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12 octobre 2006

L’Irak devient enfin un Etat fédéral


Le Parlement irakien a adopté une loi qui fait de l’Irak un État fédéral. Les arabo-sunnites craignent que ce partage mette en péril les avantages acquis depuis 80 ans sur le dos des autres peuples de la région.

Gertrude Bell, archéologue, fut la première femme à travailler pour les services secrets britanniques. En 1920, c’est elle qui persuade Winston Churchill, alors secrétaire à la Guerre, de confier à un prince hachémite - l’émir Fayçal, fils du roi Hussein du Hedjaz, qui vient d’être chassé de Damas par les Français - un royaume arabe réunissant trois régions issues de l’Empire ottoman : une zone kurde au nord, le centre mésopotamien, peuplé en majorité d’arabes sunnites, et le sud, chiite. Ainsi naquit l’Irak.

80 ans après la création de l’état irakien, lors du traité de Lausanne par les puissances européennes, on s’achemine doucement vers l’achevement de la décolonisation avec le retour en force des peuples.


En effet, le Parlement irakien a définitivement adopté mercredi la loi créant un Etat fédéral, en dépit des craintes que cette réorganisation suscite au sein de la communauté sunnite. Le texte a été approuvé à 138 voix sur 275. A la suite d’un compromis intervenu à la fin du mois de septembre entre chiites et sunnites, la loi ne pourra toutefois s’appliquer que 18 mois après son adoption.

La modification des structures administratives et politiques du territoire irakien inquiète les sunnites, qui craignent d’être isolés parce que leurs régions, situées essentiellement dans l’ouest du pays, sont largement désertiques et privées de pétrole. En revanche, les neuf provinces chiites du sud du pays sont immensément riches en pétrole. Cette communauté voit d’ailleurs dans le fédéralisme une protection contre le retour d’un pouvoir dictatorial centralisateur à Bagdad, comme celui de Saddam Hussein qui a favorisé les sunnites. Quant aux Kurdes, ils ont tranquillement organisé leurs trois régions autonomes depuis 1991. Ils disposent de richesses pétrolières et sont naturellement favorables au projet de fédéralisme.

Révision de la Constitution

Ensemble, l’Alliance chiite (128 députés) et la coalition kurde (53 députés) disposaient de 181 des 275 sièges du Parlement, soit une solide majorité pour faire passer le projet de loi sur le fédéralisme.

Voulue par les sunnites, une révision de la Constitution mettant des limites au fédéralisme est toutefois programmée. Les sunnites s’efforceront notamment d’obtenir que la Constitution plafonne le nombre de provinces actuelles qui pourront demain se regrouper pour former une région fédérale, l’objectif étant d’empêcher la création d’une super-région chiite unique à laquelle répondrait probablement une grande région kurde.

Le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) d’Abdel Aziz al-Hakim, la plus importante de leurs formations, milite pour une grande région qui rassemblerait 9 des 18 provinces - la moitié du pays - et comprendrait les villes saintes de Nadjaf et de Karbala, ainsi que Bassora et ses puits de pétrole.

Un peu moins gourmand, mais aussi beaucoup moins influent, le parti Fadila se contenterait de Bassora et des champs d’or noir. Seule chez les chiites, la formation plus radicale de Moqtada al-Sadr demeure attachée à l’unité de l’Irak.

Les sunnites, eux, sont opposés à une solution qui ne leur laisserait, au centre, qu’une zone désertique privée de toute ressource. Mais ils sont minoritaires au Parlement, où, ensemble, chiites et Kurdes disposent de 181 des 275 sièges. Les Kurdes pourraient en profiter pour monnayer leur soutien contre un feu vert des chiites à l’extension de leur propre région, qu’ils souhaitent agrandir en lui intégrant la plaine de Mossoul (mais pas l’agglomération) et, surtout, la ville pétrolière de Kirkouk.

Après avoir menacé de boycotter le débat au Parlement, les sunnites ont obtenu quelques gages destinés à calmer, provisoi- rement du moins, leurs craintes : la nouvelle loi ne s’appliquera qu’après dix-huit mois ; entre-temps, la Constitution aura été révisée, ce qui permettra, espèrent-ils, de limiter le nombre de provinces autorisées à se regrouper. Des gages en réalité bien minces, au regard de la violence qui règne sur le terrain.

Le partage des richesses

Les sunnites désirent également que le fédéralisme respecte un partage équitable des richesses nationales - en premier lieu le pétrole - ce qui implique que le pouvoir central continue à avoir un pouvoir de décision.

A ce sujet, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice s’est rendue vendredi au Kurdistan irakien, pour appeler les Kurdes à respecter un partage équitable des ressources nationales comme elle l’avait fait auprès du gouvernement à Bagdad en arrivant jeudi en Irak. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a quitté vendredi après-midi Erbil, dans le Kurdistan d’Irak, avec plus de deux heures de retard dues à des ennuis techniques dans son avion.

