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02 novembre 2007

Kabylie, les fruits de la croissance économique

Quels fruits (à l'exception de la figue) sont plus emblématiques de la Kabylie que la grenade, la caroube, l'olive et la figue de Babarie ?

Alors que dans différents pays on transforme et on commercialise ces produits suivant des procédés nouveaux et un marketing ingénieux, la Kabylie ne semble pas tirer profit de l'engouement mondial qui les entoure. Pourtant il faudra bien que tôt ou tard elle s'intègre dans ces échanges commerciaux internationaux potentiellement facteurs d'une croissance économique solide et tirée par des produits qu'elle sait déjà cultiver. Petit tour d'horizon des opportunités offertes par quatre fruits ; opportunités que la Kabylie est en train de laisser passer. Espérons que de jeunes investisseurs sauront les saisir à temps.

Grenadier (taremmant)+ marketing = profits juteux

L'hebdomadaire américain Newsweek du 7 aout 2006, nous relate l'histoire de deux entrepreneurs de Californie, Stewart and Lynda Resnick, qui acquièrent une plantation de grenades en 1987. Leurs conseillers suggérent de couper les arbres et de les remplacer des arbres à pistaches, plus rentables. Mais au milieu des années 1990, les Resnick entendent parler de l'utilisation médicinale de la grenade par les Egyptiens, les Grecs et les Romains, et demandent au biochimiste Michael Aviram , connu pour son travail sur les qualités anti-oxydantes du vin rouge, de travailler sur les grenades. A sa grande surprise les résultats se révèlent meilleurs que pour le raisin. En bref, les grenades c'est "bon pour la santé".

Les époux Resnick décident donc de lancer le jus de grenade POM (de l'anglais pomegranate qui signifie grenade) sur le marché. Ils rencontrent un obstacle de taille : seulement 12% du public américain savent ce qu'est une grenade, selon leur recherche. Ils concoivent donc un plan marketing pour faire connaitre le produit et le rendre "sexy". Un design très original pour la bouteille ainsi qu'une campagne de placement du produit réussie auprès des stars, des branchés, des prescripteurs et faiseurs-de-mode de Hollywood et de New York, ainsi que de nouvelles études sur les bienfaits sanitaires de la grenade rendent le fruit et le produit POM familiers pour les consommateurs.

Une fois le produit adopté par les stars du show-biz, le jus de grenade est devenu un produit branché, et aujourd'hui la marque POM réalise 91 millions de dollars de ventes annuelles, avec une croissance rapide de 35% par an. Résultat, le marche s'étend et d'autres marques s'installent sur le creneau. Il y a aujourd'hui près de 350 jus de fruits differents qui utilisent de la grenade. Même Tropicana, le leader mondial du jus de fruit, va lancer sa recette a la grenade.

Cette succes story à l'americaine, nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi en Kabylie, alors que le grenadier (taremmant) est connu de tous, personne n'a eu l'idée relativement simple d'en faire un jus de fuit (ou tout autre produit de transformation) et de le distribuer ? Alors qu'aujourd'hui la grenade et ses dérivés représentent un marché de plusieurs centaines de millions de dollars outre-Atlantique, en Kabylie on se contente encore de négocier ces fruits pour quelques dinars au souk du village.

Le caroubier (axerub) prend de la valeur

Tous les Kabyles connaissent la caroube (axerub) et la pâte que l'on extrait de ses gousses, sorte de Nutella nord-africain 100% artisanal. Cependant, le caroubier est de nos jours généralement délaissé et considéré comme un "arbre de pauvres", dont le fruit sert essentiellement à nourrir le bétail. Mais tandis que la Kabylie s'en détourne, la caroube fait son entrée en force dans les habitudes alimentaires mondiales.

Depuis un certain temps déjà, la caroube est un produit utilisé de manière massive par l'industrie agro-alimentaire. Sous le nom d' "agent épaissisant E410" le monde entier mange de la caroube ! On en retrouve un peu partout : dans les glaces, les sauces, les plats préparés, les charcuteries... Les plus gros producteurs de caroube se trouvent dans le bassin méditerranéen : Sicile (Italie), Maroc, Chypre, Andalousie (Espagne), Portugal. L'Algérie (et donc la Kabylie) est absente de ce palmarès.

Pourtant, la caroube a le vent en poupe : en plus de ses usages dans l'industrie alimentaire grand-public, elle est également de plus en plus utilisée par l'industrie des aliments pharmaceutiques en tant qu'aliment de substitution au chocolat pour le traitement des hypoallergies. En raison de ses qualités nutritionelles, la caroube devient en effet à la mode chez les végétariens et autres adeptes de nourritures bio : ce fruit ne contient qu'un tiers des calories du chocolat, est quasiment sans gras, riche en pectine, ne provoque pas d'allergies, ne contient pas d'acide oxalique et est riche en protéines.

En plus de ses usages industriels et pharmaceutiques, la caroube retrouve son statut d'aliment-plaisir sur de nouveaux continents : en Amérique du Nord et en Australie, des agriculteurs commercialisent des confiseries à base de caroube, lesquels séduisent les consommateurs argentés, soucieux de leurs santé et avides de produits sains. Macarob, une ferme australienne spécialisée, propose ses grains de caroube au détail à 3,20 euros (soit environ 300 dinars algériens) le kilogramme. Sachant qu'un arbre bien entretenu produit 100 kg de caroube par an, la vente au détail de la récolte d'un seul arbre se monterait aux alentours de 300 000 dinars. Pour rappel, un SMICard algérien gagne 120 000 dinars par an. Les produits transformés en diverses confiseries se négocient à des prix encore plus élevés. Il serait donc dommage que les Kabyles se désengagent d'une niche qui fait vivre de nombreux agriculteurs parmi nos voisins méditerranéens.

L'huile d'olive (zit uzemmur) : l'or vert. Oui, mais pas en Kabylie

Selon la tradition kabyle, l'huile d'olive aurait une âme, avec le pouvoir magique de dissoudre tous les maléfices. Sa consommation, outre ses vertus alimentaires et nutritionnelles est réputée allonger l'espérance de vie, fortifier le corps, clarifier la vue et elle aurait un pouvoir de guérison miraculeux. Autrefois limité aux pays méditerranéens, ce produit de consommation courante a ces dernières années conquis toute la planète au point d'être surnommé « l'or vert ».

