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10 janvier 2006

Après les éléctions locales en Kabylie : Combat de titans dans un bac à sable

La désaffection pour les partis politiques à « base kabyle » n’est donc pas un phénomène nouveau, mais une tendance lourde qui date de plusieurs années et qui va en s’accentuant ... Ces partis le savent. Depuis ces élections locales, ils se taisent. On pourrait croire qu’ils se sont cloîtrés pour réfléchir, pour méditer sur de nouvelles stratégies, de nouveaux projets. Rien de tel. Ils se taisent parce qu’ils n’ont rien à dire, rien à proposer, rien à réformer.

En Kabylie, les lois de la physique et autres sciences dites exactes, qui font la joie de générations d’étudiants et des gens normaux, ne s’appliquent pas. Chez nous, ce sont la sorcellerie, le maraboutage et l’irrationnel qui règnent en maitre. Vous vous croyez à la pointe de la modernité en vous promenant dans le Djurdjura ou la Soummam avec votre portable dernier cri Ericsson™ ou Nokia™ offert avec votre abonnement Djezzy™ ... mais en réalité vous nagez encore en plein Moyen-Âge. Même les journaux supposément rationnels regorgent des échos de légendes, pleines de preux chevaliers ayant juré de s’opposer aux méchants diaboliques de la DRS™ et autres forces obscures issus de l’enfer qui cherchent à pousser la Kabylie dans une aventure ... heu ... aventureuse.

Dans cette contrée où le téléphone arabe dame encore le pion à Nokia™ ... un parti qui ne récolte que 12 % des suffrages de l’électorat (soit 40 % des 30 % de participants) ... s’autocongratule, s’autofélicite ... et l’agence Associated Press peut déclarer en toute bonne conscience que « le FFS demeure la première force politique de la région ». Première selon les mathématiques hasardeuses de la politique algéro-kabyle certes, mais obligée toutefois de nouer, une fois les grands discours passés, des alliances arithmétiques avec des forces politiques (pourtant soi-disant « obscures ») comme le FLN™.

Alliances arithmétiques, mathématiques, sciences exactes .... Voilà où je voulais en venir ... au départ.








Analysons arithmétiquement ce "combats de titans" qui a eu lieu en Kabylie lors des élections partielles du 24 Novembre 2005 et qui y a opposé les différentes forces politiques. Comme l’illustre le graphique la première force politique en Kabylie est en réalité constituée par les abstentionnistes. Cela concerne quasiment à égalité les deux principaux départements de Kabylie, que ce soit Tizi-Ouzou ou Bgayet. La presse "indépendante" d’Alger a souligné cette forte abstention comme s’il s’agissait d’un phénomène nouveau.

En réalité, il faut rappeler que, déjà en 2002, le Professeur Hugh Roberts, lors de la parution du rapport de l’International Crisis Group sur les événements de Kabylie, faisait remarquer que « les deux premiers partis de la région ont perdu beaucoup de terrain. Il faut signaler qu’en 1997 déjà, le FFS et RCD se sont partagé tous les sièges de la wilaya de Tizi-ouzou avec moins de 50 % de l’électorat kabyle. C’était donc un début de désaffection. »

Le Professeur Roberts n’est pas le seul à faire cette analyse. Avant lui, dès 2001, le Professeur Salem Chaker affirmait la même chose dans son texte « Plus qu’une suggestion, une nécessité » : « Le cas des partis politiques « kabyles » - écrivait-il- est particulièrement révélateur, presque caricatural : en refusant obstinément de se poser comme forces représentatives de la région qui les porte et en s’affirmant, contre toute évidence, « partis nationaux », ils ont fini par perdre une grande partie de leur crédit auprès de leur base sociale réelle qui ne se reconnaît plus en eux. »

Mais il faut poser la question : pourquoi ce recul persistant de l’audience des deux partis politiques sociologiquement « kabyles » que sont le FFS™ et le RCD™ ? Selon le Professeur Roberts, « la raison principale en est que les partis politiques ne pouvaient espérer obtenir grand-chose tant que les assemblées dont ils se disputaient les sièges sont restées sans pouvoirs réels. Ce qui est étonnant, c’est que les partis eux-mêmes n’ont pas vraiment soulevé ce problème fondamental. »

Cette désaffection pour les partis politiques à « base kabyle » n’est donc pas un phénomène nouveau, mais une tendance lourde qui date de plusieurs années et qui va en s’accentuant ... Ces partis le savent. Depuis ces élections locales, ils se taisent. On pourrait croire qu’ils se sont cloîtrés pour réfléchir, pour méditer sur de nouvelles stratégies, de nouveaux projets. Rien de tel. Ils se taisent parce qu’ils n’ont rien à dire, rien à proposer, rien à réformer. Les « aarchs » avaient raison : Les partis ne servent à rien.

L’avenir pourrait passer par une revitalisation du champ politique kabyle, la libre concurrence favorisant, on le sait, une meilleure qualité globale de l’offre. L’arrivée de nouveaux partis permettrait notamment une sortie par le haut de la haine stérile que se vouent le FFS™ et le RCD™ et qui bloque tout le paysage politique régional, le FFS™ préférant même s’allier au « diable » (en l’occurrence le FLN™) plutôt que de dépendre du soutien de son frère ennemi RCD™.

Mais les nouveaux entrants ne convainquent guère pour l’instant : l’UDR™, parti présentant un cocktail inédit de réformisme radical (fédéralisme, libéralisme économique) et d’« à-plat-ventrisme » intégral vis-à-vis du président Bouteflika, n’a même pas obtenu son accréditation et est de toute façon victime de l’étiquette « Kabyle de service » que semble lui avoir collé la population. Quant au « Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie », il n’a - pour le moment - jamais réussi à fédérer autour de lui un mouvement populaire d’une quelconque importance et semble se contenter d’une stratégie déclamatoire et incantatoire, en n’intervenant dans le débat politique qu’à coups de communiqués de presse. De toute manière, il est inutile que le MAK demande son accréditation : selon les lois de l’Algérie démocratique et populaire, tout mouvement politique basé sur une identité régionale est interdit.

Bref, côté partis politiques, on trouve surtout de beaux mythes : mis à part deux ou trois tours pendables, assez pitoyables en comparaison des bonnes blagues de potaches, les partis n’ont jamais rien fait de spectaculaire.

Alors... pas de Sécurité Militaire, pas de coup d’état scientifique, pas de laboratoire de la DRS, pas de combat titanesque du Bien contre le Mal. Rien. Ulac. Ou si peu...

En d’autres termes, la Kabylie restera longtemps coincée dans ce « combat de titans » entre les deux inutiles du FFS™ et du RCD™.



La Chronique du [CyberKabyle].

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