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02 novembre 2007

Kabylie, les fruits de la croissance économique

Quels fruits (à l'exception de la figue) sont plus emblématiques de la Kabylie que la grenade, la caroube, l'olive et la figue de Babarie ?

Alors que dans différents pays on transforme et on commercialise ces produits suivant des procédés nouveaux et un marketing ingénieux, la Kabylie ne semble pas tirer profit de l'engouement mondial qui les entoure. Pourtant il faudra bien que tôt ou tard elle s'intègre dans ces échanges commerciaux internationaux potentiellement facteurs d'une croissance économique solide et tirée par des produits qu'elle sait déjà cultiver. Petit tour d'horizon des opportunités offertes par quatre fruits ; opportunités que la Kabylie est en train de laisser passer. Espérons que de jeunes investisseurs sauront les saisir à temps.

Grenadier (taremmant)+ marketing = profits juteux

L'hebdomadaire américain Newsweek du 7 aout 2006, nous relate l'histoire de deux entrepreneurs de Californie, Stewart and Lynda Resnick, qui acquièrent une plantation de grenades en 1987. Leurs conseillers suggérent de couper les arbres et de les remplacer des arbres à pistaches, plus rentables. Mais au milieu des années 1990, les Resnick entendent parler de l'utilisation médicinale de la grenade par les Egyptiens, les Grecs et les Romains, et demandent au biochimiste Michael Aviram , connu pour son travail sur les qualités anti-oxydantes du vin rouge, de travailler sur les grenades. A sa grande surprise les résultats se révèlent meilleurs que pour le raisin. En bref, les grenades c'est "bon pour la santé".

Les époux Resnick décident donc de lancer le jus de grenade POM (de l'anglais pomegranate qui signifie grenade) sur le marché. Ils rencontrent un obstacle de taille : seulement 12% du public américain savent ce qu'est une grenade, selon leur recherche. Ils concoivent donc un plan marketing pour faire connaitre le produit et le rendre "sexy". Un design très original pour la bouteille ainsi qu'une campagne de placement du produit réussie auprès des stars, des branchés, des prescripteurs et faiseurs-de-mode de Hollywood et de New York, ainsi que de nouvelles études sur les bienfaits sanitaires de la grenade rendent le fruit et le produit POM familiers pour les consommateurs.

Une fois le produit adopté par les stars du show-biz, le jus de grenade est devenu un produit branché, et aujourd'hui la marque POM réalise 91 millions de dollars de ventes annuelles, avec une croissance rapide de 35% par an. Résultat, le marche s'étend et d'autres marques s'installent sur le creneau. Il y a aujourd'hui près de 350 jus de fruits differents qui utilisent de la grenade. Même Tropicana, le leader mondial du jus de fruit, va lancer sa recette a la grenade.

Cette succes story à l'americaine, nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi en Kabylie, alors que le grenadier (taremmant) est connu de tous, personne n'a eu l'idée relativement simple d'en faire un jus de fuit (ou tout autre produit de transformation) et de le distribuer ? Alors qu'aujourd'hui la grenade et ses dérivés représentent un marché de plusieurs centaines de millions de dollars outre-Atlantique, en Kabylie on se contente encore de négocier ces fruits pour quelques dinars au souk du village.

Le caroubier (axerub) prend de la valeur

Tous les Kabyles connaissent la caroube (axerub) et la pâte que l'on extrait de ses gousses, sorte de Nutella nord-africain 100% artisanal. Cependant, le caroubier est de nos jours généralement délaissé et considéré comme un "arbre de pauvres", dont le fruit sert essentiellement à nourrir le bétail. Mais tandis que la Kabylie s'en détourne, la caroube fait son entrée en force dans les habitudes alimentaires mondiales.

Depuis un certain temps déjà, la caroube est un produit utilisé de manière massive par l'industrie agro-alimentaire. Sous le nom d' "agent épaissisant E410" le monde entier mange de la caroube ! On en retrouve un peu partout : dans les glaces, les sauces, les plats préparés, les charcuteries... Les plus gros producteurs de caroube se trouvent dans le bassin méditerranéen : Sicile (Italie), Maroc, Chypre, Andalousie (Espagne), Portugal. L'Algérie (et donc la Kabylie) est absente de ce palmarès.

Pourtant, la caroube a le vent en poupe : en plus de ses usages dans l'industrie alimentaire grand-public, elle est également de plus en plus utilisée par l'industrie des aliments pharmaceutiques en tant qu'aliment de substitution au chocolat pour le traitement des hypoallergies. En raison de ses qualités nutritionelles, la caroube devient en effet à la mode chez les végétariens et autres adeptes de nourritures bio : ce fruit ne contient qu'un tiers des calories du chocolat, est quasiment sans gras, riche en pectine, ne provoque pas d'allergies, ne contient pas d'acide oxalique et est riche en protéines.

