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15 octobre 2005

A la découverte du peuple berbère des Iles Canaris

L’historien et ethnolinguiste M. François-Paul De Luka, a accepté de nous faire découvrir l’histoire et la culture du peuple amazigh des îles Canaries.

Les îles Canaries sont présentes dans les légendes grecques comme des terres mythiques, situées au-delà des Colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar), la dernière terre avant la fin du Monde. De nombreux auteurs antiques y situent les Champs Elysées, le Jardin des Hespérides ou la mystérieuse Atlantide. La colonisation de l’archipel par les Européens débute en 1402 avec les incursions de Jean de Béthencourt, puis se poursuit de façon plus systématique au nom de la couronne espagnole. Tenerife est la dernière île à être conquise. La lutte y est sanglante et les troupes espagnoles, conduites par le gouverneur Alonso Fernández de Lugo, subissent plus d’une défaite, comme celle de La Matanza en 1494. C’est avec la victoire des Espagnols sur Bencomo, le « mencey » (le « premier », chef de l’équivalent d’une Aarch de Kabylie) de Taoro (nom de l’équivalent d’une Aarch Kabyle) en 1496, que s’achève la conquête de Tenerife et des Canaries. Par la suite les Canariens participent activement à la naissance de nouveaux Etats et de nouvelles villes du Nouveau Monde. Ainsi par exemple, ce sont des familles insulaires qui fondent les villes de Montevideo (Uruguay), de San Antonio (Texas) et de San Bernardo (Louisiane) - et sur la liste des défenseurs de Fort Alamo, les noms de famille à consonance nettement canarienne abondent. M. François-Paul De Luka, historien et ethnolinguiste, est un spécialiste de la culture canarienne. Vice-président de l’Association Culturelle « Tamusni » (Centre d’Études Imazighen des Canaries) il élabore en 1991 une “ Brève Introduction à la Langue Guanche-Tamazight”. Il est aussi coauteur du livre « Les pyramides Canariennes et la vallée sacrée de Güimar » (1996). Son dernier livre publié s’intitule « Notes de ethnolinguistique canarienne », publié à Tenerife (2004). Il a accepté de faire découvrir, aux lecteurs de Q : , l’histoire et la culture du peuple amazigh Canarien.

Q : Dans l’archipel des Canaries, nous connaissons les Guanches, mais existent-ils d’autres Canariens d’origine qui ne seraient pas des Guanches ?

La dénomination « Guanches », au point de vue étymologique, est associée exclusivement à l’île de Tenerife, mais au XIX eme siècle les auteurs français Sabin Berthelot et René Verneau, studieux de la culture et l’histoire des Iles Canaries, étendent cette dénomination à toutes les Iles, avec laquelle on commence à connaître les premiers habitants au monde entier. Les ethnonymes de chacune d’autres îles sont les suivants : Canariens, de l’île de Gran Canaria ; Benahuarites, de l’île de La Palma, de « wi-n-houara », localisée aujourd’hui à Inezgane ; Bimbaches, de l’île de Hierro ; Gomeros, de l’île de Gomera ; Majoreros, de l’île de Fuerteventura , dialecte touareg de l’Ahaggar ; Majos, de l’île de Lanzarote.

Q : Quelle est l’origine des Canariens ?

Actuellement, il a été suffisamment démontré, par les différents auteurs de toutes les disciplines (Anthropologie, Archéologie, Linguistique, etc..) et par des divers documents d’anciens chroniqueurs, l’origine amazigh des Canariens. Les études accomplis montrent la provenance continentale du Sahara Central, zone touareg, et d’autres différentes zones tels le Sous, l’Anti-Atlas, le Maroc Central, le sud-est du Maroc, l’Aurès et la Kabylie algériens, le sud de Tunisie ou les oasis libyennes, par rapport avec les anciennes populations berbères qu’y habitaient.
Un intervalle chronologique approximatif du peuplement peut on le situer entre l’an 1000 avant JC et 700 après JC, avec toutes les réserves, mais on peut affirmer le peuplement d’une grande partie de la population arrivée du Continent entre le V siècle avant JC et le III eme siècle après JC.

