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30 novembre 2006

L’Algérie met à contribution sa diaspora : Groupes de pression, lobbying et diplomatie parallèle.


« Les associations à l’étranger vont se constituer en groupes de pression. La diaspora algérienne s’organise » titre le quotidien algérien El Watan du 23 novembre 2006 sous la plume du journaliste Hassan Moali qui semble également indiquer une volonté de l’Algérie de peser sur les prochaines élections présidentielles en France.

Dans les années 1970-80, l’Algérie contrôlait la communauté algérienne expatriée, avec la bienveillance de l’Etat franças, via la tristement célébre « Amicale des Algériens en Europe ». Les activités de « l’Amicale », comme on l’appelait, sont entre autres relatés dans le texte autobiographique et auto-édité du militant berbériste Mohand Aarav Bessaoud, « De Petites gens pour une grande cause ou l¹Histoire de l¹Académie berbère (1966-1978) ».

Les activités de l’Amicale (laquelle était dirigée par des officiers de la SM, la Sécurité Militaire) allaient du renseignement sur les émigrés algériens en France à l’infiltration de leurs mouvements et associations, en passant par le contrôle de leurs activités culturelles.

Par exemple les affiches des concerts d’artistes kabyles jugés subversifs, comme Slimane Azem ou les Abranis, étaient arrachées. Des bagarres etaient oragnisées dans les salles de ces concerts pour dissuader le public d’y assister et les proprietaires à louer leurs salles. Seuls les artistes kabyles officiellement approuvés par le régime, comme Cherif Kheddam et Akli Yahiatene , pouvaient se produire en toute tranquillité... sur le territoire français. En cas de manifestations d’opposants au régime, les CRS français se chargeaient de les arreter et de les conduire dans leurs fourgons ... où les manifestants avaient la surprise de trouver des representant de l’amicale qui prenaient leurs papiers et notaient leurs noms. Depuis, cette organisation, sans doute trop génante pour les autorités françaises, à été dissoute.

On croyait en avoir fini avec cette époque, mais il semblerait que l’arrivée de Bouteflika au pouvoir en Algérie ait actionné la machine à remonter le temps. Ainsi le quotidien algérien El Watan du 23 novembre 2006 titre sous la plume du journaliste Hassan : « Les associations à l’étranger vont se constituer en groupes de pression. La diaspora algérienne s’organise » ce qui semble indiquer une volonté de l’Algérie de peser sur les prochaines élections présidentielles en france.

D’emblée, l’article annonce les intentions du ministère des « affaires étrangères » à l’égard des « chancelleries algériennes à l’étranger, notamment en Europe et aux Amériques ».

Les affaires étrangères viennent, en effet, d’instruire les chancelleries algériennes à l’étranger, notamment en Europe et aux Amériques, de s’ouvrir sur les communautés et leur fournir aides et assistance pour s’affirmer dans les pays d’accueil. Cette feuille de route n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque le consul général d’Algérie en France, Abderrahamane Meziane Chérif, a réuni, il y a quelques jours, les représentants du mouvement associatif algérien en France pour leur faire part de ce que l’Algérie attend d’eux. Et de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, son homologue, Abdelaziz Sebaâ, lui renvoie l’écho, en appelant les associations algériennes à « constituer un réseau de solidarité et d’entraide ».

Vers une diplomatie parallèle

Le fait que le gouvernement algérien a pris maintenant conscience de l’importance, mais surtout de la nécessité d’encadrer ses ressortissants d’ailleurs, notamment dans les grands pays, est déjà un pas en avant dans le processus visant à créer une sorte de diplomatie parallèle au grand bénéfice du pays. « Il est nécessaire d’élargir notre vision dans le cadre d’une nouvelle démarche, en favorisant la création d’associations socioprofessionnelles d’un type nouveau. » Ce propos du consul général d’Algérie en France résume parfaitement ce souci, nouveau, de rétablir les liens entre l’Algérie et ses enfants. M. Sebaâ, lui, appelle publiquement les Algériens du Canada à « s’affirmer en tant que minorité visible ».

Le Consulat général d’Algérie en France lance l’« Opération toile d’araignée »

Cette information est corroborée par une autre source, Rémi Yacine, correspondant à Paris pour le même quotidien, qui fait état d’une Conférence au Consulat général d’Algérie en France « devant un public trié sur le volet, dont Maître Vergès » visant au lancement d’une « opération toile d’araignée ».