En plus de ses usages industriels et pharmaceutiques, la caroube retrouve son statut d'aliment-plaisir sur de nouveaux continents : en Amérique du Nord et en Australie, des agriculteurs commercialisent des confiseries à base de caroube, lesquels séduisent les consommateurs argentés, soucieux de leurs santé et avides de produits sains. Macarob, une ferme australienne spécialisée, propose ses grains de caroube au détail à 3,20 euros (soit environ 300 dinars algériens) le kilogramme. Sachant qu'un arbre bien entretenu produit 100 kg de caroube par an, la vente au détail de la récolte d'un seul arbre se monterait aux alentours de 300 000 dinars. Pour rappel, un SMICard algérien gagne 120 000 dinars par an. Les produits transformés en diverses confiseries se négocient à des prix encore plus élevés. Il serait donc dommage que les Kabyles se désengagent d'une niche qui fait vivre de nombreux agriculteurs parmi nos voisins méditerranéens.

L'huile d'olive (zit uzemmur) : l'or vert. Oui, mais pas en Kabylie

Selon la tradition kabyle, l'huile d'olive aurait une âme, avec le pouvoir magique de dissoudre tous les maléfices. Sa consommation, outre ses vertus alimentaires et nutritionnelles est réputée allonger l'espérance de vie, fortifier le corps, clarifier la vue et elle aurait un pouvoir de guérison miraculeux. Autrefois limité aux pays méditerranéens, ce produit de consommation courante a ces dernières années conquis toute la planète au point d'être surnommé « l'or vert ».

Déjà réputée comme une des huiles les plus chères, l'huile d'olive devient lentement mais sûrement un véritable produit de luxe. Les consommateurs se l'arrachent pour ses vertus diététiques (le fameux « régime crétois ») mais aussi pour ses qualités gustatives. L'huile d'olive est à la mode, conséquences : « L'augmentation des prix à la production a donné lieu à un niveau élevé des prix à la consommation », affirme le très sérieux Conseil oléicole international.

En effet depuis trois ans, les cours s'envolent. L'année dernière, entre juillet et octobre, le prix à la production de l'huile d'olive a explosé de 51% pour atteindre parfois 4 euros le litre. Après une légère accalmie, on constate toujours des écarts conséquents : + 13% pour l'huile espagnole et + 26% pour l'italienne par rapport à la même période de l'année dernière. En un an la tonne d'huile en vrac est passée de 2 800 à 4 600 euros.

Orchestré par l'Espagne (35% de la production mondiale), l'Italie (25%) et la Grèce (18%), cette embellie sur le marché mondial ne profite pas vraiment aux producteurs du pourtour méditerranéen car le marché européen leur est encore fermé par les barrières douanières mises en place par Bruxelles.

Mais pour les plus dynamiques exportent vers de nouveaux marchés. Un négociant de Meknès (Maroc) fournit ainsi 9 000 tonnes par an d'huile marocaine aux Etats-Unis (pays où la consommation augmente de 10% par an), vendue au consommateur sous l'appellation italienne Bartolli.

D'autres pays comme le Japon, le Canada, ou la Scandinavie, qui ne consommaient guère d'huile d'olive, deviennent des importateurs importants. Et en quelques années, la production mondiale a quasiment doublé (2,7 millions de tonnes).

Qu'en est-il de la Kabylie, traditionellement pays de l'olive (azemmur) par excellence ? Selon le chercheur Rachid Oulebsir qui montre bien que la culture intensive de l'olivier en Algérie est concentrée en Kabylie et sur son pourtour, « le verger oléicole algérien a régressé sous la contrainte de facteurs multiples générés par des choix politiques en matière de développement qui ont poussé le paysan à l'abandon de ses arbres et au départ vers la ville. L'Algérie avec ses 20 millions d'oliviers représente à peine 1/5 de ce que possède un minuscule pays comme la Grèce et moins de la moitié du verger tunisien ou encore la moitié du patrimoine marocain ».

Marchant à reculons sur le terrain de la quantité, l'huile kabyle fait-elle mieux sur celui de la qualité (les huiles du terroir, biologiques et "équitables" permettant de dégager de meilleurs bénéfices) ? Nous sommes allés consulter M. Kadri Kassir, expert en huile d'olive basé dans un quartier chic de Paris. Après avoir goûté nos échantillons issus d'oliviers de Tuvirets (Bouira) et Bgayet (Béjaia) son verdict fut le suivant : "Cette huile est invendable sur les marchés internationaux. Elle est typique d'une fabrication méditerranéenne traditionelle un peu frustre qui lui confère une saveur âcre et un taux d'acidité inacceptables pour des clients hors de la zone de production. Il faudrait mieux sélectionner les fruits utilisés pour sa fabrication et également revoir le matériel de stockage, car certains bidons et bouteilles en plastiques dénaturent l'huile." Terrible constat d'échec : tandis que l'huile d'olive fait la fortune des agriculteurs méditerranéens, la Kabylie ne parvient pas à tirer parti de ce produit qu'elle considère pourtant comme sa spécialité.