Déjà réputée comme une des huiles les plus chères, l'huile d'olive devient lentement mais sûrement un véritable produit de luxe. Les consommateurs se l'arrachent pour ses vertus diététiques (le fameux « régime crétois ») mais aussi pour ses qualités gustatives. L'huile d'olive est à la mode, conséquences : « L'augmentation des prix à la production a donné lieu à un niveau élevé des prix à la consommation », affirme le très sérieux Conseil oléicole international.

En effet depuis trois ans, les cours s'envolent. L'année dernière, entre juillet et octobre, le prix à la production de l'huile d'olive a explosé de 51% pour atteindre parfois 4 euros le litre. Après une légère accalmie, on constate toujours des écarts conséquents : + 13% pour l'huile espagnole et + 26% pour l'italienne par rapport à la même période de l'année dernière. En un an la tonne d'huile en vrac est passée de 2 800 à 4 600 euros.

Orchestré par l'Espagne (35% de la production mondiale), l'Italie (25%) et la Grèce (18%), cette embellie sur le marché mondial ne profite pas vraiment aux producteurs du pourtour méditerranéen car le marché européen leur est encore fermé par les barrières douanières mises en place par Bruxelles.

Mais pour les plus dynamiques exportent vers de nouveaux marchés. Un négociant de Meknès (Maroc) fournit ainsi 9 000 tonnes par an d'huile marocaine aux Etats-Unis (pays où la consommation augmente de 10% par an), vendue au consommateur sous l'appellation italienne Bartolli.

D'autres pays comme le Japon, le Canada, ou la Scandinavie, qui ne consommaient guère d'huile d'olive, deviennent des importateurs importants. Et en quelques années, la production mondiale a quasiment doublé (2,7 millions de tonnes).

Qu'en est-il de la Kabylie, traditionellement pays de l'olive (azemmur) par excellence ? Selon le chercheur Rachid Oulebsir qui montre bien que la culture intensive de l'olivier en Algérie est concentrée en Kabylie et sur son pourtour, « le verger oléicole algérien a régressé sous la contrainte de facteurs multiples générés par des choix politiques en matière de développement qui ont poussé le paysan à l'abandon de ses arbres et au départ vers la ville. L'Algérie avec ses 20 millions d'oliviers représente à peine 1/5 de ce que possède un minuscule pays comme la Grèce et moins de la moitié du verger tunisien ou encore la moitié du patrimoine marocain ».

Marchant à reculons sur le terrain de la quantité, l'huile kabyle fait-elle mieux sur celui de la qualité (les huiles du terroir, biologiques et "équitables" permettant de dégager de meilleurs bénéfices) ? Nous sommes allés consulter M. Kadri Kassir, expert en huile d'olive basé dans un quartier chic de Paris. Après avoir goûté nos échantillons issus d'oliviers de Tuvirets (Bouira) et Bgayet (Béjaia) son verdict fut le suivant : "Cette huile est invendable sur les marchés internationaux. Elle est typique d'une fabrication méditerranéenne traditionelle un peu frustre qui lui confère une saveur âcre et un taux d'acidité inacceptables pour des clients hors de la zone de production. Il faudrait mieux sélectionner les fruits utilisés pour sa fabrication et également revoir le matériel de stockage, car certains bidons et bouteilles en plastiques dénaturent l'huile." Terrible constat d'échec : tandis que l'huile d'olive fait la fortune des agriculteurs méditerranéens, la Kabylie ne parvient pas à tirer parti de ce produit qu'elle considère pourtant comme sa spécialité.

La figue de Barbarie (akermus), de l'or en épines ?

En Kabylie, la figue de Barbarie (akermus) est célèbre pour ses épines et pour les troubles digestifs qu'une consommation excessive peut entraîner. Mais cette réputation ne semble pas empêcher son émergence sur les marchés internationaux.

En tant que fruit tout d'abord, la figue de Barbarie (originellement issue des terroirs d'Amérique cenrale) se fait une place de plus en plus grande sur les étals des supermarchés européens. L'Italie, et plus particulièrement la Sicile, semble exercer un quasi-monopole sur sa production dans l'Union Européenne.

Mais la figue de Barbarie n'est pas qu'un simple fruit. Elle aussi peut être transformée afin d'en tirer une valeur ajoutée plus haute. C'est ce que semblent avoir compris à la fois les industriels des cosmétiques - produits de beauté - et certains Marocains, notamment dans les zones berbères : on voit en effet apparaître depuis quelque temps de l'huile de figue de Barbarie à vocation cosmétique. Réputée (sans preuve scientifique) prévenir le vieillissement de la peau et combattre les rides, l'huile de figue de Barbarie s'arrache à prix d'or : Un modeste flacon de 30 ml se vend en France aux alentours de 20 euros (soit environ 18 000 dinars) ! Si l'huile issue des pépins pressés que contient le fruit est le produit le plus populaire, on trouve également et à des prix similaires, des macérats de fleurs de figues de Barbarie, eux aussi censés nourrir l'épiderme et combattre les rides. Les Berbères marocains tirent profit de cet engouement et produisent la plupart de ces huiles pour le visage.

En Kabylie, on se contente encore de faire des blagues sur la constipation entraînée par la consommation de pépins de figue de Barbarie, sans savoir que ces pépins une fois pressés valent de l'or. (src kabylie news)

Les Chroniques du [CyberKabyle].

01 novembre 2007

Le Président du CMA rend visite à la résistance Touarègue du Mali

Le Président du CMA,(Congrès mondial amazigh), Belkacem Lounes, s’est rendu au cours de la dernière semaine du mois de janvier 2007, dans la région Touarègue au nord-Mali.

Cette première visite du Président du CMA en pays Touareg du nord-Mali était d’abord l’expression d’un devoir de fraternité des Amazighs envers leurs frères des Kel Tamacheq (Touaregs), particulièrement au moment où ce peuple est confronté à diverses menaces. Le conflit ouvert qui l’oppose depuis plusieurs mois au gouvernement malien constitue une préoccupation majeure pour le CMA. A ce sujet, le président de l’ONG amazighe a rencontré et échangé avec divers partenaires touaregs, particulièrement avec les dirigeants de "l’Alliance Démocratique du 23 mai pour le Changement" responsables du mouvement de la résistance armée, issu de l’acte d’insurrection du 23 mai 2006. Ces derniers, rencontrés dans la région de Kidal, ont tenu à expliquer au président du CMA les origines du conflit, ses conséquences et les conditions de sortie de crise.