Le consul général entend développer ses relations avec le monde associatif. « Les structures consulaires n’interviennent que comme catalyseurs et sont au service de la communauté sans autre ambition que de voir émerger des associations autonomes, dynamiques et pleinement représentatives. Il est nécessaire d’élargir notre vision, dans le cadre d’une nouvelle démarche, en favorisant la création des associations socioprofessionnelles d’un type nouveau, à l’instar de l’Association des médecins d’origine algérienne en France. » Un de ses amis ira jusqu’à le qualifier de « Spiderman » pour souligner sa capacité à tisser une toile d’araignée pour fédérer les nombreuses organisations.

En ces périodes d’éléctions présidentielles, il faut donc s’attendre une série d’opérations de lobbying tout azimut de la part d’« associations » proches du pouvoir algérien. Nous connaissions déjà Planet Dz, une association culturelle animée par des enfants de la nomenklatura algérienne qui coulent des jours heureux à Paris, loin de la politique d’arabisation et d’islamisation mise en place par leurs parents au pays. A travers leur association, bien évidemment subventionée par plusieurs organismes publics français, ils organisent à Paris de nombreuses manifestations artistiques algériennes (d’ailleurs souvent de bonne qualité).

Plus récement, le magazine GEO a publié un publi-reportage sur une Algérie des Milles et une nuit. Ce numéro spécial du fameux magazine de voyage était une ode à la politique de réconciliation initiée par A. Bouteflika. Contacté par Kabylie News, le responsable de publication du magazine GEO, sans doute un peu honteux, n’a pas daigné répondre à nos courriers.

Sarkozy dans la peau de Chirac : il est dithyrambique à propos de Bouteflika

Mais dans ces conditions, difficile de ne pas voir de sous entendu dans la visite de Sarkozy à Alger chez son grand "ami" Bouteflika . L’actuel ministre de l’intérieur et futur candidat à la présidence ne s’est pas contenté d’une opération « cirage de babouches et serrages de paluches ». Il a pu discuter en privé pendnat 5 heures avec Boutef, les yeux dans les yeux (n’y voyez aucune considération anatomique). Si la presse fait état des salamaleks qu’ils se sont échangés, rien n’a filtré de leurs propos.

Mais un autre article du même Hassan Maoli dans El Watan daté du 27 novembre 2006 et sobrement intitulé « Sarkozy remercie Bouteflika » lève une partie du voile. Le journaliste relate le contenu d’un courrier de remerciement « truffée de messages subliminaux qui vont au-delà d’un discours de circonstance et de courtoisie ».

Le ministre français de l’Intérieur mais surtout potentiel candidat de l’UMP à l’élection présidentielle prévue pour mai prochain, a renvoyé l’ascenseur au président Bouteflika, le remerciant pour le « succès » de sa visite en Algérie dans une lettre qu’il lui a adressée. « Ce voyage en Algérie était très important pour moi et je me réjouis qu’il se soit si bien déroulé. » Voilà qui lève un coin du voile sur les implications politiques, voire électoralistes du crochet du leader de la droite française en Algérie.

« Je sais la part déterminante que vous avez prise dans ce succès et je ne l’oublierai pas », note Sarkozy dans son message de reconnaissance au président de la République suggérant ainsi qu’il lui a sauvé la face à quelques mois de la présidentielle dont les voix des immigrés pourraient peser lourd dans le décompte final.

Et le ministre français de l’Intérieur ne tarit pas d’éloges à l’égard de son hôte qu’il couvre d’adjectifs aussi flatteurs les uns que les autres. « Sachez que j’ai passé en votre compagnie des moments particulièrement agréables et enrichissants. La pertinence de vos analyses sur la relation bilatérale comme sur les grandes questions internationales suscite mon plus grand respect. »

Et au détour des belles formules, le ministre de l’Intérieur enfile le costume de présidentiable pour se projeter, avec Bouteflika, dans une perspective politique beaucoup plus intéressante. « J’ai constaté avec plaisir que nous partagions un grand nombre de préoccupations (...) J’ai également été heureux de recueillir vos analyses si sages sur le sens de l’amitié franco-algérienne à laquelle, comme vous, j’attache la plus grande importance. ».