Q : Comment étaient ils habillés, quelles étaient leurs armes ?

Les vêtements des Guanches et des autres insulaires étaient assez simples, sauf celui de Grande Canarie qui était plus luxueux. C’étaient les femmes qui s’occupaient de fabriquer les vêtements des peaux de chèvre chamoisées et fixées par des coutures avec des aiguilles d’os. Le principal vêtement c’était le « tamarco » (tamarghu= la chauffante), une cape de peau de chèvre qui couvrait le dos jusqu’au genoux.
De plus ils portaient des tatouages, normalement des emblèmes géométriques sculptés sur le corps. En temps de guerre les tatouages se situaient sur le bras droit avec lequel eux poussaient leurs armes. Celles-ci étaient le « banot » (lance effilée avec la pointe durcie au feu), les longs « tezezes » (tizit = bâton), les « magados » (gourdin pourvu de boules) et les « tabonas », genre de couteau de pierre d’obsidienne très pointue.

Q : Pourriez-vous décrire l’organisation sociale et politique de la société Canarienne ?

La société canarienne était organisée selon une échelle hiérarchique dont le modèle d’organisation et politique des îles était associée en général à son système économique. De toutes façons il y avait des certaines différences entre les îles majeures (Tenerife et Gran Canaria) par rapport à la division territoriale ou à la dénomination spécifique des dirigeants et, à son tour, entre les autres îles sous le point de vue de la société, coutumes, religion, etc...
À Tenerife la division territoriale était distribuée en neuf « menceyatos » (de « menzey » = le premier ou principal, qui était le chef politique et religieux) ; dans l’île de Gran Canaria on nommait « Guanarteme » (wa n ar temit= ce du lignage utérin) la figure du chef principal, divisée le territoire, aux derniers temps avant la conquête européenne, en deux grandes « guanartematos » : « Telde » et « Galdar ».
L’île de La Palma l’était en douze cantons, caractéristique d’une société segmentaire. L’île de Gomera en quatre territoires, chacun avec son chef, tandis que les îles de Fuerteventura et Lanzarote l’étaient en deux parts, et peut être aussi le même nombre dans l’île de Hierro (en base au nom de l’anthroponyme d’un roi de cette île). La société Guanche avait une structure pyramidale et le degré de pouvoir ou de prestige était associé à la possession de bétails de chèvres et de brebis, signe caractéristique de la noblesse.
D’autre part, on constate l’existence de la polygamie comme formule habituelle de mariage chez les Guanches pour la genèse du groupe familier. Pour préserver le lignage le « Menzey » ne pouvait marier avec des femmes des classes inférieures, et s’il n’y avait personne dans son environnement il devrait marier même une soeur, pour ne pas « salir » sa lignée.
Sur l’île de Lanzarote on trouve la polyandrie (trois maris par femme) ainsi que « l’hospitalité de lit », documentée chez les Lemtouna, en zone touareg.
Le divorce et la répudiation étaient aussi présents dans la société guanche et canarienne en général laquelle, dans le domaine de la justice, était régie par des lois très sévères y inclue la peine de mort pour quelques délits comme le vol, le crime ou la violation des certaines lois ou coutumes établies par les codes publics de l’État.

Q : Quelle était la place des femmes dans cette société ?

À part des rapports ordinaires entre les hommes et les femmes au domaine du travail ou du sexe, les chroniqueurs postérieurs à la conquête chrétienne nous parlent du particulier respect, établi par loi, montré vers les femmes par les hommes de Tenerife, sous peines très dures : « aucun homme guerrier pouvait regarder ni parler aucune femme trouvée dans un endroit solitaire sans qu’elle lui parle ou le regarde avant ; aucun homme dans un village ne pouvait se diriger avec des mots obscènes à une femme, sous peine de mort » (A. Espinosa, 1980).
Les femmes disposaient des territoires isolés (dans des plages, fontaines, montagnes..) pour se laver lorsqu’elles avaient leurs règles, à l’écart du regard des hommes. C’était le tabou du sang, car cette circonstance de la femme était, à niveaux sociaux, considérée une impureté.