Les responsables de l’Alliance ont tenu à réaffirmer qu’ils ne sont pas des adeptes de la violence et que leur coup de force du 23 mai 2006 n’est que le recours ultime après épuisement des innombrables tentatives infructueuses de dialogue avec le gouvernement malien au sujet des responsabilités non assumées et des engagements non respectés par l’Etat malien envers les régions Touarègues marginalisées du nord-Mali. Ils ont rappelé que les Touaregs du Mali (et du Niger) se sont déjà soulevés notamment au début des années 1990 pour protester contre la situation de relégation sociale et culturelle qui leur était imposée par les Etats. A la suite de cette révolte réprimée dans le sang (plusieurs milliers de victimes parmi les populations civiles), un "Pacte National" a été signé en 1992 entre le gouvernement malien et les représentants touaregs de l’époque, prévoyant notamment des mesures économiques et sociales en faveur des populations touarègues, un volet de rattrapage de développement, un statut particulier (autonomie) pour la région de l’Azawad (nord-Mali) et le désarmement des combattants touaregs et leur "intégration" dans les différents corps de sécurité et de l’administration de l’Etat. A ce jour, c’est-à-dire 14 ans après, seul ce dernier point a été appliqué. La légendaire patience touarègue n’ayant pas été comprise, l’insurrection du 23 mai 2006 s’est imposée comme l’unique moyen d’amener le gouvernement malien à respecter ses obligations telles que prévues par le Pacte National et à attirer l’attention de l’opinion nationale et de la communauté internationale sur le drame touareg.

Au cours de leur rencontre avec le Président du CMA, les dirigeants du mouvement de la résistance armée touarègue ont rappelé que leur action du 23 mai 2006 a été menée pratiquement sans violence et que les combattants ont décidé de se retirer en dehors des zones habitées afin d’éviter les risques encourus par les populations civiles. Et dès le lendemain du 23 mai, les responsables touaregs ont exprimé leur disponibilité au dialogue, qui a d’ailleurs été rapidement entamé avec le gouvernement malien en présence d’un représentant de l’Etat algérien, comme médiateur. Le 4 juillet 2006, les négociations se sont achevées par la signature de "l’Accord d’Alqer pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal", qui reprend globalement les dispositions du Pacte National de 1992, sauf "le statut particulier" pour les régions touarègues, abandonné à la demande du gouvernement algérien.

Depuis, sept mois se sont écoulés et on ne constate pas même le début d’application de l’accord d’Alger. La responsabilité de ce retard incombe bien sûr au gouvernement malien mais aussi au gouvernement algérien en tant que garant de l’application de l’accord.

Par ailleurs, les responsables de l’Alliance Démocratique du 23 mai pour le Changement ont tenu à dénoncer ceux qui ont tenté en vain de porter atteinte à leur intégrité morale en prétendant que les combattants touaregs collaboraient avec des éléments du GSPC algérien et ceux qui ont essayé d’utiliser la résistance armée touarègue pour combattre les salafistes, une manière de se débarrasser des uns et des autres à bon compte. A tous, les Touaregs tiennent à rappeler clairement qu’ils resteront vigilants en toutes circonstances pour éviter tous les pièges, qu’ils sont résolument favorables à la stabilité et à la paix mais qu’en même temps ils sont déterminés à défendre leur liberté et leur dignité sur leurs territoires contre toutes les forces qui tenteront de les asservir.

Ayant constaté l’âpreté de l’environnement dans lequel survivent les Kel Tamacheq, acculés par la sécheresse d’un côté et soumis à la marginalisation et aux violences multiformes de l’autre, et compte tenu de la légitimité et de la légalité de leurs revendications, le président du CMA a assuré que la question touarègue sera plus que jamais au cœur des préoccupations de son organisation. Il a invité les Touaregs à se tourner davantage vers le reste de Tamazgha, leurs pays naturel de toujours et à s’impliquer plus activement au sein du grand mouvement amazigh. Il a affirmé que "les souffrances, les luttes et les espérances des Touaregs sont entièrement partagées par les autres composantes de la nation amazighe". De l’adrar des Ifoghas, il lance un appel urgent aux Amazighs de tous les pays pour qu’ils viennent au secours de leurs frères Touaregs confrontés à la situation la plus délicate de leur histoire. "C’est une nécessité vitale et un devoir impérieux pour chacun de nous" a-t-il indiqué.

Par ailleurs il a proposé à ses interlocuteurs l’aide du CMA pour préparer et soumettre dans les meilleurs délais, le dossier touareg auprès des Nations Unies, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne (en tant que bailleur de fonds de l’Etat malien) et de toutes les organisations internationales susceptibles de jouer un rôle utile. Se fondant sur le droit international, ce dossier devra comporter une demande d’appui de la communauté internationale à la revendication d’un statut particulier pour les territoires touaregs, seul mécanisme susceptible à l’heure actuelle de garantir aux populations touarègues la préservation de leur identité et d’assurer leur survie et leur développement socioéconomique. En tant que peuple autochtone du Sahara, les Kel Tamacheq devront également bénéficier de la reconnaissance internationale concernant leur liberté de circulation transfrontalière, afin de pouvoir maintenir leurs liens ancestraux avec tous leurs territoires répartis entre plusieurs Etats (Mali, Niger, Libye, Algérie, Mauritanie, Burkina-Faso). Le droit international devra également leur garantir un accès équitable aux ressources de leur terre et de leurs territoires.

Le président du CMA a quitté le pays des Kel Tamacheq du Mali en promettant que sa visite ne sera pas la dernière et en assurant qu’il suivra avec la plus grande attention l’évolution de la situation sur le terrain. Le peuple Touareg mérite le respect et la solidarité de tous les hommes et femmes épris de justice et de valeurs humaines car lorsque ce peuple lutte pour sa liberté et sa dignité, il contribue à la liberté et la dignité de tous les peuples.