Le « comme vous » sonne ici comme une promesse d’avenir. Sarkozy ne s’encombre même pas de suppositions en lançant à Bouteflika cette promesse-engagement : « Vous pouvez compter sur ma détermination à ancrer cette relation dans l’avenir, car elle doit servir de modèle d’association pour l’ensemble des relations entre la Méditerranée et l’Union européenne. »

Pour conclure sur la "Françalgérie" : La « très officielle » Visite de Zidane en Kabylie

Les grandes manoeuvres mediatiques sont en cours. Ainsi selon le quotidien La dépêche de Kabylie, l’entourage familial de Zidane « laisse entendre sans réserve » que la « visite tant attendue » sera entamée le 11 décembre prochain, et ce « même si l’information n’est pas encore confirmée par un canal officiel, apparemment en charge du moindre détail du prochain voyage ».

« Dans sa localité comme partout en Kabylie, on ne parle que de cette virée des plus attendue. On se pose toutefois plein de questions sur la nature de ce voyage qui selon des informations ébruitées, revêtira un caractère « très protocolaire ». Il semblerait que cette visite de Zidane serait classée très officielle avec toute l’armada protocolaire requise pour une visite d’Etat : avion spécialement affrété, délégation accompagnatrice spéciale de personnalités françaises, son séjour en Algérie serait arrêté de concertation très étroite avec l’ambassade de France à travers laquelle la visite est initiée par les autorités françaises, rencontres au sommet de l’Etat qui ne laisseront vraisemblablement pas le temps aux visites populaires... »


La Chronique du [CyberKabyle].

28 novembre 2006

Le plan Marshall pour la Kabylie : juste des paroles en l’air

François Miterrand, l’ancien président français, affirmait que "les promesses n’engagent que ceux qui y croient". Il semble que les dirigeants algériens se soient montrer des élèves attentifs de cette leçon et qu’ils n’hésitent pas à mettre en pratique les techniques du Maître.

Ainsi le fameux "plan Marshall pour la Kabylie", "le financement du rattrapage de la Kabylie", "Il y a de l’argent pour la Kabylie", toutes ces promesses faites par l’ex premier ministre Ouyahya, le premier ministre actuel Belkhadem ou le président algérien Bouteflika, ne se sont jamais concrétisés.

Ces effets d’annonces étaient pourtant largement relayés par les grandes agences de presse internationales (AFP, AP et Reuters) ainsi que le quotidien parisien le Monde, excellent relais de la propagande du régime algérien, sous la plume de Jean-Pierre Tuquoi, grand lécheur de babouches devant l’éternel, dans son article intitulé « A Alger, l’afflux de devises n’empêche pas le clientélisme » (20 août 2005) indiquait qu’« en attendant les lendemains qui chantent promis par les plans de relance, la majorité des Algériens a la conviction que la manne pétrolière continue à alimenter un système fondé sur le clientélisme, qui profite comme par le passé à une minorité ... C’est en partie en versant des subsides qu’aurait été arrachée par Alger la paix en Kabylie, une région en dissidence ouverte. »

Mais concrètement que reste il du plan Marshall pour la Kabylie ?

Le 4 novembre dernier, la Dépêche de Kabylie, annonçait que « Tizi ne consomme que 22% de son budget annuel. L’argent de la Kabylie retourne au Trésor public ». Selon ce même article, « lors de la campagne présidentielle de 2004, lorsque Bouteflika, en tournée à Tizi Ouzou, lançait à l’assistance présente à son meeting que l’argent de la Kabylie est là et personne ne pourra le prendre ».