Q : Pouvez nous nous citer des prénoms Canariens typique ?

Quelques anciens prénoms canariens recueillis par les divers auteurs après la conquête : (f= féminin ; m= masculin) : Abian (m) ; Abenchara (f) ; Acaimo (m) ; Azerina (f) ; Achosman (m) ; Aday (m) ; Adxoña (m) ; Afur (m) ; Agora (f) ; Aridani (m) ; Belikar (m) ; Beneharo (m) ; Chedey (m) ; Echentive (m) ; Gaifa (m) ; Guaniegua (f) ; Haridian (f) ; Ibaya (f) ; Miguan (m) ; Nuhazet (m) ; Ramagua (f). Sasa (f) ; Tanausu (m).

Q : Y a-t-il une mythologie Canarienne des origines ?

Le mythe canarien et Guanche en particulier fait partie de sa propre histoire, de celle des ancêtres octroyée par Dieu. Dans la mémoire collective du peuple Guanche on registre une donnée intéressante :
« Disaient ceux de cette île que Dieu (...) avait mis sur la terre autant de femmes que d’hommes et leur donna des bétails (...) mais ils étaient peux nombreux, alors il a créé plus d’hommes et des femmes mais sans leur donner des bétails(...) et pour manger ces derniers ( les vilains ) devraient servir les premiers (les nobles)... » (J.Abreu Galindo, début du XVII siècle).
Le texte précédent signale l’importance du bétail dans la société Guanche, associé au même temps avec des éléments religieux. On peut déduire de cela la raison de l’existence d’une structure hiérarchique et d’un mythe d’origine social.
Comme d’autres peuples du monde le peuple canarien possède une mémoire historique laquelle est jalousement gardée. Les mythes sont inclus aux rituels de la communauté, recueillis par des personnages singuliers appelés « guañamene » (wa n y amenn = ce qui dis), un genre de « marabout » ou devin que dirigeait la pratique religieuse. Pendant la cérémonie on évoque le premier ancêtre, modèle éthique à suivre qui contient l’essentiel des vertus et valeurs de la société guanche.

Q : Quelle était la religion des Canariens avant la conquête française puis espagnole ?

Selon les chroniqueurs les plus anciens (Cadamosto, milieu du XV siècle, pour l’île de Tenerife) la religion des canariens, en général, était de culte astral avant l’arrivée des européens :
« Les uns adoraient le Soleil, des autres la Lune, et des autres les planètes ». Un autre auteur, Gómez de Sintra (1484-1502), nous dit : « à Tenerife et à La Palma ..(..) adorent le Soleil comme Dieu ». Finalement, le portugais V.Fernandes (1507-1507), signalait : « les uns adorent le Soleil, des autres la Lune et des autres les étoiles ».
À part le fondement astrale de la religion Guanche, on peut signaler le caractère et la dénomination des Êtres Suprêmes ou Divinités : « Achaman » à Tenerife ; « Akoran » à Gran Canarie ; « Abora » à La Palma, parmi les plus connus. Les idoles constituaient d’autres formes de représentation sacrée entre les canariens, surtout dans l’île de Gran Canarie, selon les études des anthropologues.
Finalement nous devons faire allusion aux rites de pluie ou « Anzar » pratiqués dans toutes les îles, selon les modèles parallèles du nord du continent, aux sommets (« almogaren ») des montagnes ou rochers à travers le bêlement des bétails à la Divinité pour évoquer la pluie.
Parmi les fêtes religieuses on peut signaler le « Benyesmer » au milieu du mois d’Août, associées à la récolte et la reproduction des bétails, ainsi que les fêtes solsticiales du mois de Juin en honneur du Soleil.
Divers auteurs nous signalent le début de la nouvelle année à partir de la comptabilité de la Lune nouvelle et ratifient le début le 21 de Juin ou solstice d’été. On constate également la cérémonie de couronnement du « menzey » [8]à Tenerife par moyen du serment sur les os de l’ancêtre commun, le plus ancien.

