé que le président déchu est détenu dans un lieu tenu secret depuis un an sous l’autorité légale du gouvernement irakien, même si ses geôliers sont américains « pour des raisons de sécurité ».

Un transfert de Saddam Hussein ne serait donc « qu’un transfert physique » du détenu, selon un porte-parole de l’armée américaine à Bagdad, qui refusé de préciser si un tel transfert avait déjà eu lieu.

L’Irak sous haute sécurité pour l’exécution de Saddam Hussein

Les autorités irakiennes n’ont pas encore pris de mesures spécifiques de sécurité pour l’exécution, mais « l’exécution de ce tueur en série sera un évènement majeur. Nous prendrons les mesures de sécurité appropriées », a déclaré le directeur des opérations du ministère de l’Intérieur, le général Abdoul Karim Khalaf. « Nous enverrons toutes nos forces dans les rues pour éviter que des vies ne soient perdues », a-t-il expliqué, sans donner d’autres détails.

Ces mesures de sécurité renforcées, également appliquées « dans plusieurs provinces » du pays, « seront mises en oeuvre dès que nous en recevrons l’ordre du gouvernement », a-t-il ajouté, refusant de se prononcer sur la date de l’exécution. « L’imposition d’un couvre-feu est du ressort du commandant en chef des armées (le Premier ministre Nouri al-Maliki) », a-t-il par ailleurs souligné.

Les Baasistes menacent les Etats-Unis de représailles

Après la confirmation en appel de la condamnation à mort de l’ancien président irakien Saddam Hussein, son parti, le Baas, a menacé les Etats-Unis de représailles si ce verdict est exécuté.

« Notre parti met en garde contre les conséquences de l’exécution d’un tel verdict sur la situation en Irak et aux Etats-Unis en particulier », indique un communiqué du parti mis en ligne sur internet. « Il s’agit d’une dangereuse ligne rouge que l’administration américaine ne devrait pas franchir », poursuit le texte.

Dans ce communiqué, dont l’authenticité n’a pas pu être vérifiée de source indépendante, le parti Baas menace de prendre pour cible les intérêts américains où qu’il soient si l’ancien dirigeant est exécuté.

« Le parti Baas et la résistance sont déterminés à réagir par tous les moyens possibles et n’importe où en vue d’atteindre l’Amérique et ses intérêts au cas où un tel crime serait commis », indique le document.

Les baasistes mettent également en garde Téhéran contre toute ingérence en Irak « sinon nous répliquerons au cœur de l’Iran et nous atteindrons sa tête ».

Le parti sunnite souligne que l’exécution de Saddam Hussein ne fera que renforcer la résistance et les baasistes et empêchera toute négociation à l’avenir avec l’occupation. « Notre parti affirme que l’exécution ne va pas affaiblir la résistance armée mais raviver sa flamme, élargir sa base et doubler le nombre de ses membres », précise le communiqué.

« Cela fera porter à l’administration américaine la responsabilité d’un nombre encore plus grand de soldats tués ». Les autorités ont trente jours pour procéder à la pendaison de l’ancien raïs. Le 5 novembre, il a été jugé coupable de crimes contre l’humanité pour la mort de 148 villageois chiites de Doudjaïl.

A Bagdad, le sort de Saddam laisse les gens indifférents

A Bagdad, où l’annonce de la pendaison prochaine de l’ancien homme fort du pays n’a suscité jusqu’à présent aucune manifestation notoire de joie ou d’hostilité, les habitants se sont rendus comme chaque vendredi dans les mosquées en ce jour hebdomadaire de congés.

Ainsi selon la très arabisste agence de presse Reuters, qui ne peut pas empêcher de mettre le mot "arabe" 3 fois par ligne : « Pour bon nombre d’arabes, le sort de l’ancien président irakien Saddam Hussein, dont la condamnation à mort a été confirmée mardi en appel, est devenu secondaire face aux massacres qui ensanglantent quotidiennement son pays.

Certains arabes redoutent que la pendaison de l’ancien raïs, qui doit se faire dans les trente jours, aggrave encore les violences intercommunautaires en Irak où s’affrontent la majorité chiite et la minorité sunnite, prédominante sous le régime de Saddam Hussein.

Mais d’autres estiment que les violences en Irak ont leur propre dynamique et que l’exécution de Saddam Hussein n’y changera pas grand-chose. « Je me demande combien de personnes s’intéressent encore au sort d’un individu, vu ce qui se passe en Irak et dans le reste de la région », dit Sami Baroudi, professeur de sciences politiques à Beyrouth.

« L’exécution de Saddam fera qu’il y aura une mauvaise personne en moins au monde (...). Elle n’aura pas d’effet sur le chaos dans lequel est maintenant plongé l’Irak. Il est devenu négligeable », renchérit Abdel-Khalek Abdoullah, qui enseigne la même discipline à l’Université des Émirats.

(...) De nombreux Arabes ont approuvé le verdict de culpabilité rendu contre Saddam Hussein, bien qu’ils s’interrogent sur la légitimité d’un procès qui s’est déroulé alors que les forces américaines sont toujours présentes en Irak.

« Que nous ayons ou non des doutes sur le procès, le verdict est juste », tranche Bara Moussa, un militant des droits de l’homme en Syrie. « C’est une personne responsable du sous-développement et de l’élimination de ressortissants de son pays, de sorte qu’il mérite ce verdict. D’autres pays devraient suivre cet exemple. »

Mais certaines personnes auraient préféré une peine de réclusion à vie, estimant que l’exécution de Saddam Hussein ne fera qu’envenimer les choses ».

sources : Reuters, AP, l’Orient le jour



La Chronique du [CyberKabyle].