La figue de Barbarie (akermus), de l'or en épines ?

En Kabylie, la figue de Barbarie (akermus) est célèbre pour ses épines et pour les troubles digestifs qu'une consommation excessive peut entraîner. Mais cette réputation ne semble pas empêcher son émergence sur les marchés internationaux.

En tant que fruit tout d'abord, la figue de Barbarie (originellement issue des terroirs d'Amérique cenrale) se fait une place de plus en plus grande sur les étals des supermarchés européens. L'Italie, et plus particulièrement la Sicile, semble exercer un quasi-monopole sur sa production dans l'Union Européenne.

Mais la figue de Barbarie n'est pas qu'un simple fruit. Elle aussi peut être transformée afin d'en tirer une valeur ajoutée plus haute. C'est ce que semblent avoir compris à la fois les industriels des cosmétiques - produits de beauté - et certains Marocains, notamment dans les zones berbères : on voit en effet apparaître depuis quelque temps de l'huile de figue de Barbarie à vocation cosmétique. Réputée (sans preuve scientifique) prévenir le vieillissement de la peau et combattre les rides, l'huile de figue de Barbarie s'arrache à prix d'or : Un modeste flacon de 30 ml se vend en France aux alentours de 20 euros (soit environ 18 000 dinars) ! Si l'huile issue des pépins pressés que contient le fruit est le produit le plus populaire, on trouve également et à des prix similaires, des macérats de fleurs de figues de Barbarie, eux aussi censés nourrir l'épiderme et combattre les rides. Les Berbères marocains tirent profit de cet engouement et produisent la plupart de ces huiles pour le visage.

En Kabylie, on se contente encore de faire des blagues sur la constipation entraînée par la consommation de pépins de figue de Barbarie, sans savoir que ces pépins une fois pressés valent de l'or. (src kabylie news)

Les Chroniques du [CyberKabyle].

01 novembre 2007

Le Président du CMA rend visite à la résistance Touarègue du Mali

Le Président du CMA,(Congrès mondial amazigh), Belkacem Lounes, s’est rendu au cours de la dernière semaine du mois de janvier 2007, dans la région Touarègue au nord-Mali.

Cette première visite du Président du CMA en pays Touareg du nord-Mali était d’abord l’expression d’un devoir de fraternité des Amazighs envers leurs frères des Kel Tamacheq (Touaregs), particulièrement au moment où ce peuple est confronté à diverses menaces. Le conflit ouvert qui l’oppose depuis plusieurs mois au gouvernement malien constitue une préoccupation majeure pour le CMA. A ce sujet, le président de l’ONG amazighe a rencontré et échangé avec divers partenaires touaregs, particulièrement avec les dirigeants de "l’Alliance Démocratique du 23 mai pour le Changement" responsables du mouvement de la résistance armée, issu de l’acte d’insurrection du 23 mai 2006. Ces derniers, rencontrés dans la région de Kidal, ont tenu à expliquer au président du CMA les origines du conflit, ses conséquences et les conditions de sortie de crise.

Les responsables de l’Alliance ont tenu à réaffirmer qu’ils ne sont pas des adeptes de la violence et que leur coup de force du 23 mai 2006 n’est que le recours ultime après épuisement des innombrables tentatives infructueuses de dialogue avec le gouvernement malien au sujet des responsabilités non assumées et des engagements non respectés par l’Etat malien envers les régions Touarègues marginalisées du nord-Mali. Ils ont rappelé que les Touaregs du Mali (et du Niger) se sont déjà soulevés notamment au début des années 1990 pour protester contre la situation de relégation sociale et culturelle qui leur était imposée par les Etats. A la suite de cette révolte réprimée dans le sang (plusieurs milliers de victimes parmi les populations civiles), un "Pacte National" a été signé en 1992 entre le gouvernement malien et les représentants touaregs de l’époque, prévoyant notamment des mesures économiques et sociales en faveur des populations touarègues, un volet de rattrapage de développement, un statut particulier (autonomie) pour la région de l’Azawad (nord-Mali) et le désarmement des combattants touaregs et leur "intégration" dans les différents corps de sécurité et de l’administration de l’Etat. A ce jour, c’est-à-dire 14 ans après, seul ce dernier point a été appliqué. La légendaire patience touarègue n’ayant pas été comprise, l’insurrection du 23 mai 2006 s’est imposée comme l’unique moyen d’amener le gouvernement malien à respecter ses obligations telles que prévues par le Pacte National et à attirer l’attention de l’opinion nationale et de la communauté internationale sur le drame touareg.

