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29 janvier 2007

Les vieux Immigrés kabyles en France



Une fois n'est pas coutume, un exellent reportage du Monde, loin de l'orientalisme délirant de certains pour qui un emmigré ne peu être qu'arabe, maghrebin ou algerien à la rigeure mais jamais kabyle.


Ce sont de vieux messieurs indignes. Kabyles (...), émigrés il y a quarante ou cinquante ans, quand les chantiers et les usines de France manquaient de bras, ils auraient dû, une fois la retraite venue, repartir vers leur bled ou leur village. C'est ce qu'escomptait l'Etat français. C'est ce que le village attendait. On émigre pour faire de l'argent. Les racines, ils en ont déjà. Ils auraient dû...

"Vous savez comment ils nous appellent, quand on rentre au bled ? Les envahisseurs !", rétorque Achour, avec une moue amère, quand on lui parle de l'Algérie. Il porte une chemise à carreaux et une veste plutôt épaisse, malgré le temps doux. Assis à ses côtés, sur l'un des bancs du square Alban-Satragne, dans le 10e arrondissement de Paris, son copain Mohammed opine du chef. Il lève sa canette de bière et boit une gorgée, en clignant de l'oeil comme un gamin malgré sa moustache blanche. Achour et Mohammed sont arrivés en France au début des années 1950.

Le premier a d'abord travaillé à l'usine, dans le Nord, avant de s'installer en région parisienne. Le second a réussi à se faire embaucher au Ritz, place Vendôme, passant du poste d'agent d'entretien à celui de plongeur. A présent, ils ne font plus rien.

Achour est divorcé. Sa chambre d'hôtel, minuscule - 660 euros par mois, soit les deux tiers de ses revenus - ne lui permet pas de recevoir ses enfants, nés en France. "Quand ils viennent me voir, je les invite au McDo", dit le vieil homme. Mohammed vit avec sa femme, handicapée. Tous les après-midi ou presque, les deux retraités retrouvent les bancs du square et leurs canettes de bière, au milieu d'autres vieux, de SDF aux bras tatoués et de mères de famille avec leurs poussettes. La gardienne, une Antillaise, salue les habitués.

"Quand les immigrés rentrent en Algérie, les commerçants font monter les prix, ce qui pénalise tout le monde. Mais ce sont les immigrés qu'on accuse. Et qu'on traite d'envahisseurs", explique le sociologue Atmane Aggoun, qui connaît chaque retraité kabyle du quartier et fréquente assidûment les jardins publics où il sait pouvoir les trouver.

Chacun a son histoire, mais tous ont un point commun : leur présence en France est ressentie comme "incongrue". Aujourd'hui encore, le mythe du retour, cette "illusion collective d'une émigration provisoire", déjà décrite par le sociologue algérien Abdelmalek Sayad, notamment dans La Double Absence (Le Seuil, 1999), fait office de loi non écrite. "Ceux qui restent sont perçus comme des déviants, ajoute Atmane Aggoun. Pour atténuer leur "trahison", ils font sans arrêt la navette entre la France et le pays natal. Ils sont comme des hirondelles. Mais c'est seulement au moment de leur mort qu'ils remboursent leur dette : quand ils repartent entre quatre planches, afin d'être enterrés dans la terre des ancêtres", souligne le chercheur, qui vient de publier Les Musulmans face à la mort en France (Vuibert, 2006), un essai centré sur les immigrés d'origine kabyle.

Mais pourquoi restent-ils, ces vieux messieurs dont personne ne veut ? Est-ce, comme le suggère Achour, parce que le retour au bled, contrairement à ce qu'eux-mêmes en disent, est souvent source de blessures et de malentendus ? Est-ce parce que les retraités immigrés sont tenus, pour toucher l'allocation vieillesse, de résider en France plusieurs mois d'affilée, finissant, de ce fait, par faire souche ? Le gouvernement s'est en tout cas résolu au début du mois d'octobre à limiter cette présence obligatoire en France à trois mois, et non plus à neuf. Un amendement devrait être ajouté au projet de loi de finances 2007.

