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11 septembre 2006

Google books ou comment la Kabylie perd la bataille de la culture sur le Web


Une première sélection d’ouvrages numérisés par Google est depuis le 1 septembre disponible gratuitement sur son service Recherche de livres. Tous tombés dans le domaine public, ils peuvent être téléchargés dans leur intégralité au format PDF. Pour trouver facilement un ouvrage, l’utilisateur doit sélectionner l’option « Rechercher dans page entière des livres », avant de lancer une requête. Sur la page de résultats, un onglet « Télécharger ce livre » apparaît ; le fichier peut être sauvegardé ou imprimé à volonté.

Les internautes peuvent, par exemple, accéder aux œuvres de Victor Hugo ou de Shakespeare. La plupart des livres ont été fournis grâce aux accords passés par Google avec des bibliothèques anglo-saxonnes. L’internaute kabyle pourra y trouver de nombreux livres relatifs à la Kabylie et au monde berbère mais malheureusement ces ouvrages proviennent en majorité de la « littérature ethnologique » coloniale. Ceux-ci présentent toutefois un certain intérêt pour les chercheurs.

« Sans mémoire collective, nous ne sommes rien et nous ne pouvons rien réaliser ».

Face a cette initiative privée américaine, L’Union Européenne tente d’’organiser une riposte avec le projet de bibliothèque numérique européenne.

« Sans mémoire collective, nous ne sommes rien et nous ne pouvons rien réaliser. C’est elle qui définit notre identité et c’est elle que nous utilisons en permanence dans l’éducation, le travail et les loisirs », a déclaré Mme Reding, membre de la Commission chargée de la société de l’information et des médias. « Nous voulons une véritable bibliothèque européenne numérique, un point d’accès multilingue aux ressources culturelles numériques de l’Europe » a elle ajoutée. Et M. Ján Figel’, membre de la Commission chargé de l’éducation et de la culture, d’ajouter : « il s’agit de garantir la conservation de notre patrimoine culturel commun et d’en assurer l’accès pour les générations futures. »

De 2005 à 2008, le programme eContentplus contribuera à raison de 60 millions d’euros aux efforts visant à rendre les collections et les services numériques nationaux interopérables et à faciliter l’accès et l’utilisation multilingues du matériel culturel. La Commission européenne prévoit en effet que 2 millions de documents (livres, films, photos, manuscrits...) seront en ligne en 2008 et qu’au moins 6 millions le seront en 2010. Une date symbolique pour l’Union européenne qui a parié sur le développement de l’économie numérique dans son plan « i2010 » pour redynamiser l’emploi et soutenir l’innovation.

La France en pointe en Europe

(JPEG) Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France, représentera l’essentiel de la participation française dans la bibliothèque numérique européenne. En avril dernier, elle contenait 91 200 volumes, 500 documents sonores et 80 000 images, dont un nombre conséquent d’ouvrages anciens portant sur la Kabylie et l’Afrique du Nord Berbère. Sur son site, elle salue l’enthousiasme des internautes : en mars, plus d’un million de documents ont été consultés. Ces bons résultats alliés à son dynamisme ne font pas douter de sa participation active à la mise en place du projet européen.

Des blocages persistent cependant : l’UE s’appuie sur le principe sur l’opt-in : ne seront présentes que les œuvres des auteurs qui en ont formulé la demande. Cette règle rend évidemment la tâche laborieuse. Google fonctionne lui à l’inverse sur l’opt-out : l’accord des auteurs est présumé et pour qu’une œuvre disparaisse, il faut en faire la demande.

Et la Kabylie ? Le néant ...

La Kabylie, tout comme les autres zones berbères s’est révélée incapable de fournir ne serait ce que l’ébauche d’un projet de bibliothèque numérique. Les raisons de cette inanité sont multiples. L’absence de volonté de la part de l’Etat algérien, les pesanteurs bureaucratiques et la médiocrité de la classe politique nationale et locale n’ont pas permis à la Kabylie d’envisager un financement public.