Le département de Bgayet (Bejaia), n’est pas épargne non plus. Le quotidien Liberté annonçait récemment au sujet du secteur de la prévention médicale « La wilaya a bénéficié de 24 milliards de cts, répartis sur deux tranches dont la dernière a été débloquée en août dernier. De cette importante cagnotte, pas un sou vaillant n’a été utilisé à ce jour !", et "Le système de la santé pour la wilaya de Béjaïa est l’un des plus mauvais du pays", "Il y a un désordre multiforme à Béjaïa. Il résulte d’une absence totale de management. »

A cela s’ajoute la récession économique qui frappe le secteur privé. Ainsi selon le quotidien Liberté daté du 22 novembre, « Cette récession économique interpelle au plus haut point la Chambre de Commerce du Djurjdura, une organisation qui regroupe les wilayas de Tizi Ouzou et Bouira, et forte de 70 000 affiliés, dont 700 membres. Le problème récurrent soulevé par les intervenants reste celui des zones industrielles, d’activités et de dépôts. “Les zones d’activités, censées être la vitrine économique de la wilaya, qui sont devenues de véritables repoussoirs. C’est un outil dans un piteux état”, dénonce Ameziane Medjkouh (le président de la Chambre de commerce). Outre cette situation déplorable d’un substrat de développement économique, l’orateur s’interroge également sur le sort réservé à l’Observatoire des investissements, un instrument composé de patrons d’entreprises et de l’administration et dont la raison d’être est théoriquement d’insuffler une dynamique économique dans la région. Cet Observatoire ne s’est pas réuni depuis cinq ans. »

Mais il ne s’agit pas vraiment d’un phénomène récent selon le professeur Said Doumane, spécialiste en économie de la Kabylie, et enseignant au Centre de Recherche Berbere de l’INALCO. Il affirme que « à partir de 1980, on assiste à un net reflux des investissements étatiques, reflux directement lié à la protesta inaugurée par le "printemps berbère". Une sanction politique pernicieuse non assumée dont la Kabylie continue à payer le prix et de façon encore plus draconienne depuis avril 2001. Aujourd’hui, délaissée économiquement par l’Etat et sans projet de développement propre, la Kabylie sombre de plus en plus dans la pauvreté. L’émigration de travail se raréfiant d’année en année, l’économie traditionnelle abandonnée, les subsides publics se tarissant, les investissements privés et internationaux découragés, la Kabylie est économiquement dans l’impasse .... »

Evidement chacun se rejete la faute. Les élus locaux accusent l’état algérien tout en rappellant leur attachement à l’état-algérien-uni-et-indivible. Le ministre de l’interieur propose un redécoupage adminsitratif afin d’augmenter le nombre de prefets (waly) afin de palier a l’incompetence des élus loceaux.

Devant cette foire d’empoigne qui mele corruption, incompetence et sanctions ... reste le Peuple Kabyle qui paie.



La Chronique du [CyberKabyle].

15 novembre 2006

Sarkhozy et Bouteflika, une rencontre petits bras


" ... De son coté le petit Abdelaziz brille surtout par ses abscences. Il prospère sur du vide. La vie politique algérienne est paralysée. Les dossiers les plus sensibles sont en suspens. Les reformes importantes sont oubliés. Le tout entrecoupé par des disparitions mysterieuses ..."
Il a fallu que Sarkhozy aille en Algérie pour que l'on se rende compte à quel point il est petit. D'ailleurs si Bouteflika l'adore c'est sans doute parce qu'il a enfin trouvé quelqu'un qu'il peu regarder dans les yeux sans se prendre un torticolis. Évidement si cela ne se résumait qu'à des considérations anatomiques, cela ne serait pas grave. Ainsi Sarkhozy qui n'a que le mot "rupture" à la bouche nous ressert une diplomatie dans le plus pure style chiraquien. Au menu, léchage de babouches et serrage de paluches. Le ministre de l'intérieur français a parlé d'un climat "très cordial" et "amical". Il a vanté "l'expérience" et les "avis" du président algérien, qui l'a "autorisé", le matin, à se rendre au monastère de Tibéhirine, où sept moines français avaient été assassinés en 1996. M. Sarkozy s'est aussi d'ailleurs félicité du traitement digne d'un chef d'état qui lui a été réservé. Une vraie caricature des guignols, on sent bien la bassesse de l'individu. Félicitations au petit nicolas qui a eu droit a son tour de manège gratuit. Une petite visite d'état comme Chichi.

De son coté le petit Abdelaziz brille surtout par ses absences. Il prospère sur du vide. La vie politique algérienne est paralysée. Les dossiers les plus sensibles sont en suspens. Les reformes importantes sont oubliés. Le tout entrecoupé par des disparitions mystérieuses et des réapparitions pour "rassurer les algériens", selon l'écoeurant El Watan. Thierry Oberlé, Grand reporter au service étranger du Figaro, livre une intéressante analyse.