Au cours de leur rencontre avec le Président du CMA, les dirigeants du mouvement de la résistance armée touarègue ont rappelé que leur action du 23 mai 2006 a été menée pratiquement sans violence et que les combattants ont décidé de se retirer en dehors des zones habitées afin d’éviter les risques encourus par les populations civiles. Et dès le lendemain du 23 mai, les responsables touaregs ont exprimé leur disponibilité au dialogue, qui a d’ailleurs été rapidement entamé avec le gouvernement malien en présence d’un représentant de l’Etat algérien, comme médiateur. Le 4 juillet 2006, les négociations se sont achevées par la signature de "l’Accord d’Alqer pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal", qui reprend globalement les dispositions du Pacte National de 1992, sauf "le statut particulier" pour les régions touarègues, abandonné à la demande du gouvernement algérien.

Depuis, sept mois se sont écoulés et on ne constate pas même le début d’application de l’accord d’Alger. La responsabilité de ce retard incombe bien sûr au gouvernement malien mais aussi au gouvernement algérien en tant que garant de l’application de l’accord.

Par ailleurs, les responsables de l’Alliance Démocratique du 23 mai pour le Changement ont tenu à dénoncer ceux qui ont tenté en vain de porter atteinte à leur intégrité morale en prétendant que les combattants touaregs collaboraient avec des éléments du GSPC algérien et ceux qui ont essayé d’utiliser la résistance armée touarègue pour combattre les salafistes, une manière de se débarrasser des uns et des autres à bon compte. A tous, les Touaregs tiennent à rappeler clairement qu’ils resteront vigilants en toutes circonstances pour éviter tous les pièges, qu’ils sont résolument favorables à la stabilité et à la paix mais qu’en même temps ils sont déterminés à défendre leur liberté et leur dignité sur leurs territoires contre toutes les forces qui tenteront de les asservir.

Ayant constaté l’âpreté de l’environnement dans lequel survivent les Kel Tamacheq, acculés par la sécheresse d’un côté et soumis à la marginalisation et aux violences multiformes de l’autre, et compte tenu de la légitimité et de la légalité de leurs revendications, le président du CMA a assuré que la question touarègue sera plus que jamais au cœur des préoccupations de son organisation. Il a invité les Touaregs à se tourner davantage vers le reste de Tamazgha, leurs pays naturel de toujours et à s’impliquer plus activement au sein du grand mouvement amazigh. Il a affirmé que "les souffrances, les luttes et les espérances des Touaregs sont entièrement partagées par les autres composantes de la nation amazighe". De l’adrar des Ifoghas, il lance un appel urgent aux Amazighs de tous les pays pour qu’ils viennent au secours de leurs frères Touaregs confrontés à la situation la plus délicate de leur histoire. "C’est une nécessité vitale et un devoir impérieux pour chacun de nous" a-t-il indiqué.

Par ailleurs il a proposé à ses interlocuteurs l’aide du CMA pour préparer et soumettre dans les meilleurs délais, le dossier touareg auprès des Nations Unies, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne (en tant que bailleur de fonds de l’Etat malien) et de toutes les organisations internationales susceptibles de jouer un rôle utile. Se fondant sur le droit international, ce dossier devra comporter une demande d’appui de la communauté internationale à la revendication d’un statut particulier pour les territoires touaregs, seul mécanisme susceptible à l’heure actuelle de garantir aux populations touarègues la préservation de leur identité et d’assurer leur survie et leur développement socioéconomique. En tant que peuple autochtone du Sahara, les Kel Tamacheq devront également bénéficier de la reconnaissance internationale concernant leur liberté de circulation transfrontalière, afin de pouvoir maintenir leurs liens ancestraux avec tous leurs territoires répartis entre plusieurs Etats (Mali, Niger, Libye, Algérie, Mauritanie, Burkina-Faso). Le droit international devra également leur garantir un accès équitable aux ressources de leur terre et de leurs territoires.

Le président du CMA a quitté le pays des Kel Tamacheq du Mali en promettant que sa visite ne sera pas la dernière et en assurant qu’il suivra avec la plus grande attention l’évolution de la situation sur le terrain. Le peuple Touareg mérite le respect et la solidarité de tous les hommes et femmes épris de justice et de valeurs humaines car lorsque ce peuple lutte pour sa liberté et sa dignité, il contribue à la liberté et la dignité de tous les peuples.

Paris, le 30 janvier 2007

Le Bureau du CMA.




Les Chroniques du [CyberKabyle].