Paris, le 30 janvier 2007

Le Bureau du CMA.




Les Chroniques du [CyberKabyle].

24 mars 2007

Au Kurdistan irakien, George Bush est "aimé"

Avec ses néons clignotants et une interdiction de port d'arme affichée au-dessus du bar, The Edge est l'un des lieux de prédilection des Américains d'Ainkawa, près d'Arbil, la capitale du Kurdistan d'Irak.

Quelques officiers instructeurs, des membres de l'USAID, des marines en provenance de la base militaire de Kirkouk s'y retrouvent le soir pour jouer aux fléchettes, boire bière, whisky ou tequila, et danser la Ma arena. Blocs de ciment et gardes armés : l'endroit est protégé, mais guère plus que les bâtiments officiels kurdes.

Ici, les habitants l'affirment, le président américain, George Bush, est "aimé" et ses soldats bienvenus. Grâce à eux, le régime de Saddam Hussein est tombé et le Kurdistan jouit d'une autonomie et d'une relative sécurité.

Les forces américaines sont considérées comme la garantie vitale de cette situation privilégiée. Et les Etats-Unis comme le seul allié d'un Kurdistan encerclé par des pays, notamment la Turquie et l'Iran, qui redoutent sa sécession et possèdent les moyens de s'y opposer par la force en cas de désintégration de l'Irak.

L'opposition croissante de l'opinion américaine à la guerre et la défaite des républicains aux élections de novembre 2006 sont étonnamment passés inaperçus au Kurdistan. En revanche, la publication en décembre du rapport Baker a eu l'effet d'une douche glaciale. Alors que les principales revendications kurdes semblaient assurées par la Constitution adoptée le
15 novembre 2005, les Kurdes ont découvert qu'elles pouvaient être remises en question.

Le renforcement du gouvernement central de Bagdad, préconisé par le rapport Baker, menace le fédéralisme et la notion d'autonomie. Inacceptable, du point de vue kurde, le référendum qui doit décider du rattachement du gouvernorat de Kirkouk au Kurdistan, prévu fin 2007, est jugé "explosif", susceptible de créer de graves "violences communautaires". Enfin, le rapport n'est pas tendre envers ceux qui se croyaient les meilleurs élèves à l'école du "nouvel Irak". "Les Kurdes, y est-il écrit, font peu d'efforts pour la réconciliation nationale."

A l'issue d'une session spéciale, le 17 décembre 2006, l'Assemblée nationale du Kurdistan a envoyé une lettre furieuse à George Bush et au Congrès américain, dénonçant le manque d'"objectivité" du rapport Baker. Il a été "écrit avec l'argent saoudien et la mentalité turque", accuse un dirigeant kurde. Un autre se demande "pourquoi leurs enquêteurs ne se sont
pas donné la peine de passer un coup de téléphone dans la seule partie de l'Irak où le rêve de Bush est devenu réalité".

Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Kurdes se sont sentis floués. La conviction d'avoir bâti un Kurdistan à l'écart des turbulences, protégé par la superpuissance américaine, a cédé la place à l'inquiétude. L'annonce du président américain de poursuivre sa mission en Irak n'a pas dissipé le malaise.

Des dirigeants kurdes doutent dorénavant de l'existence d'une "stratégie américaine au Kurdistan". La grande affaire de George Bush, disent-ils, est la bataille de Bagdad, et, s'il échoue, le rapport Baker reviendra à l'ordre du jour.

La nomination du général David Petraeus à la tête des forces américaines en Irak suscite également des réserves. Avant de remplacer le général Casey, il a été commandant de la région nord-irakienne en 2004-2005, basé à Mossoul, en bordure du Kurdistan. En novembre 2004, une série d'attaques menées par l'insurrection sunnite avait provoqué la débandade des 8 000
Irakiens des forces de police et de sécurité de Mossoul qu'il avait été chargé de réorganiser.

Pour les Kurdes se pose surtout la question des délais. Il ne reste que 23 mois avant la prochaine élection présidentielle américaine, et personne ne sait ce que décidera le successeur de George Bush. Le pire scénario, estime Asos Hardi, rédacteur en chef d'Awene, un hebdomadaire de Souleimaniyé, "serait un départ américain. Il s'agirait alors du plus grand défi que les Kurdes aient jamais eu à relever. Je ne vois aucun élément permettant d'affirmer que nous aurions les capacités à nous défendre contre l'Iran ou la Turquie. La bravoure des peshmergas est célèbre, mais ils ont été formés à la guérilla, aux tactiques d'attaque, pas à la défense".

RÉFÉRENDUM À KIRKOUK

Dans un bureau de l'Assemblée nationale du Kurdistan, l'écran de la télévision allumée montre Ali Hassan Al-Majid, dit "Ali le Chimique", poursuivi pour génocide contre les Kurdes lors des opérations militaires d'Anfal qui ont fait plus de 100 000 morts entre 1987-1988. Depuis que le principal accusé, Saddam Hussein, a été exécuté, le 30 décembre, les télévisions kurdes continuent de diffuser le procès, mais ont arrêté les traductions simultanées en langue kurde. Que l'ancien président d'Irak ait été pendu avant d'avoir été jugé pour ses crimes contre les Kurdes a mécontenté toute la région, mais, "au moins, commente un député, personne ne pourra accuser les Kurdes d'être responsables de la mort d'un chef arabe". Rester à l'écart des conflits communautaires, tel est l'objectif prioritaire.

La récente décision de Massoud Barzani d'envoyer deux brigades (officiellement 6 000 hommes) à Bagdad dans le cadre de la nouvelle stratégie américaine suscite de nouvelles inquiétudes. Une dizaine d'imams ont émis des fatwas interdisant leur départ, provoquant des désertions. Ces soldats seront incorporés dans l'armée irakienne, comme à Kirkouk et Mossoul, mais "un Kurde reste un Kurde, même sous uniforme irakien, commente un étudiant d'Arbil. Dans l'enfer des milices de Bagdad, ils sont amenés à tuer des Arabes, chiites ou sunnites, pourrons-nous échapper aux représailles ?"

