Le très officiel quotidien d’état Horizon a ainsi fait part de deux décisions importantes prises lors du conseil des ministres du 10 août 2005. D’une part, la reprise en main des écoles privées qui « sont tenues de dispenser leurs enseignements en langue arabe ». D’autre part, la « reprise aujourd’hui du dialogue gouvernement-aârouch » avec « l’officialisation de tamazight en question ».
Pour sa part, le quotidien Le jeune indépendant fait état de ses doutes quand à la prise en charge de « l’officialisation de la langue Tamazight » en affirmant qu’il est « difficile de croire à l’aboutissement de cette démarche. Les propos tenus par le président de la République le 8 avril dernier, à l’occasion de la célébration de la première année de son deuxième mandat, en sont la preuve. « La langue arabe restera la seule langue officielle de l’Etat algérien et il n’y aura pas de concession là-dessus », avait déclaré le président Bouteflika ».
« Marge de manœuvre étroite pour Abrika » titre pour sa part La nouvelle République. Selon Malik Fohdil, « pour l’exécutif gouvernemental, le préalable d’un référendum populaire pour officialiser tamazight en tant que langue nationale » demeure. Le journaliste rappelle par ailleurs que « le RCD, le FFS, le MAK et les courants centristes dénient à Abrika toute représentativité estimant que les dialoguistes n’ont en main que les cartes que le pouvoir leur a données ». Finalement Malik Fohdil conclut que « la marge de manœuvre pour Abrika est étroite, car les cartes qu’il a en main ne lui suffisent pas pour imposer un point unilatéral à l’exécutif gouvernemental, celui de coupler le dossier sur les incidences des premières mesures au dossier explosif de la reconnaissance de Tamazight et de l’allocation chômage ».
Dans le même quotidien un autre journaliste, Sofiane Idjissa, fait remarquer que les élections partielles en Kabylie constituent une date essentielle pour les Aarchs dialoguistes car « sinon ils apparaîtraient comme n’avoir rien obtenu. Ils apparaîtraient même comme s’ils avaient été instrumentalisés ». « Le temps compte » donc pour Abrika qui se retrouve « au pied du mur ». Cela laisse supposer qu’ Abrika serait tenté d’accepter tout et n’importe quoi pour ne pas arriver les mains vides lors des prochaines échéances électorales.
Vers une officialisation de Tamazight sans référendum ?
Le scepticisme ambiant s’est estompé samedi dernier, quand El Watan a titré sur l’ « officialisation de Tamazight sans référendum, Ouyahya s’engage » en rapportant les propos de Djaâfer Abdeddou, membre du mouvement des archs de Bouira (CCCWB). Ce dernier déclare que « le principe de l’officialisation de tamazight est gagné ». « Le chef de l’Exécutif aurait accepté le principe de l’officialisation de cette langue sans référendum » selon une autre source dialoguiste.
Le journal Liberté confirme cette version en rapportant les propos des dialoguistes : « Nous avons réalisé une avancée considérable, et nous avons même, à présent, dépassé cette question de référendum que l’on considère comme une affaire classée ».
Vers une réouverture du dossier des victimes du printemps noir.
Les annonces optimistes pour le camp des dialoguistes s’accumulent. Liberté annonce « Réouverture des dossiers des victimes du printemps noir ». L’expression annonce quant à elle qu’ « un tribunal civil jugera le gendarme » qui a assassiné le jeune Guermah Massinissa. Même le Quotidien d’Oran, habituellement très prudent, grisé par l’euphorie ambiante, déclare que « le gendarme Meftari est convoqué, selon des sources sûres, par le procureur de la République du tribunal de Tizi Ouzou pour demain ». De plus l’auteur de l’article fait remarquer que « le plus surprenant dans cette affaire est la célérité avec laquelle des points de l’accord entre les aarchs et le chef du gouvernement sont mis en application. ».
Une opposition aphone.
Ce dernier round de négociations pourrait donc s’achever par le KO de la classe politique Kabyle (ou plutôt, comme ils se décrivent eux-mêmes, la classe politique « algerienne-avec-une-assise-plus-particulière-dans-la-région-de-Kabylie ») car Abrika aurait obtenu en quelques mois plus que les partis FFS-RCD en 15 ans d’exercice politique. Dans ce contexte, difficile de prêter attention aux partis politiques. Said Saadi continue « ses rencontres de proximité » dans l’indifférence générale, avec comme unique caisse de résonance le quotidien Liberté et ses articles s’assimilant à des « publi-reportages ». Quand au FFS d’Aït Ahmed, il n’oser même plus menacer d’organiser des meetings fautes de « marcheurs » (ou bien de militants tout court), même à Tazmalt qui a constitué jusqu’ici son meilleur réservoir. Il se borne à menacer de porter plainte auprès d’une hypothétique juridiction internationale.
Entre euphorie et crainte d’une énième désillusion.
Malgré l’euphorie ambiante, le doute persiste. Ces négociations soulèvent plus de questions qu’elles n’en résolvent. S’agit-il de simples promesses en l’air, dans un but électoraliste à court terme ? D’ailleurs il est à noter que le gouvernement n’a pas encore confirmé officiellement l’« officialisation de Tamazight sans référendum ». Toutes les informations rapportées par la presse émanent des Aarchs dialoguistes qui semblent très surs d’eux mêmes, mais dont les affirmations ne sont pas pour l’instant confirmés par des sources gouvernementales.
D’autre part qu’en est-il de la contradiction entre l’annonce, par des voies détournées, de l’officialisation de Tamazight et la généralisation, bien officielle cette fois-ci, de l’enseignement en langue arabe à l’enseignement privé ? Comment ne pas mettre en parallèle d’un côté une simple promesse faite à des délégués dos au mur et d’un autre, une contrainte administrative officielle entraînant une sanction judiciaire immédiatement applicable aux contrevenants...
La Chronique du [CyberKabyle].