Les vieux immigrés restent-ils, tout simplement, pour continuer à vivre selon les habitudes et préférences acquises, qu'il s'agisse des soins de santé ou du système bancaire - qu'ils jugent plus fiables que dans leur pays d'origine -, ou encore du bistrot de quartier, avec "le ballon de rouge qu'on boit au comptoir en faisant son Loto avec les copains", comme le défend Atmane Aggoun ? Sans doute y a-t-il un peu de tout cela.

"Ils n'arrêtent pas de dire qu'ils vont repartir, qu'ils ont le mal du pays. Mais ils ne le font pas. Ils ont leurs habitudes. Leur vie, elle est ici, même s'ils l'entrecoupent de voyages là-bas", relève Sarah Oultaf, chargée de mission pour la Sonacotra. "Ici", c'est Gennevilliers. Le foyer Brenu compte 432 chambres. Néons, carrelages jaunâtres et des chambres qui font penser à des couchettes pour nains : 7,50 m2. "Et encore, ce n'est pas le pire ! Certains foyers, à Clamart par exemple, ont des chambres de 4 m2. On étend les bras et on touche les murs... Je ne pensais pas que des êtres humains pouvaient vivre là-dedans", commente la jeune femme, elle-même d'ascendance algérienne.

Ce que la Sonacotra, créée en 1956, appelle des "unités de vie" (les locataires partageant cuisine et toilettes collectives) aurait du être transformé en appartements. Mais la vie en a décidé autrement : les regroupements familiaux "initialement envisagés" n'ont pas eu lieu et "la plupart des hommes sont restés seuls en France pour travailler, transformant le foyer initial en domicile définitif", constate la société nationale, dans une brochure éditée en 2002. Contre toute attente, Mohamed n'a pas repris sa valise. Il est devenu ce qu'Atmane Aggoun appelle joliment un "célibataire géographique". Les chambres, mini-gourbis modernes dotés de l'eau courante et de l'électricité, ont vieilli - à l'instar de leurs locataires : vite et mal. "Passé la soixantaine, les vieux résidents sont vraiment abîmés", souligne le docteur Anne Févotte, gériatre-conseil à la Sonacotra. Selon elle, un vieux locataire de la Sonacotra accuse, médicalement parlant, "dix ans de plus que le Français moyen du même âge".

Peu habitués à dépenser pour eux-mêmes, a fortiori à consulter préventivement, les vieux immigrés maghrébins tombent malades comme ils ont vécu et vieilli : sans faire de bruit. Le diabète, conséquence d'une alimentation déséquilibrée, est la principale maladie dont ils souffrent. Aujourd'hui, sur les quelque 70 000 "clients" de la Sonacotra, la moitié ont plus de 56 ans et environ 20 000 ont dépassé la soixantaine. La tranche d'âge des plus de 71 ans est "celle qui progresse le plus vite", note le docteur Févotte.

C'est pour évaluer leurs besoins que Sarah Oultaf visite les foyers. "Ce dont ils se plaignent le plus, c'est la petitesse de leur chambre. Ensuite, vient la santé. Ils l'ont sacrifiée, ils le savent. Leur corps, c'est le seul "espace" où ils se permettent d'avoir des droits et de revendiquer : c'est à la France qu'ils ont sacrifié leur santé, c'est donc à la France de les soigner. Mais ça s'arrête là. Le reste, ils n'en parlent pas", explique la jeune femme. Les projets, pourtant extrêmement limités, de rénovation des foyers et d'agrandissement des chambres ont ainsi suscité, à ce jour, bien plus de panique et d'effroi que d'enthousiasme chez les locataires de la Sonacotra. "Ils sont comme tous les vieux : ils ne veulent pas bouger", explique Sarah Oultaf. Peur du changement ou crainte d'avoir à payer plus ? A la Sonacotra, "sur les 5 % des personnes de plus de 60 ans", repérées du fait de leurs difficultés à se déplacer ou de leur manque d'autonomie, "seulement 10 % bénéficient d'aides à domicile, pour l'essentiel, une prestation d'aide ménagère".