Les scénarios du pire, personne ne veut y croire. En attendant, l'année 2007 s'annonce critique pour le Kurdistan, confronté à deux événements concomitants et potentiellement explosifs. D'un côté, les élections en Turquie où le problème des "terroristes" du PKK (Parti des travailleurs kurdes, dont la branche armée a trouvé refuge dans les montagnes du Kurdistan irakien), enflamme déjà une partie de la presse ; de l'autre, le référendum sur le rattachement de Kirkouk au Kurdistan, une revendication essentielle du peuple kurde à laquelle s'opposent la Turquie et une grande partie des Turcomans et des Arabes irakiens.

"Pour la suite, on verra, tant que les Américains sont là, la Turquie ne bougera pas", assure Adnan Mufti, le président de l'Assemblée nationale kurde. "Les relations avec les Etats-Unis restent notre absolue priorité, poursuit-il. Nous pensons qu'après Bush il y aura peu de changements, les Etats-Unis ne peuvent plus faire marche arrière. Ils perdraient leur influence au Moyen-Orient et leur prestige. Leur retrait équivaudrait à une victoire des terroristes. Ce serait un désastre, pour eux, pour les Kurdes et pour l'Irak."

Cécile Hennion, ARBIL, SOULEIMANIYÉ (KURDISTAN) ENVOYÉE SPÉCIALE
Article paru dans l'édition du 16.02.07 du quotidien Le Monde.



Les Chroniques du [CyberKabyle].

29 janvier 2007

Les vieux Immigrés kabyles en France



Une fois n'est pas coutume, un exellent reportage du Monde, loin de l'orientalisme délirant de certains pour qui un emmigré ne peu être qu'arabe, maghrebin ou algerien à la rigeure mais jamais kabyle.


Ce sont de vieux messieurs indignes. Kabyles (...), émigrés il y a quarante ou cinquante ans, quand les chantiers et les usines de France manquaient de bras, ils auraient dû, une fois la retraite venue, repartir vers leur bled ou leur village. C'est ce qu'escomptait l'Etat français. C'est ce que le village attendait. On émigre pour faire de l'argent. Les racines, ils en ont déjà. Ils auraient dû...

"Vous savez comment ils nous appellent, quand on rentre au bled ? Les envahisseurs !", rétorque Achour, avec une moue amère, quand on lui parle de l'Algérie. Il porte une chemise à carreaux et une veste plutôt épaisse, malgré le temps doux. Assis à ses côtés, sur l'un des bancs du square Alban-Satragne, dans le 10e arrondissement de Paris, son copain Mohammed opine du chef. Il lève sa canette de bière et boit une gorgée, en clignant de l'oeil comme un gamin malgré sa moustache blanche. Achour et Mohammed sont arrivés en France au début des années 1950.

Le premier a d'abord travaillé à l'usine, dans le Nord, avant de s'installer en région parisienne. Le second a réussi à se faire embaucher au Ritz, place Vendôme, passant du poste d'agent d'entretien à celui de plongeur. A présent, ils ne font plus rien.

Achour est divorcé. Sa chambre d'hôtel, minuscule - 660 euros par mois, soit les deux tiers de ses revenus - ne lui permet pas de recevoir ses enfants, nés en France. "Quand ils viennent me voir, je les invite au McDo", dit le vieil homme. Mohammed vit avec sa femme, handicapée. Tous les après-midi ou presque, les deux retraités retrouvent les bancs du square et leurs canettes de bière, au milieu d'autres vieux, de SDF aux bras tatoués et de mères de famille avec leurs poussettes. La gardienne, une Antillaise, salue les habitués.

"Quand les immigrés rentrent en Algérie, les commerçants font monter les prix, ce qui pénalise tout le monde. Mais ce sont les immigrés qu'on accuse. Et qu'on traite d'envahisseurs", explique le sociologue Atmane Aggoun, qui connaît chaque retraité kabyle du quartier et fréquente assidûment les jardins publics où il sait pouvoir les trouver.

Chacun a son histoire, mais tous ont un point commun : leur présence en France est ressentie comme "incongrue". Aujourd'hui encore, le mythe du retour, cette "illusion collective d'une émigration provisoire", déjà décrite par le sociologue algérien Abdelmalek Sayad, notamment dans La Double Absence (Le Seuil, 1999), fait office de loi non écrite. "Ceux qui restent sont perçus comme des déviants, ajoute Atmane Aggoun. Pour atténuer leur "trahison", ils font sans arrêt la navette entre la France et le pays natal. Ils sont comme des hirondelles. Mais c'est seulement au moment de leur mort qu'ils remboursent leur dette : quand ils repartent entre quatre planches, afin d'être enterrés dans la terre des ancêtres", souligne le chercheur, qui vient de publier Les Musulmans face à la mort en France (Vuibert, 2006), un essai centré sur les immigrés d'origine kabyle.

Mais pourquoi restent-ils, ces vieux messieurs dont personne ne veut ? Est-ce, comme le suggère Achour, parce que le retour au bled, contrairement à ce qu'eux-mêmes en disent, est souvent source de blessures et de malentendus ? Est-ce parce que les retraités immigrés sont tenus, pour toucher l'allocation vieillesse, de résider en France plusieurs mois d'affilée, finissant, de ce fait, par faire souche ? Le gouvernement s'est en tout cas résolu au début du mois d'octobre à limiter cette présence obligatoire en France à trois mois, et non plus à neuf. Un amendement devrait être ajouté au projet de loi de finances 2007.

Les vieux immigrés restent-ils, tout simplement, pour continuer à vivre selon les habitudes et préférences acquises, qu'il s'agisse des soins de santé ou du système bancaire - qu'ils jugent plus fiables que dans leur pays d'origine -, ou encore du bistrot de quartier, avec "le ballon de rouge qu'on boit au comptoir en faisant son Loto avec les copains", comme le défend Atmane Aggoun ? Sans doute y a-t-il un peu de tout cela.