27 décembre 2006

La Kabylie victime de discrimination économique


Les élus et les entrepreneurs ainsi que les investisseurs locaux se sont rencontrés, mercredi 19 décembre, sur initiative commune de M. Bettache, président (FFS) de l’APW (équivalent du conseil général de département) et la section locale de la Confédération nationale des patronats présidée par M. Hocini.

Bureaucratie étouffante et absence de stratégie de développement économique. Faire sauter les verrous des multiples blocages

Selon le quotidien La Nouvelle République, « dans son allocution d’ouverture, le président de l’APW, M. Bettache, s’est interrogé sur les retards accusés en matière de programmes et de projets de développement social et économique de la région. Il réitèrera ensuite les slogans chers à son parti, le FFS, qui consistent en la revendication d’une large décentralisation des pouvoirs, la moralisation de la vie publique et la diversification du potentiel productif, avant de dénoncer la mauvaise gestion des tissus industriels et l’approche de gestion du patrimoine foncier. Pour clore son intervention, M. Bettache propose la mise en place d’un groupe de travail mixte, dont la mission est de réfléchir sur les voies et moyens d’intensifier le flux d’investissement dans notre région, ainsi que les de faire sauter les verrous des multiples blocages rencontrés sur le terrain. »

De son côté, M. Hocini, président de la CAP (Confédération algérienne du patronat) à Béjaïa, a idiqué, non sans amertume, que notre wilaya « régresse » en matière d’investissements et de développement à cause des obstacles multiples que rencontrent les créateurs de richesses. Il parlera de la bureaucratie, des lenteurs de l’administration et de la fiscalité qui n’incite pas à investir, ainsi que du comportement négatif des banques.

Ainsi selon la quotidien La Tribune, « Dans ce constat, il est surtout relevé l’absence quasi totale d’une vision stratégique d’investissement et de développement économique qu’illustrent « plusieurs cas d’aberrations ». La CAP citera l’exemple de Cevital qui fait face au « silence incompréhensible de l’administration ». Cette entreprise avait introduit des dossiers d’investissement pour le lancement de quatre méga-projets pouvant générer plus de trois mille emplois directs permanents, mais, à ce jour, aucune suite n’a été réservée à cette demande. Le même « silence incompréhensible » a été également réservé par l’administration à un investisseur niçois (France) venu en Algérie, selon la CAP, « avec l’idée d’un projet bien ficelé d’aménagement d’un port de plaisance dans le bassin du port de Béjaïa tout à fait indiqué pour notre région et parfaitement en phase avec la politique du gouvernement qui ne cesse d’insister sur le développement de l’industrie du tourisme génératrice de milliers d’emplois en amont et en aval ». La CAP a relevé aussi des cas d’implantation de projets « sans maturation et sans études d’impact ». L’absence de toute coordination entre l’administration et les élus a parfois conduit au blocage de beaucoup de projets d’investissement : cas du promoteur Lalaoui, mais aussi de l’entreprise Auvisat et celle de Meheleb. L’investisseur Tighidet attendait vainement que sa situation de blocage à El Kseur soit levée par l’administration après qu’elle se fut engagée à le faire. »

La thèse du complot contre la région a plané

La récession économique de la région, connue il n’y a pas si longtemps, comme étant le troisième pôle économique à l’échelle nationale, de même que le détournement des investisseurs étrangers vers d’autres wilayas, accrédite la thèse d’une conspiration contre la région. Ainsi La Nouvelle République rapporte que « les élus et les opérateurs économiques de la région n’ont pas manqué aussi de relever ce fait étrange qui consiste en l’implantation de toutes les directions régionales des entreprises publiques et autres institutions hors wilaya alors que leurs bases d’activité principale sont dans la capitale des Hammadites, à l’exemple des directions régionales des Douanes, de Sonelgaz et des impôts, implantés à Sétif. » A cela s’ajoute la Chambre de commerce et d’industrie de la Soummam, bizarrement située à Setif, et la fermeture de l’aéroport de Béjaia sans doute au profit de celui tout neuf de Sétif.

Petit à petit, la thèse du sabotage économique des wilayas kabyles par l’Etat central, jusqu’ici cantonée au milieu autonomiste, semble se répandre et former un consensus chez les acteurs politiques et économiques de la région.

(sources : La Tribune, La Nouvelle République, Le Jour d’algérie)



La Chronique du [CyberKabyle].

25 décembre 2006

Algérie : l’indice de confiance des industriels chute encore


Ca y est, Zidane, le cache misère, est parti. La fête est finie. Ne restent que les affiches déchirées de "Zidane et Bouteflika, des hommes de paix", les tas d’ordures habituels qui jonchent les rues, et des chiens errants.

Pendant ce temps, la dernière lettre économique gratuite (N° 64 de Décembre 2006) du Forum des Chefs d’Entreprises (l’équivalent du MEDEF français) est disponible sur le site du FCE. Il apparait dans ce document que l’indice de confiance des industriels en Algérie (et, par conséquent, celui des investisseurs potentiels) a encore chuté...


Tout laisse à penser que l’économie algérienne est en panne :

le pays n’arrive pas à capter l’investissement étranger,

la croissance n’est plus au rendez-vous malgré la manne pétrolière. La valeur ajoutée de l’industrie manufacturière par tête d’habitant à baissé de 47,7% en Algérie, alors qu’elle progressait de 96% au Maroc !