Au café des Ecoles, à l'angle de la rue Bara, où viennent s'attabler à longueur de journée les pensionnaires du foyer, le patron est un Kabyle, natif de Bejaïa. "Nous, les Algériens, on est plus individualistes. Les Africains, eux, ils font tout ensemble : la cuisine et même le lit. Le père dort avec le fils, etc. Ils s'entassent les uns sur les autres", note le bistrotier, le sourire débonnaire. Lui-même, qui appartient "à une famille de marabouts", sera enterré au pays. Mais plusieurs de ses connaissances et parents éloignés, eux aussi immigrés, ont été inhumés en banlieue parisienne, "et pas forcément dans un carré musulman", note-t-il. "C'est, explique le bistrotier, parce qu'ils étaient mariés à une Française directe (disposant de la seule nationalité française)."

Au square Villemin, près de la gare de l'Est, de vieux Kabyles, hommes et femmes, bavardent sous les arbres. L'une des matrones vient d'arriver en France. Son visa est périmé, mais elle n'a "aucune envie" de repartir en Algérie. Son fils, un ancien sans-papiers lui-même, a été récemment régularisé, explique-t-elle, pleine d'espoir. "Qu'ils respectent la loi ou pas, les gens âgés sont de moins en moins rares à émigrer en France", assure Atmane Aggoun, qui y voit l'amorce d'un phénomène inédit. Comme le chante le conteur kabyle Sliman Azzem : "Ni il est resté, ni il s'est en allé. Sa maladie s'est installée ancienne, et sa vie, le malheureux, tient à un fil"...


Les Chroniques du [CyberKabyle].

24 janvier 2007

Nouvel Album de Tinariwen « AMAN IMAN »


Le rock des dunes.

Imaginez une tribu de nobles guerriers du désert, vêtus de djellabas bigarrées et armés de guitares électriques pour psalmodier un blues qui n’a rien à envier à celui de B.B. King ou de Ry Cooder. Une musique hypnotique, lancinante, ponctuée de riffs acérés et de percussions aquatiques, comme la rencontre des Rolling Stones des débuts avec une chorale de muezzins survoltés. Après tout, ainsi que l’a toujours affirmé Ali Farka Touré, regretté griot des douze mesures, le blues est né en Afrique… Et Tinariwen, les hommes bleus à l’âme blues, le prouvent. Héros de la rébellion touareg du début des années 90 contre le pouvoir malien (on en a vu monter à l’assaut kalachnikov en main et guitare en bandoulière) ils demeurent aujourd’hui les hérauts d’une résistance opiniâtre contre toute forme d’oppression. Leurs chants de révolte, d’errance et d’amour sont entrés dans la légende locale et ont conquis la planète. Des stars du rock comme Carlos Santana, Robert Plant, Taj Mahal ou Elvis Costello ne jurent que par eux, Thom Yorke, leader de Radiohead, a même avoué s’être inspiré de leur musique pour composer une partie de son album solo, The Eraser.

Après avoir tourné dans le monde entier, les Tinariwen publient enfin leur troisième album. Il s’intitule « Aman Iman », l’un des dictons favoris des Touaregs, fiers nomades sahariens pour qui « l’eau c’est la vie ». Enregistré en une dizaine de jours à Bamako, sous la houlette du producteur Justin Adams, le disque est sans conteste le meilleur du groupe. En douze morceaux tournoyants et voluptueux, on retrouve, intacts, ces éclats de guitare que ne renieraient point un Keith Richards ou un Jeff Beck, ces mélopées envoûtantes qui évoquent la douceur d’un coucher de soleil sur le désert, ce mélange de langueur sensuelle et d’âcre énergie. Bref, tout ce qui faisait l’essence du blues, puis du rock, restitué ici avec une pureté immaculée. Entre chants de lutte et d’espoir, poésie insurgée et ballades amoureuses, les Tinariwen, ces fils des sables et du vent, réinventent une musique originelle, limpide, une musique des racines, qui parle au corps, au cœur et à l’âme. Et si c’était eux, le meilleur groupe de rock du monde ?