La dernière grand-messe du pouvoir remonte maintenant au 4 juillet. En ce jour de fête de l'indépendance, le président algérien était intervenu pour annoncer la tenue avant la fin de l'année d'un référendum en vue d'amender la Constitution. À en croire les augures, la révision devait donner au chef de l'État les coudées franches pour proroger ses fonctions. Il était question de supprimer la limitation du mandat présidentiel à deux exercices. Élu une première fois en 1999, Bouteflika s'est fait réélire sans difficulté pour un second quinquennat en 2004. Une modification de la Constitution lui permettrait d'entrer dans une logique de présidence à vie, comme son voisin tunisien Zine el Abidine Ben Ali. Bouteflika peut compter dans son entreprise sur l'appui du FLN, l'ex-parti unique dont il contrôle l'appareil. Son secrétaire général et actuel premier ministre Abdelaziz Belkhadem ne peut qu'encourager l'initiative. Surtout si elle lui permet d'accéder à la vice-présidence et de s'imposer le jour venu en héritier.

Le 4 juillet, Bouteflika avait également pris soin d'élever au plus haut grade de l'armée le général Ahmed Gaïd Salah, chef de l'état-major des armées, le général Benabbès Ghaieziel, son conseiller militaire au palais présidentiel d'el-Mouradia sur les hauteurs d'Alger et bien sûr le général Mohammed Mediène, dit Tawfik, inamovible patron depuis 1990 du Département de renseignement et de sécurité (DRS), le tout-puissant bras politique de l'armée. La récurrente épreuve de force entre le chef de l'État et les militaires donnait l'illusion de s'estomper.

Mais, quelques jours plus tard, Abdelaziz Bouteflika disparaissait de la scène publique. Était-il à nouveau malade ? Soignait-il les séquelles de sa lourde opération à l'estomac pratiquée en novembre 2005 à Paris ? Où était-il ? À Alger ? À l'étranger ? La vacance de la première institution du pays alimentait les conversations. Les versions variaient d'un jour à l'autre. Fidèles à sa culture du silence, le sérail se taisait. « Il a droit comme tout le monde à un congé », lança le premier ministre Abdelaziz Belkhadem. En congé ? « Et si on l'avait mis en congé ? », se demanda la rue algérienne. Bouteflika réapparu comme si de rien n'était sur le devant de la scène en septembre après 50 jours d'absence. Puis le pays plongea dans la torpeur politique du mois de ramadan. Le pays vaque depuis à ses occupations. Le président aux siennes.

Quant au référendum, il est renvoyé aux calendes. « Ça va être difficile à organiser avant le 31 décembre », a prévenu voici quelques jours son ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. L'Algérie a pourtant l'habitude d'orchestrer des votes taillés sur mesure. Si l'Algérie montait des élections au Burundi, le président Zéroual serait automatiquement élu, disait une blague. Cette plaisanterie circulait dans les années 90, en pleine insurrection islamiste. Elle est toujours d'actualité. Alors, pourquoi un report ?

L'hypothèse d'un veto ou du moins de fortes résistances des « réseaux de l'ombre » à une présidence à vie est la plus probable. Depuis le reflux de la guérilla, les militaires ont pourtant regagné leurs casernes. Les plus anciens galonnés sont à la retraite et s'enrichissent grâce au boom de la rente pétrolière. Mais le DRS - l'ex-Sécurité militaire - veille. Dans ce pays de rumeurs, les milieux bien informés considéraient qu'il avait passé un accord avec Bouteflika pour assurer sa réélection en 2004. Le projet de révision de la Constitution a vraisemblablement modifié les équilibres. Il a fait entrer l'Algérie dans une zone de turbulence.



La Chronique du [CyberKabyle].