.

le pays est dépendant des hydrocarbures à 98% (en clair, SEULEMENT 2% des exportations de l’Algérie ne sont ni du gaz ni du pétrole) et a du mal à engager une vraie politique de diversification, Syndrome hollandais oblige.

Malgré la manne pétrolière inespérée de ces dernières années, le niveau de vie s’est dégradé. (Il est totalement inapproprié de vouloir le comparer à celui d’autres pays producteurs de pétrole ou de gaz comme la Norvège ou même l’Arabie Saoudite...)

. L’abandon de la scène internationale par l’Algérie est flagrant : plus question d’adhésion à l’OMC, plus question de signer un traité d’amitié avec la France et pas question de revenir au week-end universel, qui est une exigence économique indispensable à toute dynamique d’investissement. Depuis 1976 et l’adoption du weekend islamique (jeudi et vendredi), l’Algérie ne travaille que 3 jours par semaine en phase avec le reste du monde. Pour information, l’Algérie "perd" entre 300 à 500 millions de dollars par an dans cette affaire. D’après la Banque Mondiale, le passage au WE universel devrait générer "une croissance de 3% du PIB". Seuls l’Algérie et des pays conservateurs comme la Libye, la Somalie ou l’Arabie Saoudite continuent à en faire une question hautement religieuse.

Le revirement de l’Etat sur les privatisations (des centaines de fonctionnaires sont dans l’attente d’une décision définitive et font tourner leurs services à minima depuis des années).

Beaucoup d’entreprises sont mal managées, les projets mal gérés, les ressources mal allouées, l’environnement des secteurs bancaires et fonciers reste archaïque, la corruption est omniprésente au plus haut niveau. Le chômage de masse, la dégradation de l’habitat, de la santé, du niveau scolaire et du pouvoir d’achat touchent une part importante de la population. Autant d’indices caractéristiques du mal développement qui augure d’un futur déjà vu.

Quel avenir ?

Jamais depuis le premier choc pétrolier une telle pluie de dollars ne s’était déversée sur les pays producteurs d’hydrocarbures. Mais la stabilisation des cours de l’or noir au-dessous de 60 dollars, qui devrait se prolonger après un pic à 78 dollars durant l’été 2006, pourrait marquer la fin de cette période faste.

"Depuis 2000, les monarchies du Golfe, la Libye et l’Algérie ont accumulé près de 845 milliards de dollars d’excédents extérieurs. c’est plus que la Chine durant la même période", révèle Koceila Maames, économiste à la banque d’affaires française Calyon.

Une partie de ce trésor de guerre est venue gonfler les réserves de change des banques centrales pour renforcer les monnaies nationnales. En Algérie, par exemple, celles-ci ont atteint un record en 2006 : près de 70 milliards de dollars, de quoi honorer trois ans et demi d’importations. Une autre partie a servi à rembourser des crédits. Enfin, la dernière partie est consacrée à la modernisation des économies de la région. L’Algérie a annoncé un plan d’investissement de 120 milliards de dollars d’ici 2009. Ce boom des dépenses publiques sert à remettre les infrastructures pétrolières à niveau, comme en Libye, ou à préparer l’après-pétrole en pariant sur de nouveaux secteur. Dubaï mise sur le tourisme et les services financiers. L’émirat envisage même de concurrencer à terme la Bourse de New York (NYSE) pour le négoce de pétrole.

Quant à elle, l’Algérie finance notamment un gros programme de construction de logements et d’infrastructures routières. Des dépenses qui s’imposent, dans des pays ou la population a doublé en vingt ans, mais qui n’ont pas toujours d’effets positifs sur l’emploi : en Algérie, par exemple, les chantiers ont été confiés en majorité à des compagnies chinoises, pour gagner du temps ... et de l’argent.

Risque d’inflation

"L’ancrage au dollar des monnaies du Maghreb ajoute un risque supplémentaire, prévient Koceila Maames. Lorsque le billet vert se déprécie, ces pays sont confrontés au renchérissement des nombreux produits importés d’Europe, qui gonflent le coût de la vie."



Les Chroniques du [CyberKabyle].

24 décembre 2006

Les ressources en eau de l’Algérie atteindront leurs limites en 2020, selon l’Agence pour le climat


Les ressources en eau en Algérie "atteindront leurs limites à l’horizon 2020-2025", a déclaré mercredi à l’agence APS le directeur de l’Agence algérienne pour les changements climatiques (ANCC), Mustapha Kara.

"Si des mesures ne sont pas prises dans l’immédiat, l’Algérie verra (...) ses sources en eaux se tarir, notamment dans les Hauts-Plateaux et les steppes", explique-t-il dans cet entretien, en marge de la conférence internationale sur la lutte contre la désertification.

"La crise du climat va aggraver la dégradation des ressources naturelles dans les Hauts-Plateaux et toutes les régions steppiques" qui constituent "de véritables potentiels agricoles" et qui doivent, selon lui, "assurer la sécurité alimentaire du pays, ainsi que la protection de la frange côtière".

Il a expliqué qu’en raison de sa situation dans une zone de transition entre les régimes tempérés et subtropicaux, l’Algérie "présente une grande sensibilité au climat, notamment dans les Hauts-Plateaux et la steppe qui couvrent environ 60% des terres viables du Nord".

Il a notamment préconisé un aménagement des chotts (étendues d’eau en milieu aride), un reboisement massif et la définition de nouveaux critères architecturaux.