Pourtant d’autres minorités dans le monde ont su lancer des projets d’envergures. Ainsi le célèbre hebdomadaire britannique The Economist , dans un article intitulé « Google it in Quechua », nous apprend que

« Les estimations sur la prévalence du Quechua, la langue de l’empire d’Inca qui est encore largement utilisé dans les montagnes des Andes du Pérou, sont variables. Au Pérou, ils seraient de 3 à 4.5 millions. Le Quechua a longtemps été en lent déclin, essentiellement parce que les enfants des migrants urbains le parlent rarement. Mais cette langue attire actuellement beaucoup plus l’attention. Ainsi ces derniers mois, Google a lancé une version de son Moteur de recherche en Quechua tandis que des traductions de Windows et d’Office en Quechua ont été présentées par Microsoft. »

A l’opposé du Pérou, qui enseigne le Quechua dans certaines zones, l’Etat algérien pourtant bien plus à l’aise financièrement grâce à l’envolée des recettes pétrolières n’a jamais eu la moindre intention d’enseigner Tamazight (la langue berbère).

Encore récemment, accompagné du ministre des Affaires religieuses et d’une forte délégation de personnalités religieuses, le chef du gouvernement M. Belkhadem était à Bgayet (Béjaïa), en Kabylie, pour y annoncer le projet de construction d’un institut ... d’enseignement coranique d’une capacité de 205 places. Google, Yahoo et Microsoft ont de beaux jours devant eux. L’arrivée sur le marché de chercheurs en sourates ne risque pas poser des menaces à leur leadership technologique. Pendant que le reste du monde, y compris le Maroc et la Tunisie, lancent des incubateurs de startups, l’Algérie lance des incubateurs de fatwa. Et pendant que l’UE investi dans la recherche « pour redynamiser l’emploi et soutenir l’innovation », Belkhadem investi dabs la recherche « pour redynamiser la ferveur religieuse et soutenir l’arrièration. »

Et, pour ceux qui auraient mal compris, le quotidien algérois El Watan rapporte que concernant « la question de l’officialisation de Tamazight, M. Belkhadem trouve que la revendication manque de réalisme, dans la mesure où l’on n’arrive même pas encore à s’entendre sur les caractères de transcription de la langue. »

En clair, rien à attendre de l’Etat algérien ni des élus locaux de Kabylie, tant FFS que RCD ou FLN, qui préfèrent s’enfermer dans des positions purement incantatoires.

Les initiatives associatives et individuelles

Le salut en définitive ne vient que de quelques initiatives individuelles. L’une d’entre elle est le projet Berbere Multimedia du professeur Ouahmi Ould-Braham, basé en région parisienne.

« Il s’agit sur un programme pluriannuel d’établir un Inventaire des Ressources (textes, son, images) dans le domaine berbère à travers les bibliothèques, centres de documentation, fonds d’archives, publics ou privés, et inscrire cela dans le cadre des technologies culturelles et éducatives. A cela s’ajoute des ressources linguistiques comme l’élaboration d’un immense Dictionnaire électronique multilingue avec la participation scientifiques de plusieurs universités. »

Citons aussi « Ayamun, la Cyberrevue de littérature berbère » ,qui a la particularité d’être dirigée par Muhend Ait Ighil et Σmer Mezdad, les deux plus grands écrivains kabylophones vivant. Au menu des poèmes en kabyles, des textes en prose toujours en kabyle et quelques textes en français. Le site propose aussi d’acheter des livres entièrement en kabyle, le plus souvent en autoédition. Il est à noter que le premier numéro d’Ayamun date de Mai 2000, ce qui en fait un des plus anciens sites du genre.

A l’opposé, le dernier né des sites kabylophones et aussi le plus abouti est le site Imyura, dédié à la litterature kabylophone. Le plus abouti car il est le seul à maitriser parfaitement l’affichage des caractères kabyle grâce à une réelle compréhension de l’Unicode, tout en proposant des textes littéraires haut de gammes en kabyle. A ce titre il convient de souligner qu’ Imyura ne se contente pas de reproduire uniquement des poèmes anciens issus du fond culturel kabyle. On y trouve aussi des traductions d’œuvres littéraires du patrimoine mondial comme « Goethe s teqbaylitt », ainsi que « Shakespeare s teqbaylit ». Imyura s’inscrit ainsi dans la lignée du défunt et regretté auteur kabyle Mohya qui avait fait le pari de l’ouverture sur le monde en faisant de la traduction de grandes ouvres littéraire comme son cheval de bataille.

Les Chroniques du [CyberKabyle].

2 commentaires:

Anonyme a dit…

excellent. je ne savais pas que certains de ces travaux existaient.

Anonyme a dit…

merci de citer "ayamun.com", cyberrevue de littérature berbère.
a.mezdad