05 novembre 2006

Patrick Haenni: Islamisme, management, et vidéoclips


Cet essais décrit l'émergence dans le monde dit arabe d'une religiosité branchée, libérale et apolitique. Mais toujours aussi rigoriste. Ce sociologue suisse a travaillé trois ans au Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej), basé au Caire. Auteur d'une thèse sur une banlieue islamiste de cette ville (« L'Ordre du caïd », Karthala, 2005), prix de la meilleure thèse en français sur le monde musulman en 2001

Patrick Haenni, 36 ans, a séjourné en Egypte de 1995 à 2005, où il a étudié l'émergence d'un nouvel islamisme adapté au marché et à la mondialisation, peu politique, mais plus rigoureux que jamais. Il explique ici comment modernité et tradition se combinent pour former un intégrisme qui a beaucoup de liens de parenté avec les mouvements fondamentalistes américains.

Présentation de l'éditeur

A l'ombre de l'islamisme radical, un autre islam est en train de voir le jour en Égypte, en Turquie, en Indonésie et l'ensemble du monde musulman : l'islam de marché. Tissé de compromis pragmatiques avec l'Occident, il s'alimente à la culture managériale, vante la réussite individuelle, prône la réalisation de soi, acclimate les interdits aux impératifs du marketing et de la consommation de masse, et instruit le procès de l'étatisme et des organisations militantes. Transformant les modes vestimentaires, musicales, audiovisuelles et les formes de la solidarité, ses agents (entrepreneurs religieux, prédicateurs télé, coachs spirituels...) ne renoncent pourtant en rien à la rigueur morale et fustigent la pluralisation des modes de vie. Porté par les nouvelles bourgeoisies urbaines, leur idéal préfigure une " révolution conservatrice " comparable en bien des points à celle qui triomphe en Amérique. Loin de " l'islam éclairé " tant attendu, une convergence paradoxale s'affirme le long d'un " axe de la vertu " fondé sur la religion, la morale, les œuvres et le marché.

Biographie de l'auteur

Patrick Haenni est politiste. Ancien chercheur au CEDEJ (Le Caire), il est l'auteur de nombreuses études sur les processus d'islamisation en Égypte, au Soudan, au Maroc, au Yémen, en Afghanistan ainsi que dans les populations musulmanes d'Occident. Il a notamment publié L'Ordre des caïds (Karthala, 2005).

Vous avez étudié l'évolution des classes moyennes arabes, en particulier en Egypte. Peut-on parler ici de « réislamisation » ?

-Certainement, si l'on entend par ce terme le renforcement, dans les espaces publics musulmans, des normes religieuses, à commencer par le port du voile. On le vérifie aussi dans la vie privée, où de nouveaux rites s'instaurent, comme les prières familiales de nuit pendant le ramadan. En revanche, il faut distinguer réislamisation et islamisme, car le plus frappant, aujourd'hui, c'est la multiplication des opérateurs religieux indépendants : prédicateurs, moralistes, chanteurs de « pop-louange islamique », etc. Cette déconnexion entre piété affichée et militantisme politique ne signifie pourtant en rien la fin du rigorisme prêché par les Frères musulmans (1).

Comment expliquer ce nouveau rigorisme islamique dans des milieux pourtant ouverts sur le monde, sinon sur la mondialisation ?

-Tout simplement par le fait qu'ouverture sur le monde, mondialisation et islamisation ne sont en rien contradictoires. Le monde sur lequel on s'ouvre n'est pas forcément celui de Rousseau et Voltaire, cela peut aussi être celui du moralisme protestant. L'ouverture sur le monde et la volonté de vivre dans la piété s'expriment par exemple dans le succès stupéfiant au sein de la bourgeoisie égyptienne d'un chanteur musulman anglais d'origine azerbaïdjanaise, Sami Yusuf : il est jeune, il est beau, il est riche, et, last but not least, il chante le retour de l'islam... en anglais. Il représente bien ce nouvel islam, hédoniste, portant les valeurs de l'individualisme bourgeois et vantant la réussite. Loin de lui offrir un refuge, ce nouvel islam expose la bourgeoisie égyptienne aux vents de la globalisation néolibérale, toutes voiles dehors !

Vous racontez également la multiplication des salons de femmes. De quoi s'agit-il ?

-Le premier « salon islamique » a été créé il y a une dizaine d'années par quelques « actrices repentantes », c'est-à-dire des comédiennes ou des présentatrices de la télévision qui avaient décidé de renoncer à leur vie antérieure. Elles ont relancé une institution du Caire libéral des années 30, le salon littéraire, en lui donnant une mouture islamique. En dix ans, le salon islamique est devenu l'un des instruments majeurs de la réislamisation de la bourgeoisie. Les femmes s'imposent comme fer de lance de la réislamisation, mais cette féminisation n'a pas engendré l'émergence d'un discours propre. Le salon, c'est l'espace de confirmation des concepts de la domination masculine : la soumission, la patience dans l'épreuve, la repentance.