La Kabylie concernée aussi

Cette sècheresse ne concerne pas seulement les régions aride d’Afrique du Nord. La Kabylie aussi est concernée. En effet les incendies de forets, la déforestation sauvage, le trafique de bois, le pillage des ressources hydraulique kabyles par l’État algérien sont autant d’éléments qui font craindre le pire.

(Source : APS, AP)



La Chronique du [CyberKabyle].

15 décembre 2006

Zidane, l’idole


Depuis deux jours, l’ancien capitaine de l ’équipe de France, en visite en Algérie, déchaîne les foules partout où il passe.

SIRÈNES HURLANTES, deux motards ouvrent la voie à la Mercedes 500 blindée de couleur noire qui file en trombe. À ses côtés, occupant l’essentiel de la chaussée, des policiers sortent les bras de leurs véhicules banalisés pour enjoindre les automobilistes à se rabattre.

Envers les plus rétifs, les hommes de la garde présidentielle n’hésitent pas à recourir à la menace et à exhiber leurs AK 47 hors de l’habitacle. Derrière ce cortège officiel, une cohorte de véhicules hétéroclites s’efforce de suivre. Les journalistes locaux, accompagnés de copains ou de cousins, ne lâchent rien. Aucun battement de cils de Zidane ne peut ni ne doit échapper à leurs focales.

La cinquantaine de véhicules en fièvre a traversé, deux jours durant, la Wilaya de Boumerdes (une préfecture située à l’Est d’Alger, très durement touchée par le terrorisme durant la décennie noire, puis par un violent séisme le 21 mai 2003) à l’occasion de la visite de Zinédine Zidane. Sidi Daoud, Beni Amrane, Thenia… Villes martyres ou en partie détruites.

Chaque fois, le défilé des protecteurs et de ses suiveurs a laissé derrière lui un nuage de poussière, des odeurs de pneus et d’embrayage mêlées.

Traces fugaces du passage de Zidane ? Peu nombreux sont ceux qui sont parvenus à approcher le champion. Au mieux, les plus chanceux ont réussi à cadrer une photo, la main levée. L’empressement était tel que sa venue a occasionné quelques bousculades. D’autant que les gendarmes ou les militaires censés contenir la foule se préoccupaient parfois plus de le photographier avec leur téléphone mobile…

Mesures de sécurité et agenda chargé obligent, Zidane n’a pas traîné. Vingt ans après son dernier séjour en Algérie, il revenait au pays pour vérifier l’emploi des dons récoltés par l’association France 98 en faveur des sinistrés du tremblement de terre de mai 2003 et dont l’épicentre se situait à Thenia, non loin de Boumerdes. Grâce à un match de solidarité entre les anciens champions du monde et l’Olympique de Marseille, disputé au Stade-Vélodrome, le 6 octobre 2003, l’association avait récolté près de 1,5 million d’euros (billetterie, droits télé, parraineurs, etc.). Une partie de la somme fut allouée aux familles de pompiers du Var décédés en intervention, l’autre confiée à la Fondation de France qui s’est chargée de la redistribuer, après expertise, auprès de différentes ONG (SOS Villages d’enfants, Handicap International, Touiza Solidarité, Atlas Logistique, etc.). Sur une quinzaine de projets proposés, Zidane en avait retenu six, le plus souvent en rapport avec l’enfance.

Par curiosité, mais surtout par respect vis-à-vis des donateurs, il voulait constater de ses yeux.

« One, two, three, viva l’Algérie »

Polyclinique, unité de médecine infantile, pouponnière, unité de pédopsychiatrie pour enfants abandonnés… tant de projets utiles et émouvants réalisés grâce aux dons récoltés. Zidane a enchaîné les visites, rencontré les différents membres du personnel médical ébahis. Pendant ce temps, dehors, la foule scandait son nom. À défaut de pouvoir l’approcher, beaucoup se

rabattaient sur son grand frère Nordine, resté dehors, à l’écart des caméras. Malgré lui, c’est Nordine le discret qu’on sollicitait pour une photo ou un autographe. On lui offrait des dessins, des poteries, toutes sortes de présents adressées à Zinédine. Le grand frère acceptait en souriant. Remerciait, l’air gêné. Chaque fois les mêmes scènes : pour apercevoir la star, des petits malins escaladaient les toits ou les piliers. D’autres, plus téméraires, faisaient ployer les branches des oliviers. Les plus jeunes, eux, étaient trop petits pour apercevoir quoi que ce soit. Ils devront se contenter du souvenir indélébile de ce jour d’ambiance, festif comme une célébration d’indépendance. Journée où l’on a séché l’école pour attendre, deux heures durant, le champion en chantant : «Zizou, Zizou !» ou encore «One, two, three, viva l ’Algérie !»

Chaque fois, en sortant de sa voiture, Zidane pouvait apercevoir ces gosses en liesse et goûter leurs acclamations. Son sourire endisait long. Il aurait aimé rester, les regarder, se délecter. Mais il fallait poursuivre, continuer sa visite au pas de course. En retrait, ses parents ne perdaient rien de ce spectacle. Malika serrait son gros sac à main, Smaïl joignait les mains devant son pardessus des beaux jours. Tous deux vivaient une émotion rare. Parti de Kabylie avec rien en 1953, Smaïl revenait près de cinquante ans plus tard en héros, reçu avec les fastes d’un chef d’État. «En attendant leur avion, le fait de repenser au destin de cet homme m ’a foutu les larmes », confie Henri Émile.

Enveloppés par l’émotion de leur histoire personnelle, les Zidane n’ont guère eu l’esprit à saisir les dimensions plus sibyllines que comportait la visite de leur fils. Tant mieux si sa venue constitue un premier pas vers le dégel des relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays.