Philippe Barbot

Les Chroniques du [CyberKabyle].

21 janvier 2007

Le Kiosque Arabe : Leurs gentils et nos méchants


Par Hamed Halli, Le Soir d'Algérie, 15 janvier 2007

Il paraît que c'est un commerçant de Tunis qui a permis de mettre en échec les projets d'attentat contre plusieurs bâtiments de la capitale. Cet épicier avait remarqué, en effet, que l'un de ses clients s'était brusquement mis à acheter une quantité inhabituelle de pains. Ses achats quotidiens dépassaient, de loin, les besoins d'une famille. En bon citoyen, soucieux de la stabilité de son pays, il avait informé la police de ce comportement intrigant. C'est ainsi qu'un projet terroriste de grande ampleur a été éventé.

C'est sans doute à partir de ce détail que la presse locale a tout de suite désigné la piste algérienne. Tout le monde sait que nous sommes de grands mangeurs de pain. C'est d'une logique irréfutable et je suis tenté de souscrire pleinement à cette hypothèse tant il est vrai que l'intégrisme ignore les frontières qu'il n'a pas tracées lui-même.

Seulement, je trouve que nos frères tunisiens sont par trop imprévisibles et partiaux dans ce domaine. Ils donnent l'impression de suivre les mouvements et les sautes d'humeur de leurs dirigeants bien aimés et même adulés. Au début de l'année, journalistes, syndicalistes et semi-officiels clamaient publiquement leur douleur devant l'exécution de Saddam Hussein. Dans une belle unanimité nationale, suivant un axe s'étendant de Londres à Tunis en passant par Al-Qaïda, la dénonciation a été unanime. Islamistes et républicains islamisants ont fustigé à voix haute la cruauté et l'esprit de vengeance des dirigeants chiites irakiens. On était en face de l'entente retrouvée, au détriment du Maghreb des Etats, alliés contre le terrorisme. Il n'était donc pas question de briser cette belle fraternité en accusant injustement les islamistes tunisiens d'avoir fomenté un complot terroriste.

D'ailleurs, ni Londres ni Doha n'ont revendiqué ou approuvé ces actes de violence. Le péril ne pouvait venir que d'ailleurs et c'est d'ailleurs qu'il est venu. Il était hors de propos de stigmatiser les gentils islamistes tunisiens alors que la méchanceté et la cruauté ont une adresse: l'Algérie. Les intégristes tunisiens sont des pacifistes convaincus, contrairement à ces enragés d'Algériens qui ne rêvent que de fleuves de sang. On vous expliquera, ensuite et sur un ton docte, que la Tunisie, autant que le Maroc, n'est pas l'Algérie. Les Tunisiens sont d'ardents patriotes qui appellent la police au moindre pain suspect. Tandis que les Algériens… tous suspects ! Voyez comment ils traitent leurs assassins de retour des maquis ! Observez la façon dont s'opère la réinsertion des terroristes comme si le pays était retourné aux premières années de l'indépendance ! On raconte même que le chef "repenti", Anouar Haddam, reprendrait des activités publiques. A l'occasion, il pourrait être convié à distribuer des bonbons aux orphelins et aux futurs orphelins de la police. On pense même au siège du Commissariat central d'Alger pour abriter de telles cérémonies du pardon.

N'importe quoi ! Ils sont décidément incorrigibles ces Tunisiens ! Ils feraient mieux de s'occuper de la santé de leur président, au lieu de spéculer sur l'avenir du nôtre. Comme s'ils ignoraient que, chez nous, les chefs pensent d'abord à se succéder à eux-mêmes. Ensuite, voyez le roi de France, Louis XIV ! Il y a plusieurs façons de rentrer dans l'histoire et, donc, plusieurs manières de l'écrire. Lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire dans les manuels scolaires, les pédagogues font parfois fi de la vérité historique, comme en Egypte.