"Ils n'arrêtent pas de dire qu'ils vont repartir, qu'ils ont le mal du pays. Mais ils ne le font pas. Ils ont leurs habitudes. Leur vie, elle est ici, même s'ils l'entrecoupent de voyages là-bas", relève Sarah Oultaf, chargée de mission pour la Sonacotra. "Ici", c'est Gennevilliers. Le foyer Brenu compte 432 chambres. Néons, carrelages jaunâtres et des chambres qui font penser à des couchettes pour nains : 7,50 m2. "Et encore, ce n'est pas le pire ! Certains foyers, à Clamart par exemple, ont des chambres de 4 m2. On étend les bras et on touche les murs... Je ne pensais pas que des êtres humains pouvaient vivre là-dedans", commente la jeune femme, elle-même d'ascendance algérienne.

Ce que la Sonacotra, créée en 1956, appelle des "unités de vie" (les locataires partageant cuisine et toilettes collectives) aurait du être transformé en appartements. Mais la vie en a décidé autrement : les regroupements familiaux "initialement envisagés" n'ont pas eu lieu et "la plupart des hommes sont restés seuls en France pour travailler, transformant le foyer initial en domicile définitif", constate la société nationale, dans une brochure éditée en 2002. Contre toute attente, Mohamed n'a pas repris sa valise. Il est devenu ce qu'Atmane Aggoun appelle joliment un "célibataire géographique". Les chambres, mini-gourbis modernes dotés de l'eau courante et de l'électricité, ont vieilli - à l'instar de leurs locataires : vite et mal. "Passé la soixantaine, les vieux résidents sont vraiment abîmés", souligne le docteur Anne Févotte, gériatre-conseil à la Sonacotra. Selon elle, un vieux locataire de la Sonacotra accuse, médicalement parlant, "dix ans de plus que le Français moyen du même âge".

Peu habitués à dépenser pour eux-mêmes, a fortiori à consulter préventivement, les vieux immigrés maghrébins tombent malades comme ils ont vécu et vieilli : sans faire de bruit. Le diabète, conséquence d'une alimentation déséquilibrée, est la principale maladie dont ils souffrent. Aujourd'hui, sur les quelque 70 000 "clients" de la Sonacotra, la moitié ont plus de 56 ans et environ 20 000 ont dépassé la soixantaine. La tranche d'âge des plus de 71 ans est "celle qui progresse le plus vite", note le docteur Févotte.

C'est pour évaluer leurs besoins que Sarah Oultaf visite les foyers. "Ce dont ils se plaignent le plus, c'est la petitesse de leur chambre. Ensuite, vient la santé. Ils l'ont sacrifiée, ils le savent. Leur corps, c'est le seul "espace" où ils se permettent d'avoir des droits et de revendiquer : c'est à la France qu'ils ont sacrifié leur santé, c'est donc à la France de les soigner. Mais ça s'arrête là. Le reste, ils n'en parlent pas", explique la jeune femme. Les projets, pourtant extrêmement limités, de rénovation des foyers et d'agrandissement des chambres ont ainsi suscité, à ce jour, bien plus de panique et d'effroi que d'enthousiasme chez les locataires de la Sonacotra. "Ils sont comme tous les vieux : ils ne veulent pas bouger", explique Sarah Oultaf. Peur du changement ou crainte d'avoir à payer plus ? A la Sonacotra, "sur les 5 % des personnes de plus de 60 ans", repérées du fait de leurs difficultés à se déplacer ou de leur manque d'autonomie, "seulement 10 % bénéficient d'aides à domicile, pour l'essentiel, une prestation d'aide ménagère".

Au café des Ecoles, à l'angle de la rue Bara, où viennent s'attabler à longueur de journée les pensionnaires du foyer, le patron est un Kabyle, natif de Bejaïa. "Nous, les Algériens, on est plus individualistes. Les Africains, eux, ils font tout ensemble : la cuisine et même le lit. Le père dort avec le fils, etc. Ils s'entassent les uns sur les autres", note le bistrotier, le sourire débonnaire. Lui-même, qui appartient "à une famille de marabouts", sera enterré au pays. Mais plusieurs de ses connaissances et parents éloignés, eux aussi immigrés, ont été inhumés en banlieue parisienne, "et pas forcément dans un carré musulman", note-t-il. "C'est, explique le bistrotier, parce qu'ils étaient mariés à une Française directe (disposant de la seule nationalité française)."

Au square Villemin, près de la gare de l'Est, de vieux Kabyles, hommes et femmes, bavardent sous les arbres. L'une des matrones vient d'arriver en France. Son visa est périmé, mais elle n'a "aucune envie" de repartir en Algérie. Son fils, un ancien sans-papiers lui-même, a été récemment régularisé, explique-t-elle, pleine d'espoir. "Qu'ils respectent la loi ou pas, les gens âgés sont de moins en moins rares à émigrer en France", assure Atmane Aggoun, qui y voit l'amorce d'un phénomène inédit. Comme le chante le conteur kabyle Sliman Azzem : "Ni il est resté, ni il s'est en allé. Sa maladie s'est installée ancienne, et sa vie, le malheureux, tient à un fil"...


Les Chroniques du [CyberKabyle].

24 janvier 2007

Nouvel Album de Tinariwen « AMAN IMAN »


Le rock des dunes.

Imaginez une tribu de nobles guerriers du désert, vêtus de djellabas bigarrées et armés de guitares électriques pour psalmodier un blues qui n’a rien à envier à celui de B.B. King ou de Ry Cooder. Une musique hypnotique, lancinante, ponctuée de riffs acérés et de percussions aquatiques, comme la rencontre des Rolling Stones des débuts avec une chorale de muezzins survoltés. Après tout, ainsi que l’a toujours affirmé Ali Farka Touré, regretté griot des douze mesures, le blues est né en Afrique… Et Tinariwen, les hommes bleus à l’âme blues, le prouvent. Héros de la rébellion touareg du début des années 90 contre le pouvoir malien (on en a vu monter à l’assaut kalachnikov en main et guitare en bandoulière) ils demeurent aujourd’hui les hérauts d’une résistance opiniâtre contre toute forme d’oppression. Leurs chants de révolte, d’errance et d’amour sont entrés dans la légende locale et ont conquis la planète. Des stars du rock comme Carlos Santana, Robert Plant, Taj Mahal ou Elvis Costello ne jurent que par eux, Thom Yorke, leader de Radiohead, a même avoué s’être inspiré de leur musique pour composer une partie de son album solo, The Eraser.