Mais la récupération de l’événement par le gouvernement a fait grincer quelques dents. Sur chaque site de visite, des officiels avaient tendu une bâche de 3 mètres sur 4 sur laquelle on découvrait Zinédine Zidane aux côtés du président Abdelaziz Bouteflika. Un grossier montage Photoshop appuyé par un slogan : « L ’Algérie est fière de vous ».Le champion et le président posant sur le même plan. Le message est clair : l’État algérien s’approprie la venue du champion.

En découvrant ces deux portraits accolés, le légendaire chanteur Kabyle Idir, ami de Zidane et compagnon de cortège, s’est montré perplexe : «Heureusement que Zinédine est un fédérateur. Il est l ’homme qu’il faut pour rassembler, malgré toutes ces récupérations parfois vulgaires.» Effectivement, celles-ci n’ont pas manqué. Lundi, déjà, lors du premier jour de visite, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Djamel Ould Abbas, n’avait cessé de montrer son meilleur profil et sa cravate fuchsia aux caméras. Se rendant indispensable, il alimentait de sa logorrhée chaque visite de site. Reprenant à son compte l’oeuvre des autres…

Hier, le ministre était absent. Zidane a pu disposer de temps pour dialoguer avec les personnels médicaux, les questionner sur leur quotidien et leurs besoins. À l’hôpital de Thenia, il a même pu jouer quinze minutes au ballon avec des orphelins originaires du Sahara qui, en plus de leur drame, sont victimes du racisme. Revenu à Alger, en fin d’après-midi, il a visité dans le recueillement le pavillon des enfants cancéreux du professeur Bouzid. Un moment rare et digne. Avec des silences. De la pudeur aussi. Des valeurs qu’apprécie Zidane.

En regagnant sa résidence d’État dans la soirée, son cortège a été ralenti par un autre convoi : celui du Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero. Après Thierry Breton hier, les sirènes n’ont pas fini de hurler dans Alger.

KARIM BEN ZIDANE, L'equipe

La Chronique du [CyberKabyle].

12 décembre 2006

Zidane cire les babouches de Bouteflika


L'arrivée de Zidane à Alger prend la tournure d’une visite officielle, d’un chef d’Etat, à l'instigation des autorités françaises selon la dépêche de Kabylie, organisé par les services de la présidence algérienne selon les grandes agences de presses internationnales. L’Algérie reçoit en même temps le ministre de l’Economie, Thierry Breton, dont la présence passe presque inaperçue.
“Je suis heureux de retrouver la terre de mes ancêtres” titre la Dépêche de Kabylie sous la plume de la journaliste Kahina Oumeziani.
«Je suis heureux d’être aujourd’hui en Algérie, terre de mes ancêtres et accompagné de mes parents, c’est quelque chose de magique parce que c’est une chose qui ne s’est pas produite depuis 20 ans ».

C’est Zinedine Zidane qui a déclaré cela lors de son arrivée hier en Algérie, accompagné de ses parents.

Il a été chaleureusement accueilli par le ministre de la jeunesse et des sports, le ministre de l’emploi et de la solidarité nationale M. Djamel Ould Abbas, ainsi que toute la presse nationale et internationale à l’aéroport d'Alger.

Au cours de la visite de Zidane à Ath Amrane, sa maman, très émue depuis son arrivée, a pu enfin exprimer sa satisfaction, « je suis très fière de mon fils et de tous mes enfants, autant fière du peuple algérien pour son accueil auquel je m’attendais », le père de Zidane a exprimé quant à lui, sa jubilation de revenir dans son pays accompagné de son fils.

Djamel Ould Abbès indique que ; « C’est un programme de coopération entre la Fondation Zidane, Fondation de France et les fonds récoltés lors du match qui a opposé l’OM de Marseille à l’équipe de France 1998 ».

Le même responsable ne manque pas de signaler que « Zidane n’est pas venu uniquement pour le football mais aussi pour répondre aux besoins de ses petits frères et sœurs qui sont en détresse ».

Zidane affirme modestement à ce propos que « le plus important est de voir qu’il y a des structures qui se montent, et de savoir qu’il y a moins de gens qui sont à la rue, cela veut dire qu’il y a des gens qui s’en occupent et qui essayent d’améliorer le quotidien des personnes. Je suis le porte-parole de ce qui se fait aujourd’hui, j’ai envie d’associer particulièrement mes collègues qui étaient sur le terrain, le plus important est qu’on atous participé à ce petit projet ».

Quant au chanteur kabyle, Idir, qui accompagnait le joueur, il dira que « c’est un homme de qualité, qui est venu voir la terre de ses ancêtres accompagné de ses parents. Il vient simplement en sa qualité d’humain, il vient prendre la température de son pays et voir où sont les choses pour lesquelles il s’est investi. Concernant le côté politique, il en est très loin, ce n’est pas un bonhomme qu’on peut récupérer, aucun Etat du monde ne pourra le récupérer, parce que tout simplement c’est est un homme de cœur, il vient parce qu’il aime ce pays, il aime ses racines berbères. Il veut aussi rendre hommage à son père et l’honorer dans son pays »
Après ces propos lénifiants de la part du journal des freres Benyounes, convertis à l'aplat-ventrisme intégrale pour Bouteflika, une autre article propose une analyse plus fine de l'évênement. "Zidane Boutefliké", titre José GARÇON du quotidien parisien Libération.
Le premier voyage en Algérie depuis vingt ans de la star du foot, icône de la jeunesse locale, tourne à la visite d’Etat « confisquée » par le Président.