La semaine dernière, j'avais évoqué la façon dont Al- Azhar avait validé une thèse de doctorat vouée à l'excommunication rétroactive. L'argument spécieux mais irréfragable du jury était que la thèse s'appuyait sur une vérité essentielle : l'histoire de l'Egypte a commencé avec l'Islam, à l'exclusion de tout ce qui est antérieur. Il y a quelques jours, l'historienne égyptienne Samah Fawzi a confirmé l'existence de ces absurdités, jusque dans les ouvrages scolaires. Dans le manuel d'histoire d'une classe du primaire, Samah Fawzi relève de quelle manière la mosquée est transformée de lieu de culte, sujet de respect et de dévotion, en terrain de mobilisation et de préparatifs guerriers. La mosquée, peut-on lire, “c'est l'école où les musulmans apprennent tout ce qui concerne leur religion et leur vie terrestre… le lieu où se rassemblent les soldats de Dieu avant de lancer une opération grandiose. C'est, enfin, le monument qui marque la distinction entre la société musulmans et les autres”.

La guerre de 1973, par exemple, est présentée, par ailleurs, comme un combat entre juifs et musulmans. La leçon d'histoire exclut, de fait, la participation des coptes d'Egypte et occulte leur existence. “Voici les fortifications de la ligne Bar-Lev. Dieu nous a donné la victoire sur les juifs comme il l'a donnée au Prophète (QSSL) sur les juifs à Médine. Il a fait s'écrouler leurs fortifications sur leurs têtes.” La guerre est donc une guerre religieuse et c'est ce que l'enfant doit apprendre dans ce livre, observe Samah Fawzi. Comme il est spécifié en marge de la leçon, l'objectif est d'enseigner “l'honneur de subir le martyre au service de Dieu” et de mettre en garde contre “la traîtrise et la fourberie des juifs”, hier et aujourd'hui. “C'est ainsi, note l'historienne, que la victoire d'Octobre 1973 est présentée comme une victoire des musulmans sur les juifs. Où est le rôle de nos compatriotes coptes ? Pourquoi traitons- nous toutes choses sous l'angle de la religion. La réalité, les institutions et même l'histoire sont désormais considérées avec un regard religieux. Pourquoi le manuel d'histoire occulte-t-il les éléments arabes et chrétiens dans le conflit avec Israël ? Veut-on laisser entendre aux chrétiens arabes que cette patrie n'est pas la leur, que cette histoire n'est pas la leur et que cet avenir ne leur appartient pas ? Ce qui aura pour effet d'accentuer l'exode des chrétiens vers les pays occidentaux. Avec le temps, la sphère arabe perdra sa pluralité religieuse et la tolérance y disparaîtra. Le rejet de l'autre amènera les musulmans de différents rites à s'entretuer.” “Ces quelques exemples, souligne encore Samah Fawzi, montrent que l'information et l'enseignement recèlent en leur sein des tendances alimentées par les courants de l'islam politique. Ces tendances ne reflètent pas la nature et le fond de la société égyptienne diverse et plurielle. Aussi, ne faut-il pas éluder la responsabilité du gouvernement dans la persistance de telles absurdités. Ce sont ses institutions qui produisent, propagent et consomment ces avatars."