Peut-on dire que les élites réislamisées portent une nouvelle vision religieuse ?

-Ces nouvelles formes d'islam en train de recomposer la piété dans une logique « postpolitique », comme me le disait un ancien islamiste, ne correspondent pas à la mise en place d'une nouvelle exégèse. Ces élites ne sont portées ni sur le djihad ni sur un « islam des Lumières », mais plutôt sur une recherche d'équilibre intérieur ne touchant à aucun fondement de ce qu'Olivier Roy appelle la « matrice salafiste » (2). Lorsque le prédicateur Amr Khaled se positionne en affirmant qu'être un bon musulman est chose facile, que c'est simplement affaire de petits ajustements et non plus de grands renoncements, il définit une espèce de « religiosité plancher » sans fixer la hauteur du plafond : s'il suffit, pour une femme, de porter le hidjab (le foulard), il ne s'oppose pas au niqab (voile qui recouvre entièrement). L'absence de plafond rend cette nouvelle religiosité fondamentalement ambiguë : si elle peut « soutirer » des recrues au salafisme en offrant un islam plus soft, elle peut tout autant servir de tremplin vers des formes plus dures de religiosité.

Bizarrement, ce nouveau rigorisme est porté par des gens qui revendiquent aussi leur modernité...

-En effet, et cela est très bien illustré par le succès phénoménal du prédicateur Amr Khaled. Ambition, richesse, succès, imagination, efficacité et souci de soi sont, selon lui, les portes du paradis. Efficace économiquement, désengagé politiquement, le nouvel islamiste cultive les valeurs de la richesse et de l'« achievement ». Amr Khaled a lancé le premier talk-show islamique, intitulé « Propos du fond du coeur », sur une chaîne de télévision diffusée par satellite. Il a abandonné le discours de la peur et de la menace des prédicateurs traditionnels. Il redécouvre à la fois le dieu d'amour catholique et l'éthique protestante. Quand on ajoute à cela la prégnance du répertoire de la repentance, à la source d'un véritable mouvement social, on réalise à quel point on est proche des born again christians (3). L'américanisation peut très bien se faire aussi dans le religieux.

Qui est Amr Khaled ?

-Amr Khaled a 38 ans, c'est un fils de très bonne famille. Diplômé d'économie de la faculté du Caire, il découvre les Frères musulmans sur le campus dans la première moitié des années 90. Grâce à eux, il trouve sa première tribune dans la mosquée du club de la Chasse. Ce club à l'anglaise s'est ouvert à la bourgeoisie montante en baissant les tarifs d'inscription et a été infiltré par les Frères. Amr Khaled rayonne dans les salons de femmes de la bourgeoisie cairote dans la seconde moitié des années 90. Dans la foulée, il devient le prédicateur de la grande mosquée de la ville nouvelle du Six-Octobre. Il y connaît un succès considérable, grâce à un style résolument novateur : il offre un islam convivial, d'aspect moderne, interactif. Son véritable succès médiatique, il le doit à ses émissions sur les chaînes de télévision par satellite, à commencer par « Propos du fond du coeur », où, invités à raconter leurs itinéraires de retour à la piété, les jeunes qui forment le public amènent dans la conscience musulmane, qui l'ignorait jusqu'alors, la pratique du témoignage de foi, voire de la confession... Amr Khaled, maintenant, c'est la star de l'islam contemporain, de Casablanca au Caire en passant par Le Bourget, il y a deux ans.

Et c'est la notion de repentance qui accentue le parallèle avec les fondamentalistes américains ?