Tout est allé très vite, hier, à l’aéroport d’Alger.

L’accueil protocolaire prévu pour recevoir « l’enfant du pays » a volé en éclats et une quinzaine d’adolescents en survêtement aux couleurs du drapeau algérien ont dû quitter l’aéroport sans avoir approché leur idole.

La bousculade à l’apparition de la star ­ veste gris foncé et baskets blanches ­ aura été à la mesure d’un événement cent fois annoncé.

« Laissez-lui le passage », criait un ministre quasi écrasé par la ruée des photographes.

Protégé par une garde rapprochée de policiers en civil, Zinédine Zidane a été mis en sécurité dans le salon d’honneur.

Poussé avec ses parents dans une voiture banalisée aux vitres teintées, il a ensuite disparu sans avoir pu parler à la presse.

Le « pèlerinage sur la terre de [ses] parents » de l’ex-capitaine des Bleus, icône et fierté de la jeunesse algérienne, venait d’être transformé en visite de chef d’Etat.

A la grande satisfaction du président algérien, qui rêvait d’être l’artisan du « retour » de Zidane dans un pays où il n’a pas mis les pieds depuis vingt ans, mais où ses parents, originaires de Kabylie, viennent régulièrement.

Cette visite aura été monopolisée par Abdelaziz Bouteflika avant même que l’avion de la présidence transportant le champion du monde ne s’immobilise ­ fait rarissime ­ devant le salon d’honneur de l’aéroport.

Binationaux. Les canaux diplomatiques français et algériens se sont mis en branle dès juillet, quand Zizou a fait part de son intention de se rendre en Algérie. Bouteflika, qui ne cache pas son peu d’inclination à l’égard de la langue berbère, s’est fendu d’un message traduit en tamazight pour congratuler le footballeur après le coup de tête lors de la finale de la Coupe du monde : « Vous avez réagi d’abord en homme d’honneur. »

Depuis, ministres et dignitaires, oubliant la défiance présidentielle à l’égard des « binationaux », répètent que Zidane est « l’invité du chef de l’Etat » et que son agenda comporte un « programme spécial » avec lui.

Des associations, qui avaient alerté la star contre « l’utilisation que le pouvoir voulait faire de sa venue », ont été prises à partie. Hier, le quotidien l’Expression, proche de la présidence, jugeait même « pas du tout anodine » l’arrivée de Zizou le jour du 46e anniversaire de la première grande manifestation populaire, organisée le 11 décembre 1960 par le FLN à Alger, en pleine guerre d’Algérie !

Humanitaire. On est donc loin de la volonté exprimée par le héros de placer sa visite de cinq jours « loin de tout protocole » à Aguemoun, son village d’origine en Kabylie, et dans un cadre humanitaire : il doit inaugurer des équipements médicaux et sanitaires dans la région de Boumerdès, où un séisme a fait, 2 300 morts et plus de 11 000 blessés le 21 mai 2003.

Entre inaugurations officielles et dispositif policier laissant peu de place au contact, les jeunes Algériens, ou du moins ceux qui pourront se procurer un billet, devront sans doute se contenter de faire un triomphe, jeudi, à leur héros, quand il donnera le coup d’envoi d’un match entre l’USM Alger et la JSM Béjaïa dans l’immense stade du 5-Juillet.

Une maigre consolation pour tant de rêve.


La Chronique du [CyberKabyle].

05 décembre 2006

Zidane en Algérie ’’Sur invitation d’Abdelaziz Bouteflika’’


L’ex-capitaine de l’équipe de France de football, d’origine kabyle, Zinedine Zidane sera en visite à Alger du 11 au 13 décembre, "Sur invitation du président de la République Abdelaziz Bouteflika".

L’ex-capitaine de l’équipe de France de football, d’origine kabyle, Zinedine Zidane sera en visite à Alger du 11 au 13 décembre, a annoncé le ministre algérien de l’Emploi et de la Solidarité nationale Djamal Ould Abbès. « Sur invitation du président de la République (Abdelaziz Bouteflika), Zidane sera en visite à Alger du 11 au 13 décembre », a affirmé M. Ould Abbès. "Zidane sera accompagné de son père et de sa mère", a ajouté le ministre.

Visite à l’initiative d’Alger ou de Paris ?

« M. Ould Abbès a ajouté que l’ancien champion du monde avec l’équipe de France, en 1998 a "déjà cofinancé", avec le ministère algérien de l’Emploi et de la solidarité, plusieurs projets, notamment dans la région de Boumerdès (est d’Alger). La région de Boumerdès a été le centre du tremblement de terre qui a secoué Alger et sa région le 21 mai 2003, faisant 2.300 morts et plus de 10.000 blessés.

Zinedine Zidane avait fait part en juillet au lendemain du Mondial 2006 de son intention de se rendre en Algérie" afin de "retrouver ses origines", "la terre de ses parents", où le président Bouteflika l’a invité. Zidane est né à Marseille. Sa famille est originaire d’Aguemoune dans la région de Béjaïa, en Basse Kabylie, à environ 250 km à l’est d’Alger. »

Ainsi selon l’AFP, citant le ministre algérien de la Solidarité nationale, cette visite serait organisé sur « Sur invitation d’Abdelaziz Bouteflika ».

Mais selon le quotidien algérois La Dépêche de Kabylie (malgré son nom, le siège de ce journal est à Alger. En Kabylie il n’emploie que des correspondants locaux comme n’importe quel quotidien national) , cette visite « très procolaire » aurait été « initiée par les autorités françaises ».