Pour mieux mesurer l'ampleur du mal, il faut sans doute méditer cette initiative qui nous vient de Syrie. La Syrie qui serait, à en croire les opposants à Bechar Al- Assad, sur le point de succomber aux charmes du chiisme, sous la férule alaouite. Cela se passe à l'université de Damas. Une commission sur l'écriture de l'histoire s'est donné pour mission de réécrire l'histoire des Arabes avec une approche plus saine et plus réaliste. Selon le promoteur du projet, un certain Abdelkarim Ali, “il ne s'agit pas de réécrire l'histoire pour la modifier. Il s'agit simplement de procéder à la relecture de l'histoire dans ses aspects les plus positifs et dans l'intérêt de la société”. Alors soyons positifs ! Attendons, sans trop d'impatience, le chapitre sur la dynastie des Assad, sans oublier aussi, bien sûr, celui de la présence syrienne au Liban.


Les Chroniques du [CyberKabyle].

19 janvier 2007

Pendant que la Kabylie coule Euskadi s’émancipe


Pendant que la Kabylie prisonnière d'un état anachronique sombre de plus en plus dans la pauvreté, en Euskadie l’activité économique bat son plein.

Le musée Guggenheim, à Bilbao. Amorti en un an et demi, il a fait de la ville une destination touristique mondiale.

C’est un choc, dont le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero vient de tirer les conséquences devant le Parlement. Revendiqué par l’ETA, l’organisation indépendantiste armée basque, l’attentat du 30 décembre à Madrid a mis selon ses termes un « point final » au processus de paix engagé il y a six mois. C’est un échec pour tout le monde, à commencer par les autorités basques, qui s’efforcent de mettre en avant la réussite économique de leur petit territoire.

En plein marasme au début des années 90, Euskadi, le Pays basque espagnol, affiche en effet une croissance de 3,9 %, mieux que l’Espagne (3,4 %), et beaucoup mieux que la moyenne européenne (1,6 %). « Nous sommes le troisième pays de l’Uni on européenne en termes de produit intérieur brut par habitant », se félicite Iñaki Tellextea, ministre de la Technologie et du Développement industriel au sein du gouvernement basque issu du parti nationaliste (PNV). Dans la salle de réunion du ministère, le drapeau rouge-vert-blanc d’Euskadi voisine avec le drapeau européen ; les couleurs espagnoles, elles, sont absentes.

Alors que les extrémistes de l’ETA revendiquent l’indépendance à coups de voitures piégées, les Basques se prennent déjà… pour un pays. Doté depuis 1981 d’une autono­mie politique et économique étendue, ils en ont « presque tous les attributs , à part la diplomatie, les forces armées et la douane », préci­se Iñaki Tellextea. Au moment où l’Europe tremble devant les délocali­sations, « nous avons mis en place une politique industrielle », poursuit le ministre devant une délégation de députés et de sénateurs français venus s’inspirer de l’improbable success story basque.

Pragmatiques, les autorités régionales ont fait appel à Michael Porter, gourou du management à Harvard, qui a proposé aux entreprises une mise en commun des efforts de R & D et de formation au sein de clusters propres à chaque filière industrielle. Adopté. « Dans un petit territoire, on se connaît tous, c’est plus facile de décider ensemble », indique Iñaki Tellextea.
Aujourd’hui, l’industrie basque s’enorgueillit d’un fleuron atypique, Mondragón, une coopérative jésuite devenue une multinationale de 70 000 salariés, présente dans une quarantaine de pays, exportatrice de machines-outils, de machines à laver (Fagor), d’autocars (Irizar)…
Le chômage, qui touchait près du quart de la population active il y a vingt-cinq ans, est tombé sous les 5 %. Et puis « nous avons misé sur la culture comme vecteur de croissance, un pari insensé », se souvient Juan José Ibarretxe, le président nationaliste de la région autonome basque.

Conçu par l’Américain Frank Gehry, inauguré il y a dix ans, le monumental musée d’art contemporain Guggenheim, avec ses courbes de titane, ses expositions prestigieuses, a été « rentabilisé en un an et demi, un record », et a fait de Bilbao, industrielle et pluvieuse, une destination touristique mondiale. Juan José Ibar­retxe s’enthousiasme : « Imaginez un peu ce que serait le Pays basque sans le terrorisme ! »

Source Eve Charrin, Challenges, 18.01.2007

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