Après avoir tourné dans le monde entier, les Tinariwen publient enfin leur troisième album. Il s’intitule « Aman Iman », l’un des dictons favoris des Touaregs, fiers nomades sahariens pour qui « l’eau c’est la vie ». Enregistré en une dizaine de jours à Bamako, sous la houlette du producteur Justin Adams, le disque est sans conteste le meilleur du groupe. En douze morceaux tournoyants et voluptueux, on retrouve, intacts, ces éclats de guitare que ne renieraient point un Keith Richards ou un Jeff Beck, ces mélopées envoûtantes qui évoquent la douceur d’un coucher de soleil sur le désert, ce mélange de langueur sensuelle et d’âcre énergie. Bref, tout ce qui faisait l’essence du blues, puis du rock, restitué ici avec une pureté immaculée. Entre chants de lutte et d’espoir, poésie insurgée et ballades amoureuses, les Tinariwen, ces fils des sables et du vent, réinventent une musique originelle, limpide, une musique des racines, qui parle au corps, au cœur et à l’âme. Et si c’était eux, le meilleur groupe de rock du monde ?

Philippe Barbot

Les Chroniques du [CyberKabyle].

21 janvier 2007

Le Kiosque Arabe : Leurs gentils et nos méchants


Par Hamed Halli, Le Soir d'Algérie, 15 janvier 2007

Il paraît que c'est un commerçant de Tunis qui a permis de mettre en échec les projets d'attentat contre plusieurs bâtiments de la capitale. Cet épicier avait remarqué, en effet, que l'un de ses clients s'était brusquement mis à acheter une quantité inhabituelle de pains. Ses achats quotidiens dépassaient, de loin, les besoins d'une famille. En bon citoyen, soucieux de la stabilité de son pays, il avait informé la police de ce comportement intrigant. C'est ainsi qu'un projet terroriste de grande ampleur a été éventé.

C'est sans doute à partir de ce détail que la presse locale a tout de suite désigné la piste algérienne. Tout le monde sait que nous sommes de grands mangeurs de pain. C'est d'une logique irréfutable et je suis tenté de souscrire pleinement à cette hypothèse tant il est vrai que l'intégrisme ignore les frontières qu'il n'a pas tracées lui-même.

Seulement, je trouve que nos frères tunisiens sont par trop imprévisibles et partiaux dans ce domaine. Ils donnent l'impression de suivre les mouvements et les sautes d'humeur de leurs dirigeants bien aimés et même adulés. Au début de l'année, journalistes, syndicalistes et semi-officiels clamaient publiquement leur douleur devant l'exécution de Saddam Hussein. Dans une belle unanimité nationale, suivant un axe s'étendant de Londres à Tunis en passant par Al-Qaïda, la dénonciation a été unanime. Islamistes et républicains islamisants ont fustigé à voix haute la cruauté et l'esprit de vengeance des dirigeants chiites irakiens. On était en face de l'entente retrouvée, au détriment du Maghreb des Etats, alliés contre le terrorisme. Il n'était donc pas question de briser cette belle fraternité en accusant injustement les islamistes tunisiens d'avoir fomenté un complot terroriste.

D'ailleurs, ni Londres ni Doha n'ont revendiqué ou approuvé ces actes de violence. Le péril ne pouvait venir que d'ailleurs et c'est d'ailleurs qu'il est venu. Il était hors de propos de stigmatiser les gentils islamistes tunisiens alors que la méchanceté et la cruauté ont une adresse: l'Algérie. Les intégristes tunisiens sont des pacifistes convaincus, contrairement à ces enragés d'Algériens qui ne rêvent que de fleuves de sang. On vous expliquera, ensuite et sur un ton docte, que la Tunisie, autant que le Maroc, n'est pas l'Algérie. Les Tunisiens sont d'ardents patriotes qui appellent la police au moindre pain suspect. Tandis que les Algériens… tous suspects ! Voyez comment ils traitent leurs assassins de retour des maquis ! Observez la façon dont s'opère la réinsertion des terroristes comme si le pays était retourné aux premières années de l'indépendance ! On raconte même que le chef "repenti", Anouar Haddam, reprendrait des activités publiques. A l'occasion, il pourrait être convié à distribuer des bonbons aux orphelins et aux futurs orphelins de la police. On pense même au siège du Commissariat central d'Alger pour abriter de telles cérémonies du pardon.

N'importe quoi ! Ils sont décidément incorrigibles ces Tunisiens ! Ils feraient mieux de s'occuper de la santé de leur président, au lieu de spéculer sur l'avenir du nôtre. Comme s'ils ignoraient que, chez nous, les chefs pensent d'abord à se succéder à eux-mêmes. Ensuite, voyez le roi de France, Louis XIV ! Il y a plusieurs façons de rentrer dans l'histoire et, donc, plusieurs manières de l'écrire. Lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire dans les manuels scolaires, les pédagogues font parfois fi de la vérité historique, comme en Egypte.

La semaine dernière, j'avais évoqué la façon dont Al- Azhar avait validé une thèse de doctorat vouée à l'excommunication rétroactive. L'argument spécieux mais irréfragable du jury était que la thèse s'appuyait sur une vérité essentielle : l'histoire de l'Egypte a commencé avec l'Islam, à l'exclusion de tout ce qui est antérieur. Il y a quelques jours, l'historienne égyptienne Samah Fawzi a confirmé l'existence de ces absurdités, jusque dans les ouvrages scolaires. Dans le manuel d'histoire d'une classe du primaire, Samah Fawzi relève de quelle manière la mosquée est transformée de lieu de culte, sujet de respect et de dévotion, en terrain de mobilisation et de préparatifs guerriers. La mosquée, peut-on lire, “c'est l'école où les musulmans apprennent tout ce qui concerne leur religion et leur vie terrestre… le lieu où se rassemblent les soldats de Dieu avant de lancer une opération grandiose. C'est, enfin, le monument qui marque la distinction entre la société musulmans et les autres”.