« Dans sa localité comme partout en Kabylie, on ne parle que de cette virée des plus attendue. On se pose toutefois plein de questions sur la nature de ce voyage qui selon des informations ébruitées, revêtira un caractère « très protocolaire ». Il semblerait que cette visite de Zidane serait classée très officielle avec toute l’armada protocolaire requise pour une visite d’Etat : avion spécialement affrété, délégation accompagnatrice spéciale de personnalités françaises, son séjour en Algérie serait arrêté de concertation très étroite avec l’ambassade de France à travers laquelle la visite est initiée par les autorités françaises, rencontres au sommet de l’Etat qui ne laisseront vraisemblablement pas le temps aux visites populaires... »

La Chronique du [CyberKabyle].

01 décembre 2006

LIVRE. La double absence. Des illusions aux souffrances de l’immigré.


Synthèse d’une recherche sociologique sur le phénomène de l’absence chez l’immigré algérien. Absent de sa famille, de son pays natal, du fait de son exil, mais aussi absent de son pays d’adoption, du fait de son exclusion sociale, des problèmes de langues, de culture, de racisme, etc. Sources utilisées, p. 429-430 et bibliographie des travaux de l’auteur, p. 431-437.

Note de lecture : La Double Absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré.

par Véronique Petit

Véronique Petit : Maître de conférences, Université de Paris VIII

Texte intégral

La Double Absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré. Préface de Pierre Bourdieu. Paris, Seuil, 1999, 448 p., ISBN 2-020385-96-1.

Sayad est décédé avant d’avoir pu achever le choix et l’organisation des textes qu’il voulait voir (re)paraître afin de rendre une cohérence à l’ensemble de ses analyses sur l’immigration / émigration à partir de l’exemple algérien, thème qu’il approfondira durant toute sa vie. C’est à Pierre Bourdieu qu’il confia son manuscrit avant de mourir et le soin de mener à terme l’objectif qu’il s’était fixé. La courte préface de ce dernier est suivie de treize chapitres qui reprennent des publications antérieures de Sayad, de 1976 à 1995. Les textes ne sont pas présentés selon un ordre chronologique mais selon un axe plus thématique qui rend compte de la forte cohérence de la pensée de Sayad. Une bibliographie complète de ses œuvres est également présentée. Soulignons d’emblée que les textes de Sayad se lisent avec plaisir en raison d’un style limpide, de la pertinence du choix des extraits d’entretiens qui donnent vie et relief à ses analyses.

Dans les premiers chapitres, l’auteur s’attache à construire l’émigration algérienne en tant qu’objet sociologique. À partir du récit d’un émigré kabyle, il rend compte des causes de l’émigration, de l’image de la France en Algérie, des logiques familiales et individuelles, des filières villageoises communautaires, des multiples difficultés de la vie en France. Il met en place les liens qui se tissent entre ceux d’ici et ceux de là-bas. La vie au village, les statuts des individus se définissent progressivement par rapport à l’émigration. Il identifie les éléments et les temps constitutifs de la vie d’un émigré.

Un des textes les plus connus de Sayad « les trois âges de l’émigration » (1977) est repris d’entrée en raison de son caractère fondateur. D’un point de vue méthodologique, il souligne la nécessité de reconstituer intégralement les trajectoires d’émigrés qui seules peuvent « livrer le système complet des déterminations qui, ayant agi avant l’émigration et continué d’agir, sous une forme modifiée, durant l’immigration, ont conduit l’émigré au point d’aboutissement actuel ». L’analyse de ces trajectoires permet de distinguer les variables d’origines et celles d’aboutissement et donc de renoncer à une vue partielle et ethnocentrique du phénomène migratoire. C’est le fil rouge de cet ouvrage. Sayad, à partir d’entretiens largement restitués, présente l’évolution du contexte, des causes de l’émigration algérienne au cours de trois générations. Ensuite, il cherche à montrer le caractère « exemplaire » de l’immigration algérienne en France. Cependant, on a plus le sentiment que c’est l’histoire, la profondeur de la dimension historique entre l’Algérie et la France qui est exemplaire, unique, plus que le modèle migratoire qui est développé ; les émigrés sont le « produits et victimes de cette double histoire » : histoire de la colonisation et de l’émigration-immigration. Il approfondit également la dimension politique dans la reconstruction historique de la migration. Néanmoins l’idée qu’émigrer est objectivement un acte fondamentalement politique est contestable, même si cette migration s’inscrit dans un cadre colonial. La dimension politique semble parfois être une rationalisation a posteriori. La rupture sociale, culturelle, économique, etc. qu’entraîne l’émigration n’est pas pensée par les acteurs au moment de la prise de décision, du départ et de la mise en œuvre. La rupture n’est pas un instant précis, c’est un processus. L’émigration ou plus exactement l’immigration peut être ou peut devenir politique, mais elle n’est pas par nature politique. L’immigration va favoriser l’éveil d’une conscience politique et sociale (mouvement associatif, syndicalisation, développement d’idées politiques dont le nationalisme. Sayad est cependant à nos yeux beaucoup plus intéressant quand il abandonne les grands déterminismes ou les grandes affirmations, et lorsqu’il met en évidence des figures, qu’il différencie les émigrés « "jayah" qui sont en rupture avec l’ordre commun de l’émigration, des émigrés qui sont conformes à la dox" de l’époque, c’est-à-dire conformés socialement de telle sorte qu’ils répondent aux besoins sociaux de moment et contribuant par cela même au maintien du statut quo ».

