« Nous condamnons fermement le harcèlement judiciaire dont sont victimes les journalistes algériens et le caricaturiste Ali Dilem en particulier. Ce dernier cumule, à ce jour -toutes peines confondues- plus de neuf ans de prison. La susceptibilité du président Abdelaziz Bouteflika n’a décidément pas de limites. Aujourd’hui, les tribunaux sont engorgés par les affaires de presse, » a déclaré l’organisation.
La cour d’appel d’Alger a condamné, le 11 février 2006, le caricaturiste Ali Dilem à une année de prison ferme et 50 000 dinars (550 euros) d’amende pour une dizaine de caricatures du président Abdelaziz Bouteflika, parues dans le quotidien Liberté, aux mois d’octobre et de novembre 2003. Reporters sans frontières est indignée par cette condamnation qui vise un caricaturiste talentueux. « Nous restons attentifs à tous les autres procès de journalistes en cours, car tant que les amendements du code pénal relatifs à la diffamation ne seront pas abrogés, l’Algérie continuera de pouvoir mettre ses journalistes derrière les barreaux. Deux d’entre eux font les frais de cette politique liberticide, Mohammed Benchicou et Bahir El Arabi », a conclu Reporters sans frontières.
Le tribunal de première instance d’Alger avait condamné le caricaturiste à 50 000 dinars d’amende. La cour d’appel a durci la condamnation au titre de l’article 144 bis du code pénal qui prévoit des peines de deux à douze mois de prison et des amendes pour toute mise en cause du président de la république dans des termes injurieux ou diffamatoires.
Contacté par Reporters sans frontières, l’avocat d’Ali Dilem, Khaled Bourayou, a déclaré qu’il « déplorait aujourd’hui que le métier de journaliste soit un métier à haut risque pénal et que le simple fait d’être journaliste suffit pour être condamné ».
« Il importe de juger les caricatures avec beaucoup de tolérance et de modération. Il ne faut pas que les caricatures de Dilem subissent le poids d’un syndrôme de violence lancée par les caricatures danoises », a ajouté l’avocat.
La cour d’appel a également à traité, le 15 février 2006, une autre affaire relative à une caricature de Dilem, sur le massacre de 21 soldats algériens par des terroristes. Le tribunal de première instance l’avait condamné, le 23 décembre 2003, à 4 mois de prison avec sursis. Le verdict est prévu pour la semaine prochaine.
A ce jour, Ali Dilem est poursuivi dans 24 affaires de presse.
Interrogé par l’hebdomadaire français « Le nouvel Observateur », Robert Ménard, secrétaire général de Reporter Sans Frontières, s’est montré particulièrement virulent sur le « climat général en Algérie » Il a souligné que « Dilem est une cible de choix car c'est le plus talentueux, celui qui a le trait le plus acerbe, qui sait faire ressentir le mieux le caractère ubuesque de ce pouvoir, civil en apparence, et militaire dans les faits ».
Selon lui l’explication devant cet acharnement contre ce dessinateur par le fait que Dilem est « justement le plus efficace des critiques. Il fait des dessins sur Bouteflika, les militaires qui l'entourent, la corruption, l'instrumentalisation de l'islamisme ».