Q : Reste-t-il des traces de l’écriture Canarienne ?

Effectivement il restent encore des traces de l’écriture canarienne aux îles, justement avec un très important lien libyque associé à l’ancien alphabet de Dougga (Tunisie), daté à 138 avant JC., ainsi qu’une affinité majeure avec les modalités des groupes « alphabetiformes » de l’ancienne Numidie (R.Springer, 2001).
Par contre, on constate l’absence de signes « pointiformes » (propres du Tifinagh du Sahara Central et Occidental) aux inscriptions canariennes.
Il faut donc situer l’origine de l’écriture canarienne aux zones prochaines au littoral méditerranéen du nord de la Tunisie et nord-est de l’Algérie.
Les actuelles traces d’origine libyenne aux îles sont situées, de l’est à l’ouest : « Teguise » (île de Lanzarote) ; La Oliva (île de Fuerteventura) ; Bentayga ; Agüimes (île de Grande Canarie) ; La Centinela (San Miguel, île de Tenerife) ; Tazo (île de Gomera) ; Tajodeque (île de La Palma) ; La Candia ; Hulan ; Guarazoca (île de Hierro), parmi les plus importantes et connues.

Q : La (les) langue(s) Canarienne existe-t-elle toujours ?

La raison de la disparition de la langue Guanche-Tamazight parlée à l’Archipel Canarien avant l’arrivée des européens, forme partie du processus d’annexion coloniale espagnole accompli à la fin du XV siècle.
Heureusement, la résistance culturelle du peuple canarien a permis de conserver beaucoup de toponymes (milliers), anthroponymes (centaines) et fort nombre des mots Guanches utilisés dans le vocabulaire actuelle du dialecte hispanophone parlé aux Iles, mais on ne conserve pas une structure grammaticale, ni syntaxique.
Voici quelques exemples de ces derniers mots-là : abercan, abugarat, acairon, acebiño, achipenque, acichey, aderno, afulo, agamame, atareco, arife, atarjea, auchon, baifo, banot, barraco, beleten, belingo, beñesmer, bejeque, bicácaro, chaboco, chahorra, chasequen, fó, gánigo, gofio, goro, guá, guama, guineo, guayota, guaracha, guañar, guañac, guanil, guayre, guadil, perenquen, sirinoque, tajaraste, tajinaste, tabaiba, tabona, tafor, tenique, tarajal, tarasca, tafeña, tagoror, tagora.....

Q : Les techniques de momification canariennes ont-elles des liens avec celles utilisées par les Egyptiens ou avec les Sud-américains pré-colombiens ?

L’auteur A.de Espinosa (fin du XVI siècle) nous parle ainsi de la momification :
« Les natifs de cette île (Tenerife) avaient l’habitude d’appeler certains hommes ou certaines femmes, à l’occasion de la mort des quelques membres de la société Guanche, qu’avaient ce métier dont ils subsistaient ; ils prenaient le corps du défunt, après lavé, et l’introduisaient par la bouche beurre de bétail fondu, poussière de bruyère et de pierre grossière, coquille du pin et d’autres herbes, exposé au soleil pendant quinze jours jusqu’il était sèche et “mirlado”, appelé alors “xaxo” ».
Un autre auteur, Gómez de Escudero (XVII siècle) nous dit : « aprés “mirlados” (sèches) ils l’introduisaient dans des grottes et c’étaient les plus nobles de la société ». Selon ces informations et d’autres de divers auteurs, il y en a des similitudes avec les techniques de momification dans l’Egypte et les canariens, en ce qui concerne, par exemple, la réalisation exclusive de la momification par des certains individus, le mépris sociale vers ces individus, le placement du trousseau funéraire dans l’intérieur des grottes, de la même façon que dans les tombes des pharaons.
Par contre, les Guanches n’extraient pas le cerveau comme les Egyptiens dans des étapes supérieures, mais exceptionnellement ils extraient les viscères (organes abdominales et thoraciques).
Les momies des nobles étaient enveloppées jusqu’à avec six peaux tannées, tandis que ceux des classes inférieures l’étaient dans une seule, sans tannage.
Les dates des enterrements qu’existent aux Canaries sont vérifiées à partir du VI eme siècle avant JC, jusqu’à l’époque de la conquête. Précisément, on constate la date du 540 avant JC à la Cueva del Barranco de la Arena, à Candelaria, Tenerife (A.Mederos-G.Escribano, 2002).