Après avoir présenté les conditions de la migration, Sayad s’intéresse aux conséquences de l’immigration en Algérie et aux discours qui sont tenus sur la « réinsertion » des immigrés dans « leur » société, « leur » économie, « leur » culture. De fait, Sayad reste au niveau des discours plus que dans l’analyse réelle de la situation dans les villages et les communautés. Il ne développe pas suffisamment les modifications structurelles qu’a pu engendrer l’immigration, notamment dans le fonctionnement des familles ou dans les relations entre hommes et femmes. Ces dernières dont d’ailleurs les grandes absentes des analyses proposées tout au long de l’ouvrage. Pourtant, si Sayad conteste la dichotomie migration de main d’œuvre/ migration de peuplement, pour lui dès le départ, les migrations sont des migrations de peuplement, son analyse reste centrée sur les hommes, les travailleurs, qu’ils soient en activité ou non. Femmes et familles sont absentes.

Sayad souligne dans un texte de 1981 combien la littérature relative à l’émigration est défaillante par rapport à celle produite sur l’immigration qui est riche et diversifiée, et combien la première est subordonnée à la seconde. Cette absence, ce manque de travaux sur l’émigration est l’expression d’une relation de domination politique et culturelle. Il explicite les conditions sociales d’une production scientifique, conditions qui dépendent à l’évidence du contexte politique et sociétal. L’Algérie (réification : derrière l’Algérie qui est concerné ? les hommes politiques, les sociologues ?) n’a pas réussi à faire de l’émigration et de l’émigré des catégories d’analyse, un objet scientifique. Il souligne avec justesse que les coûts parfois insoupçonnés et bénéfices de l’émigration (manque de données démographiques et économiques), le sens et la profondeur l’absence auraient du être des thèmes de recherche. Sayad démontre dans un court texte de 1988 le coût social de l’émigration : l’absence, le sentiment de culpabilité et de faute, la nostalgie, la solitude) en analysant un entretien mené en 1985 auprès d’un immigré algérien, alors qu’il était âgé de 51 ans et arrivé en France à l’âge de 19 ans. Cependant il faut souligner que depuis l’écriture de ce texte, les problématiques ont évolué et les regards se sont inversés : le pays d’origine devient un lieu de recherche sur les conséquences migrations internationales ; la migration est davantage pensée comme un système avec des va-et-vient, des échanges que comme un axe unidimensionnel. D’ailleurs la production scientifique de Sayad est elle-même symptomatique de cette absence. Elle est aussi révélatrice de l’évolution et de la richesse des thèmes d’étude liés à la compréhension des comportements des migrants internationaux.

À partir du chapitre 8, Sayad présente l’autre versant, celui des conditions de vie, d’être des immigrants en France. Son texte de 1986 « L’immigré, « OS à vie » a pour objectif de démontrer l’« identification presque totale qui se réalise entre la condition d’immigré et la position d’OS. [...] Le travailleur immigré constitue la figure idéale de l’OS objectivement inséparables l’une de l’autre, les qualifications d’immigrés et d’OS se confondent totalement ; et non seulement en partie, dans la réalité matérielle, mais aussi dans les consciences individuelles, tant chez les immigrés, les premiers concernés, que chez les observateurs ». Qu’en est-il pour les OS qui ne sont pas immigrés, pour les cadres, pour le reste de la population ? La superposition OS-immigrés ne semble pas si évidente : il ne présente aucun chiffres. Sans doute vraie au niveau des représentations, mais l’est-elle au niveau des chiffres, est-ce que les usines automobiles de Boulogne-Billancourt et Flins sont représentatives de l’ensemble du monde industriel français ? On peut en douter. Mais si cela est vrai nous aimerions en avoir une preuve. Ce qui est gênant, ce n’est pas les idées ou les réflexions que produit Sayad, car au contraire elles sont riches et séduisantes, c’est parfois un malaise diffus concernant le lien entre un cas très précis et une affirmation générale. L’analyse qu’il fait de la relation immigrant-travail-perception de la réalité économique et sociale est par contre très instructive. Sayad prône l’interdisciplinarité mais lui-même reste enfermé dans une approche très sociologique. Il ne fait pas suffisamment appel à des données économiques et démographiques qui renforceraient son analyse. La stigmatisation sociale se traduit par l’impossibilité à communiquer : le corps donc la maladie va se substituer au langage. Sayad analyse institutionnellement le système de soin français et son incapacité à comprendre les mots des immigrés, à diagnostiquer les maux.

Tout au long de son œuvre, Sayad exprime sa volonté d’être constamment conscient du contexte et des conditions de la construction de son objet d’étude ; de même il veille à définir avec précision le sens des concepts qu’il utilise, ou qu’on utilise. On peut lui reprocher parfois l’utilisation abusive et trop facile du « on » ou de « la société », comme si l’intérêt et la précision attachés aux immigrés n’avaient pas d’équivalent pour les non-immigrés - autre absence -, un vocabulaire un peu trop « bourdieusien » parfois. Il n’empêche que son œuvre reste exemplaire. Petit Véronique (2000). "Note de lecture : Abdelmalek Sayad, La double absence. Des illusions aux souffrances de l’immigré.". Revue Européenne des Migrations Internationales , Volume 16 , Numéro 2 , p. 191-193. Accessible en ligne à l’URL : http://remi.revues.org/document1819.html

Détails

Broché : 437 pages
Editeur : Seuil (1999)
Collection : Liber
Langue : Français
ISBN : 2020385961
Dimensions (en cm) : 3 x 13 x 22



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