La guerre de 1973, par exemple, est présentée, par ailleurs, comme un combat entre juifs et musulmans. La leçon d'histoire exclut, de fait, la participation des coptes d'Egypte et occulte leur existence. “Voici les fortifications de la ligne Bar-Lev. Dieu nous a donné la victoire sur les juifs comme il l'a donnée au Prophète (QSSL) sur les juifs à Médine. Il a fait s'écrouler leurs fortifications sur leurs têtes.” La guerre est donc une guerre religieuse et c'est ce que l'enfant doit apprendre dans ce livre, observe Samah Fawzi. Comme il est spécifié en marge de la leçon, l'objectif est d'enseigner “l'honneur de subir le martyre au service de Dieu” et de mettre en garde contre “la traîtrise et la fourberie des juifs”, hier et aujourd'hui. “C'est ainsi, note l'historienne, que la victoire d'Octobre 1973 est présentée comme une victoire des musulmans sur les juifs. Où est le rôle de nos compatriotes coptes ? Pourquoi traitons- nous toutes choses sous l'angle de la religion. La réalité, les institutions et même l'histoire sont désormais considérées avec un regard religieux. Pourquoi le manuel d'histoire occulte-t-il les éléments arabes et chrétiens dans le conflit avec Israël ? Veut-on laisser entendre aux chrétiens arabes que cette patrie n'est pas la leur, que cette histoire n'est pas la leur et que cet avenir ne leur appartient pas ? Ce qui aura pour effet d'accentuer l'exode des chrétiens vers les pays occidentaux. Avec le temps, la sphère arabe perdra sa pluralité religieuse et la tolérance y disparaîtra. Le rejet de l'autre amènera les musulmans de différents rites à s'entretuer.” “Ces quelques exemples, souligne encore Samah Fawzi, montrent que l'information et l'enseignement recèlent en leur sein des tendances alimentées par les courants de l'islam politique. Ces tendances ne reflètent pas la nature et le fond de la société égyptienne diverse et plurielle. Aussi, ne faut-il pas éluder la responsabilité du gouvernement dans la persistance de telles absurdités. Ce sont ses institutions qui produisent, propagent et consomment ces avatars."

Pour mieux mesurer l'ampleur du mal, il faut sans doute méditer cette initiative qui nous vient de Syrie. La Syrie qui serait, à en croire les opposants à Bechar Al- Assad, sur le point de succomber aux charmes du chiisme, sous la férule alaouite. Cela se passe à l'université de Damas. Une commission sur l'écriture de l'histoire s'est donné pour mission de réécrire l'histoire des Arabes avec une approche plus saine et plus réaliste. Selon le promoteur du projet, un certain Abdelkarim Ali, “il ne s'agit pas de réécrire l'histoire pour la modifier. Il s'agit simplement de procéder à la relecture de l'histoire dans ses aspects les plus positifs et dans l'intérêt de la société”. Alors soyons positifs ! Attendons, sans trop d'impatience, le chapitre sur la dynastie des Assad, sans oublier aussi, bien sûr, celui de la présence syrienne au Liban.


Les Chroniques du [CyberKabyle].

19 janvier 2007

Pendant que la Kabylie coule Euskadi s’émancipe


Pendant que la Kabylie prisonnière d'un état anachronique sombre de plus en plus dans la pauvreté, en Euskadie l’activité économique bat son plein.

Le musée Guggenheim, à Bilbao. Amorti en un an et demi, il a fait de la ville une destination touristique mondiale.

C’est un choc, dont le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero vient de tirer les conséquences devant le Parlement. Revendiqué par l’ETA, l’organisation indépendantiste armée basque, l’attentat du 30 décembre à Madrid a mis selon ses termes un « point final » au processus de paix engagé il y a six mois. C’est un échec pour tout le monde, à commencer par les autorités basques, qui s’efforcent de mettre en avant la réussite économique de leur petit territoire.

En plein marasme au début des années 90, Euskadi, le Pays basque espagnol, affiche en effet une croissance de 3,9 %, mieux que l’Espagne (3,4 %), et beaucoup mieux que la moyenne européenne (1,6 %). « Nous sommes le troisième pays de l’Uni on européenne en termes de produit intérieur brut par habitant », se félicite Iñaki Tellextea, ministre de la Technologie et du Développement industriel au sein du gouvernement basque issu du parti nationaliste (PNV). Dans la salle de réunion du ministère, le drapeau rouge-vert-blanc d’Euskadi voisine avec le drapeau européen ; les couleurs espagnoles, elles, sont absentes.

Alors que les extrémistes de l’ETA revendiquent l’indépendance à coups de voitures piégées, les Basques se prennent déjà… pour un pays. Doté depuis 1981 d’une autono­mie politique et économique étendue, ils en ont « presque tous les attributs , à part la diplomatie, les forces armées et la douane », préci­se Iñaki Tellextea. Au moment où l’Europe tremble devant les délocali­sations, « nous avons mis en place une politique industrielle », poursuit le ministre devant une délégation de députés et de sénateurs français venus s’inspirer de l’improbable success story basque.

Pragmatiques, les autorités régionales ont fait appel à Michael Porter, gourou du management à Harvard, qui a proposé aux entreprises une mise en commun des efforts de R & D et de formation au sein de clusters propres à chaque filière industrielle. Adopté. « Dans un petit territoire, on se connaît tous, c’est plus facile de décider ensemble », indique Iñaki Tellextea.
Aujourd’hui, l’industrie basque s’enorgueillit d’un fleuron atypique, Mondragón, une coopérative jésuite devenue une multinationale de 70 000 salariés, présente dans une quarantaine de pays, exportatrice de machines-outils, de machines à laver (Fagor), d’autocars (Irizar)…
Le chômage, qui touchait près du quart de la population active il y a vingt-cinq ans, est tombé sous les 5 %. Et puis « nous avons misé sur la culture comme vecteur de croissance, un pari insensé », se souvient Juan José Ibarretxe, le président nationaliste de la région autonome basque.

Conçu par l’Américain Frank Gehry, inauguré il y a dix ans, le monumental musée d’art contemporain Guggenheim, avec ses courbes de titane, ses expositions prestigieuses, a été « rentabilisé en un an et demi, un record », et a fait de Bilbao, industrielle et pluvieuse, une destination touristique mondiale. Juan José Ibar­retxe s’enthousiasme : « Imaginez un peu ce que serait le Pays basque sans le terrorisme ! »

Source Eve Charrin, Challenges, 18.01.2007

Les Chroniques du [CyberKabyle].