Comme Mouloud Feraoun, Malika est née à Tizi Hibel, un village si haut que l’on pourrait presque y toucher les cieux. Adolescente, elle chante en kabyle dans la chorale du lycée « Fatma N’Soumer » : la chorale du « Djurjdura », qui obtiendra de nombreux prix. Plus qu’une simple chanteuse, Malika est déjà l’âme de la chorale. C’est souvent elle qui sélectionne les thèmes et écrit les paroles, parfois durant les cours d’arabe qui ne l’intéresse pas du tout. A ce sujet Malika écrira même un petit poème « Ta ?rabt ur t b ?i ? ara », ce qui signifie littéralement « la [langue] arabe je n’en veux pas ». Elle se distingue au Festival panafricain d’Alger en 1969 et compose, à quinze ans, le premier titre qui va la faire connaître, Tirga Temzi (Rêves d’adolescence). Très tôt sensibilisé au courant culturaliste "berbériste", elle fait la connaissance de la célèbre diva Taos Amrouche de passage pour enterrer sa mère et elle entretient une correspondance assidue avec l’Académie Berbère de Paris et l’écrivain-anthropologue Mouloud Mammeri qui n’hésitera pas à envoyer vers elle les chercheurs français, anglais et japonais enquêtant sur la Kabylie.
Lorsque le colonel-Président Boumediene, l’homme qui a généralisé l’arabisation en Algérie, visite la Kabylie, elle refuse de participer à la mise en scène de sa tournée. Cette visite avait une grande force symbolique. Elle devait montrer un « Raïs » triomphant en plein cœur de l’irréductible Kabylie. Ainsi une mise en scène avait été mise en place pour représenter le dictateur Boumediene comme une sorte de « Père bien-aimé de la nation », adulé par « son » peuple, y compris les Kabyles. Moment-clef de sa visite à Tizi-Ouzou, Malika Domrane, en tant que conductrice de la célèbre chorale locale, devait offrir au Président un burnous blanc, vêtement kabyle typique. Ce geste symbolisait de façon assez évident la soumission et l’allégeance du peuple kabyle au régime d’Alger. Bien que pressée de s’accomplir de la tâche par tous les officiels de la région, Malika refusa catégoriquement de remettre le fameux « burnous blanc » au colonel-Président. A sa place, c’est un ex-moudjahid kabyle qui s’en chargea, troquant ainsi son honneur contre quelques faveurs. Elle ajoute « Même chez nous, nous ne sommes pas chez nous » pour expliquer son refus.