« Pourquoi Nador ? Suite à l’annulation des visas avec l’Algérie, les ONG berbères ont saisi la balle au bond en proposant la tenue de leur congrès au Rif et non à Almeria, comme cela était prévu » estime le quotidien marocain L’économiste. Contraints dans le passé de réunir leurs congrès à l’étranger, c’est la première fois que les membres du Congrès Mondial Amazigh se rencontrent sur le territoire de Tamazgha suscite la satisfaction, mais aussi des craintes dans les colonnes de la presse marocaine.
Le très sérieux L’économiste a ainsi consacré deux articles à la tenue de ce congrès. Au niveau des satisfactions, Mohamed Boudarham du quotidien Aujourd’hui le Maroc, avance l’explication « de la flexibilité des procédures administratives au Maroc » et de « la décision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en juillet 2004, d’exonérer les ressortissants algériens de visa d’entrée sur le sol marocain ». Et pour le démontrer le quotidien cite les paroles du président du CMA Belkacem Lounès « Il y a donc dans ce pays des espaces de liberté qui se sont offerts ».
En revanche, Mohamed Boudarham, qualifie de « dérapage » et de « divagations », les propos de Belkacem Lounes qui souhaite « manifester une solidarité » avec une région sujet à une « politique de marginalisation et de répression » cinquante ans après l’indépendance.
Pour en avoir le cœur net, L’économiste donne la parole à Belkacem Lounés dans un entretien de Nadia Lamlili intitulé « Rendez-nous ce qui nous appartient ! ». Cette dernière en préambule de son article note que « les propos de Belkacem Lounès sont parfois très virulents » et que « ce Kabyle représente la ligne des durs dans le mouvement amazigh ». Ces remarques sont d’autant plus surprenante que Belkacem Lounès ne cachait jusqu’alors pas ses liens avec le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), un parti qui se flatte de ses connexions avec des factions de l’armée algérienne. De plus, lors du Le Forum Social Européen de Saint Denis en 2003, c’est du bout des lèvres, et après une intense pression de l’Union des Kabyles de France (UKF), qu’il a prononcé le mot « génocide » pour qualifier les exactions des événements appelés le « Printemps Noir ».
« Le droit des peuples à l’autodétermination »
Aux questions ayant trait à l’autodétermination, il confie que « notre instrument de travail c’est le droit international dans lequel figure en bonne place le droit des peuples à l’autodétermination. Tel qu’il est défini par les chartes et conventions internationales, il signifie la promotion de la liberté pour les personnes et pour les peuples et le refus de la domination, sous quelque forme qu’elle soit. ».
La journaliste Nadia Lamlili, use du vieil argumentaire du « des milliers d’années de brassage culturel ». Ce thème sous-entend que les militants berbères sont des empêcheurs de brasser en rond, et donc obsédés par la pureté raciale et donc finalement racistes. Les militants berbères se retrouvent sommés de démontrer qu’ils ne sont pas racistes, mais tolérants et que finalement ils sont très heureux de vivre sous domination arabo-musulmane. Belkacem Lounes réplique du tac au tac en demandant « Curieusement, tous les Etats nord-africains parlent de brassage culturel mais sans jamais expliquer comment ils passent de cette pluralité linguistique et culturelle, bien réelle, à leur définition de l’identité nationale fondée uniquement sur l’arabité et l’islamité ? Pourquoi la Constitution ne reconnaîtrait-elle pas ce « brassage », cette diversité culturelle et linguistique du Maroc ? Pourquoi 4 chaînes de TV en arabe et pas une seule en tamazight ? Pourquoi des centaines de conférences, colloques, séminaires nationaux et internationaux sur l’arabité et presque rien sur l’amazighité ? ». Il ajoute « Pour le lobby panarabiste, le brassage signifie certainement, non pas reconnaissance et promotion de la diversité culturelle mais bien assimilation forcée des Amazighs à l’identité arabe ».
Terres spoliées et fédéralisme.
Sur un ton plus neutre, Aziz Khamliche du quotidien Le Matin (celui du Maroc), note que « les thèmes, qui revêtent un caractère particulier pour les congressistes, sont ceux ayant trait au fédéralisme » et aux « terres spoliées ». Toujours selon le quotidien « l’influence de la revendication kabyle, qui se confirme au fil des temps, incite les Algériens à être favorables à une thèse d’autonomie pour « le peuple amazigh », alors que pour les Touareg, c’est l’abolition des frontières qui prime ». Toutefois il laisse planer l’hypothèse d’un complot européen en affirmant que « force est de constater que la plupart des ONG amazigh se trouvent en Europe, ce qui incite à croire qu’elles ne sont pas autonomes dans leur action ».
La questions de l’autodétermination semble obséder les journalistes comme le rapporte la Dépêche de Kabylie : « Une journaliste marocaine de l’hebdomadaire El Oubour a demandé à Belkacem si la Kabylie demande vraiment le statut d’indépendance et à l’orateur de réfuter cette idée ». La réponse de M. Belkacem bien que diplomatique n’a pas du beaucoup la rassurer : « Ce ne sont pas les frontières qui font la fraternité mais c’est plutôt le respect mutuel. Par contre l’autonomie régionale est un sujet très sensible pour nous. C’est une manière de restaurer et de préserver notre identité ».
Les deux partis FFS et RCD n’ont pas été à la hauteur.
La suite de l’article de la Dépêche démontre la réelle évolution du discours du président du CMA depuis ce fameux Forum Social Européen de Saint Denis en 2003 : « Interrogé sur les deux partis du FFS et du RCD, qui représentaient la Kabylie à un certain moment de l’histoire, le conférencier a déclaré que ces deux partis avaient leur base en Kabylie, mais la population a considéré qu’ils n’ont pas été à la hauteur et n’ont pas porté leurs revendication ni défendu les intérêts du peuple. C’est pourquoi, actuellement ces deux partis existent toujours mais ils ont perdu beaucoup de leur base » avant de conclure que « les partis qui sont venus après n’ont pas été plus démocratique que le parti unique. Lorsque le député gagne 40 fois plus que le simple fonctionnaire ou un instituteur, on ne peut espérer grand-chose. Avant d’être élus, ils sont avec le peuple et après, il prennent la fusil vers une autre planète ».
Cette évolution dans la tonalité du discours du CMA fait grincer quelques dents. Ainsi Le Soir d’Algérie rapporte les propos virulents de Moh Si Belkacem, l’un des quatre vice-présidents de l’organisation. Ce dernier confie au quotidien du soir « Pourtant, depuis mon entrée dans l’organisation, lors du congrès de Lyon en 1999, personne ne s’est offusqué de mon appartenance à un parti politique, le RCD. Une affiliation que, en tant que personne physique, ne m’interdisent pas les statuts du Congrès. ». Autre grief retenu par le vice-président algérien contre Belkacem Lounès, le fait que ce dernier utilise dans ses déclarations et interviews le concept de « peuple kabyle ».
Le 4 eme congres Mondial Amazigh s’est finalement clos dimanche soir après trois jours de débats. Les congressistes ont élu, en assemblée générale, le Conseil fédéral qui, à son tour a élu le bureau mondial du CMA, dont voici la composition : - Président : Lounès Belkacem - Vice-présidents : Rachid Raha, Khalid Zerrari, Houcine Azem, Jaime Saenz, Chekna Aghamate - Secrétaire général : Ahcene Boztine - Secrétaire général-adjoint : Zahir Moussafri - Trésorier : Abdallah Fandi - Trésorier-adjoint : Saïd Zamouche. .
Les Chroniques du [CyberKabyle].
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