-Sans aucun doute, la repentance, la nouvelle vie, le basculement, jouent un rôle essentiel chez les nouveaux fondamentalistes. On retrouve aussi l'idée d'une foi vécue comme quelque chose de personnel, vecteur de la réalisation de soi. Le dernier programme d'Amr Khaled s'intitule La Fabrication de l'existence et exalte la « pensée positive », le positive thinking des prêcheurs américains. Alors qu'on pensait avoir affaire à un renouveau religieux très contestataire et antioccidental, on découvre une religion du retour sur soi, de l'équilibre intérieur. L'essentiel n'est plus l'Etat - et le projet révolutionnaire qui peut l'accompagner -, mais l'individu. Cette foi convient à une bourgeoisie égyptienne en pleine phase de restructuration après avoir été mise à mal par les idéaux égalitaires du socialisme nassérien. Elle exalte les deux grands piliers de cette classe : le libéralisme et la piété.

Est-ce un mouvement de retour identitaire, hostile au monde extérieur, occidental en particulier ?

-Quand Amr Khaled parle de la nécessité pour le monde arabe de sortir de son arriération, il va chercher ses modèles en Allemagne et au Japon, et non dans l'islam des « califes bien guidés », l'âge d'or du salafisme. C'est le retour de Dieu, mais sans les islamistes. Un peu comme si, aux marges des appels au djihad, l'islam glissait en silence du clash des civilisations vers la fin de l'histoire. Car ces modèles de religiosité sont fondés sur le consumérisme, l'hédonisme, le repli sur l'individu. Ils marquent la fin de l'obsession identitaire et prennent leurs distances avec l'engagement militant. Cela explique le succès de la littérature de management et de réalisation de soi, véritable utopie de substitution auprès de certaines composantes des déçus de l'islamisme.

Des islamistes convertis à la littérature de management ?

-Oui. Tout a commencé à la fin des années 80, quand de jeunes islamistes irakiens, koweïtiens et palestiniens sont partis étudier aux Etats-Unis. Ils y ont découvert cette littérature dans les facultés d'économie, et l'ont rapatriée dans le monde arabe, certains en tentant de l'islamiser. Elle avait tout pour séduire : elle visait, comme le projet islamique originel, à transformer la société par une réforme morale des individus, elle leur offrait une éthique conforme à leur nouveau monde - l'entreprise - et une utopie non polémique.

Et cela aboutit à ce paradoxe : le nouvel islamisme n'est plus éloigné des valeurs de l'Amérique de Bush...

-A choisir entre les deux universalismes - le français et l'américain -, l'islam postmilitant table sur la modernité à l'américaine. Plutôt que l'Etat, la raison et l'égalité, ses promoteurs choisissent la religion, l'individu, la morale et la responsabilité. Ils rejoignent, sans probablement en avoir conscience, les critiques des néoconservateurs américains contre les Lumières françaises. Ils ne puisent pas leur inspiration chez Voltaire et Rousseau, mais dans la littérature de management, qui, empreinte de morale, contourne l'Etat et correspond aux valeurs de la culture d'entreprise.

C'est aussi un symptôme de la prise de conscience du retard des pays musulmans sur le reste du monde ?

-Oui. Amr Khaled répète que le monde musulman est dans une phase de décadence. Il a lu le rapport du Programme des Nations unies pour le développement qui a mis en évidence le retard dramatique du monde arabe, et qui y a fait l'effet d'une bombe. Son discours sur la richesse est aussi en accord avec le mouvement de dérégulation de l'Etat qui a commencé au milieu des années 90. Moins d'Etat providence, plus d'oeuvres de la providence, pourrait-on dire. En revanche, si ce mouvement se détourne de la politique et des projets révolutionnaires, la pression sociale sur les normes morales et de comportement s'accentue. Car, en faisant l'impasse sur une réflexion idéologique de fond, cette modernisation des comportements et des styles, au-delà de son aspect éclaté et de la religiosité « plus cool » affichée par un Amr Khaled, continue de confirmer la matrice salafiste qu'elle conteste pourtant en creux. Car les éclats du talk-show pieux voilent en définitive bien mal la pâleur d'un islam des Lumières tant attendu ici, mais relégué, une fois encore, dans les coulisses de l'histoire.

(1) Mouvement fondé en 1928, prônant une renaissance de la société sur une base religieuse. (2) Le salafisme est un mouvement rigoriste prenant pour modèle l'islam des origines. (3) Chrétiens appartenant au courant évangélique qui met les croyants en prise directe avec Dieu via la musique, les prières collectives et l'étude de la Bible.



La Chronique du [CyberKabyle].