Q : Existe-t-il des liens culturels et linguistiques proches entre les Imazighen (Berbères) en général et les Egyptiens anciens, selon vous ?

Évidement il y a eu des liens entre les proto-berbères (lebbu ou temehu, avec des tatouages, dont Herodote y parle au V eme siècle avant JC.) et les anciens égyptiens si l’on considère l’existence des dynasties libyennes en Egypte depuis la XXII eme dynastie avec Sheshenq, d’où part chronologiquement l’Ère berbère en 950 avant JC, suivie par des autres également libyennes (la XXIII, avec Petast, la XXV, avec Bocchosus et la XXVI et XXVII, avec Shabaka) jusqu’à leur expulsion du pays par les asiriens en 525 avant JC ( selon Velikousky) (E.Bethencourt-F.P.De Luka-F.Perera,1996).
Par conséquent, on peut penser à une hypothèse du travail par rapport à « l’importation » au Nord de l’Afrique (l’actuel Maghreb) de la part des libyens sortis d’Egypte d’une série d’éléments culturels tels la momification, la lutte canarienne, le jeu du bâton et les constructions tronc-pyramidales (dans le cas des Iles, ou les « bazinas » dans le nord de notre continent) et la trépanation crânienne, en vigueur aux derniers temps aux Monts de l’Aurès (Algérie) et anciennement aussi aux Iles Canaries (Musée Canarien, G.Canarie).
Dans le domaine linguistique il faut rappeler certains liens ou restes paléo linguistiques entre l’Egypte et le monde amazigh. Ainsi, nous constatons les anciens parlers de l’Oasis de Siwa, un enclave amazigh au nord-ouest du pays du Nil où on rendait culte à Amon.
Même le mot « sahu », avec le sens de « cadavre embaumé » ou « momie » en Egypte, dans mon point de vue peut être associé avec le mot canarien « xaxo » au-dessus cité, avec une signification identique, en rendant compte que le son « x<>h et aussi <>ks » (voir le mot « Mexico ou Méjico », en espagnol, dont la j<>h amazigh).
De toutes façons il ne faut pas écarter (H.Rothe), l’influence neolithique-saharienne des anciennes populations nomades provenant du nord-ouest de l’Afrique sur la genèse de la civilisation égyptienne. R.Pottier (1950) dans « Histoire du Sahara », nous dit : « Un jeun targui, Retaman-ag-Baba-Ahmed, me montra un buste du pharaon Tutankamon II. Il avait des traits targui purs- écrit Conrad Kilian ».
Pour conclure, je pense de ma part que la naissance de deux cultures était très proches dans l’espace nord-est africain et presque aussi dans le temps.

Q : Y a t’il des pyramides aux îles Canaries ?

Les pyramides - plus exactement « tronc-pyramides »- ont toujours existées aux Iles Canaries. Elles ne sont pas des simples constructions pour des labours agricoles, comme le système colonial et ses canariens associés l’affirment. Une grande partie des paysans insulaires, malheureusement plongés dans l’ignorance, ne reconnaissent pas que les anciens canariens étaient capables de construire de tels bâtiments.
Ils étaient, les Guanches et les premiers canariens en général, un peuple évolué pour l’époque « malgré » leur appartenance culturel au « Néolithique Africain ». C’est un point de vue absolument colonial et eurocentriste. Les anciens canariens connaissaient très bien le mouvement des astres dans le ciel [9], de la même façon que le peuple touareg domine ce monde astral, reflétée cette culture aussi dans l’héritage ancestrale, l’alphabet Tifinagh, etc., comme nous avons déjà vu précédemment. À Tenerife les plus importantes pyramides sont situées à l’ensemble architectonique de Chakona, Güimar. Ces constructions ont été étudiées en 1991 par les astronomes espagnols C.Esteban, J.A. Belmonte et A. Aparicio (E.Bethencourt- F.P.De Luka, 1996). En résumé, leur principale conclusion fut l’orientation astronomique des « majanos » ou ensemble de pierres en rapport avec le « double » coucher du soleil originé aux sommets de Cho Marcial, le jour du solstice d’été, le 21 de Juin. Selon ces scientifiques on peut déterminer aussi la date du solstice d’hiver, les équinoxes, le jour du nouvel an des Guanches et d’autres événements astronomiques comme le lever et le déclin de la Lune aux moments du déclin extrême.
Au même endroit (commune de Güimar) on constate également un tumulus circulaire à El Rincón (E.Bethencourt-F.P.De Luca, 1996).
Sur l’île de Tenerife il y avait aussi des constructions « tronc-pyramides » dans des autres endroits comme Icoden, Puerto de la Cruz et Orotaba (dont on a des photos), aujourd’hui toutes détruites par l’avance des faux progrés. Sur l’île de La Palma on trouve plusieurs bâtiments tumulaires de pierres « tronc-pyramides » de possible finalité funéraire, surtout situés au centre et à l’ouest de l’île, mais jusqu’à a présent il n’y pas eu de prospections archéologiques pour le vérifier. Sur l’île de Grande Canarie on a constaté des anciennes « tronc-pyramides » à Isleta (Las Palmas), en terrains militaires.
En résumé, on peut dire que le but de ces constructions peut s’associer à de rites astronomiques ou funéraires, ces derniers pas encore démontrés.
Les possibles liens avec les pyramides égyptiennes et les pyramides sud américaines ont été défendus par l’anthropologue norvégien Thor Heyerdhal (disparu en 2000), à travers de sa théorie de la diffusion culturelle transocéanique. En rapport avec les datations par le C-14 on n’a pas des données archéologiques, jusqu’à présent.

Q : Quelles sont les similitudes entre les « Imazighen » canariens et les Berbères continentaux ?

Il y en a des similitudes entre les imazighen canariens et les continentaux. Á part les parallélismes du point de vue historique, linguistique et ethnographique, déjà vus, les canariens d’aujourd’hui présentent éléments anthropologiques communs (mechtoides et méditerranéens) avec les nord-africains de notre Continent. Le groupe sanguin Rh « 0 », généralement majoritaire entre les imazighen, est présent actuellement aux Iles dans un pourcentage du 48%, par rapport au 39,6% du groupe « A » (I.Schwidetzky, 1970). Sur l’île de Gomera le pourcentage du « 0 » augmente au 56%.(García-Talavera, 1993). Swazfischer et Liebrich (1963) nous signalent les pourcentages du groupe « 0 » de 83,9% pour les guanches de Tenerife anterieurs à la conquête espagnole et du 94,7% pour les premiers canariens de Grande Canarie. Ces données sont proches des données actuelles sur les Touaregs de l’Ahaggar (75,4%) (Benabadji et Chamla, 1971) et les Ait Haddidou du Maroc Central (79,7%) (Johnson et al.,1963). Aux îles orientales, Lanzarote et Fuerteventura, le groupe « B » (sémite et subsaharien) augmente ses pourcentages (17,5% et 16%) (F.Pinto, 1996), similaires à l’Algérie et au Maroc, à cause de l’arrivée des esclaves nord-africains pendant le XVI siècle. Au point de vue psychologique et social il y en a aussi beaucoup des similitudes avec les imazighen continentaux, comme le sens poétique, la générosité, la noblesse ou l’hospitalité.

Q : Quelles sont les revendications des Canariens ?

La révendication politique et culturelle du peuple canarien s’est développée dès la fin de la dictature franquiste. À partir du milieu des années 70 eu lieu un essor du mouvement nationaliste dirigé par le MPAIAC et fortement représenté par l’UPC (Union du Peuple Canarien) aux élections démocratiques de 1979. Aux années postérieurs, lorsque du grave attentat d’État en Avril 1978 au dirigeant indépendantiste canarien et Secrétaire General du MPAIAC, Antonio Cubillo, à Alger, quand il préparait un voyage à l’ONU pour rejoindre le Comité de Décolonisation, le gouvernement espagnol et ses associés insulaires se sont mobilisés pour rendre au peuple une alternative nationaliste modérée (pro-espagnole) -Coalition Canarienne- qui se consolide à partir des années 90. Cette situation persiste à l’actualité, mais reste très affaiblie en nombre des votes, en concurrence avec les sigles historiques du PNC (Parti Nacionaliste Canarien). Au présent, dans l’ensemble du Mouvement de Libération National Canarien y existent des partis historiques comme le Congrés National Canarien (CNC) ou le Frepic Awañak, à côté des Associations Culturelles, Syndicales, Écologistes et Vicinales, de Jeunes Indépendantistes, et des formations nationalistes de gauche en essor, comme l’actuelle APC (Alternative Populaire Canarienne)

Q : Quel est le degré de prise de conscience par rapport à l’amazighité ?

Heureusement, le degré de prise de conscience du peuple canarien par rapport à l’amazighité croît de jour en jour. C’est justement la jeunesse canarienne universitaire d’origine qui dirige dans ce secteur la résistance politique et culturelle (azbu adelsan) dans la société actuelle des Iles. Ces jeunes engagés sont représentés dans l’Organisation sociopolitique AZARUG et dans le SEC (Syndicat Étudiants Canariens), majoritaire à l’Université, et ils sont très fiers des leurs racines guanches et imazighen. Même aux noyaux ruraux, les paysans d’origine sont adhérés peu à peu à la cause de leurs ancêtres les imazighen guanches, comme réaction sociopolitique au procés sauvage d’expropriation des leurs terrains à cause des mouvements megaurbanistiques et pour défendre les toujours beaux paysages des Iles. Dans cette ligne d’action on peut encadrer les grandes mobilisations populaires à l’île de Tenerife depuis 2002.

Q : Les insulaires espagnols sont-ils respectueux des Canariens, comprennent ils leurs revendications et les approuvent-ils ?

Les insulaires espagnoles et européens en général ne sont pas du tout respectueux des Canariens, avec des exceptions, surtout si ceux-ci montrent des aspirations vraiment nationalistes. Dans ces moment-lá ils ne comprennent pas leurs revendications, ni même les approuvent-ils. C’est une situation irréversible par sa propre structure coloniale. Q : Quelles sont les activités déployées pour faire revivre et promouvoir la culture amazighe ? La culture amazigh aux Canaries est soutenue et développée par diverses Associations Culturelles et Azarug, principalement à Tenerife, Grande Canarie, Fuerteventura, Lanzarote et Hierro. Les activités déployées pour promouvoir la culture amazigh sont réferées à des conférences données par des personnalités de la culture berbère (Lounés Belkacem, Tasadit Yacine.., parmi les derniers), des cours de tamazight élémentaire à des groupes réduits, données par l’Association Tamusni, folklore de musique canarienne autochtone et tamazight du continent, expositions de peinture (du marocain amazigh Mahjoubi Aherdan), parmi d’autres activités. Jusqu’à présent les Institutions officielles canariennes n’ont pas donné le soutien nécessaire pour la culture amazigh aux Canaries.

Q : L’UE et plus particulièrement "L’Europe des régions" représente-t-elle une chance pour la culture canarienne ?

On ne voit pas pour le moment une chance ou une solution à court ou moyen terme représentée par l’UE, par rapport à la culture Guanche en particulier. Peut être dans un futur on aura du chance si les problèmes actuelles de cohésion de la UE sont résolus, par rapport à la diversité culturelle à niveau mondiale, dans le processus de globalisation et dans le contexte de la culture amazigh en general. D’autre part, à niveau du nord de l’Afrique, je prévois un bon avenir pour tamazight, et par conséquence pour le guanche, toujours qu’il soit rattaché aux valeurs de la democratie et du développement socioeconomique, prévisiblement présents dans le futur prochaine de nos peuples insulaires et continentaux.

Entretien réalisé par Azzedine Ait Khelifa

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