Dernière étape de sa brève visite imprévue en Irak, la secrétaire d’Etat s’est entretenue pendant 45 minutes, à Erbil (nord), avec le président de la région autonome kurde d’Irak Massoud Barzani, souvent prompt à invoquer le droit du Kurdistan à disposer de ses propres ressources et, le cas échéant, à évoquer un recours à la sécession. Les entretiens d’Erbil, capitale du Kurdistan, ont visé à convaincre les dirigeants de cette région de soutenir un projet de loi en discussion à Bagdad prévoyant que les ressources pétrolières seront partagées entre tous les Irakiens et ne profiteront pas à une seule communauté. « Nous pensons que le pétrole doit être une ressource partagée par l’ensemble du peuple irakien », a dit Mme Rice aux journalistes qui l’accompagnent. « Notre point de vue, que nous avons communiqué aux Irakiens, et qui je pense est partagé par la plupart des Irakiens, est que le pétrole doit être un facteur d’unification et non une ressource qui conduirait à un pays moins uni », a-t-elle ajouté. Le Kurdistan dispose d’importantes ressources pétrolières. Lors d’une conférence de presse commune à Erbil, où il n’y avait que deux drapeaux : celui du Kurdistan et celui des Etats-Unis, mais pas celui de l’Irak, Massoud Barzani a affirmé que le Kurdistan « est pour une distribution équitable des ressources pétrolières sur tout le territoire national, comme cela est inscrit dans la constitution irakienne ». Il a ajouté que « le Kurdistan, comme toute autre nation, a le droit à l’autodétermination ». Cependant, a-t-il dit, « le parlement kurde a opté pour un système fédéral, au sein d’un Irak démocratique ». Un vote est attendu dans les prochains jours, à Bagdad, sur un projet de loi controversé instaurant le fédéralisme en Irak. Le fédéralisme est soutenu par les Kurdes et les chiites, mais contesté par les sunnites qui craignent d’être isolés car leurs régions, situées essentiellement dans l’ouest du pays, sont largement désertiques et privées de pétrole. Ils veulent que le fédéralisme respecte un partage équitable des richesses nationales -en premier lieu le pétrole.

Kirkouk, les Enjeux

Selon Chris Kutshera, l’auteur du Livre Noir de Saddam Hussein, « Des dizaines de milliers de chiites du Sud ont été envoyés à Kirkuk. On leur donnait de l’argent et un lopin de terre pour construire une maison. Parallèlement les Kurdes quittaient la région. La compagnie pétrolière de Kirkuk n’employait pas de Kurdes. Les Kurdes émigraient et étaient remplacés par des Arabes. Des quartiers entiers de Kirkuk ont été rasés au bulldozer. Il s’agissait d’une épuration ethnique. L’objectif avoué était de changer la composition démographique de la région de Kirkuk. De plus, l’Etat s’est livré à un redécoupage de la carte : certains cantons kurdes ont été détachés du gouvernorat de Kirkuk et rattachés à des zones voisines arabes.

Dès la chute de Saddam, des milliers de Kurdes se sont précipités à Kirkuk pour tenter de retrouver leur maison. Ils ont campés dans le stade, sur les bases militaires, dans les rues. Des centaines de milliers de Kurdes sont revenus. Kirkuk est aujourd’hui un des coins chauds de l’Irak. Les dirigeants kurdes sont arrivés à un compromis avec les mouvements chiites disant que la question de Kirkuk sera tranchée fin 2007 par un referendum local qui permettra à la population de décider si la région sera rattachée ou non au Kurdistan autonome. »

Fin septembre, le Premier ministre de la région kurde autonome d’Irak, Nechirvan Barzani, avait affirmé que les Kurdes voulaient être maître de leur pétrole et averti que toute interférence extérieure ne pourra que raviver les appels à l’indépendance du Kurdistan. D’autre part, le parlement autonome kurde a entamé en septembre la lecture d’un projet de constitution kurde dans lequel il revendique notamment la riche région pétrolière de Kirkouk, et s’octroie le droit à l’autodétermination s’il la jugeait justifiée. « Même s’il n’y a plus un Kurde à Kirkouk, le territoire de Kirkouk est kurde... Je ne suis plus Barzani si je renonce à Kirkouk », déclarait au début des années 1970 le génétal Barzani, qui a dirigé pendant 40 ans le mouvement national kurde en Irak. « Les Arabes ne veulent pas donner un pouce de terrain aux Iraniens ou aux Israeliens, pourquoi donnerions-nous Kirkouk », disait à la même époque le Dr Mahmoud Osman, conseiller diplomatique du général Barzani, aujourd’hui membre du Conseil Intérimaire de Gouvernement siégeant à Bagdad.

Synthese d’apres L’express, AP, chris-kutschera.com


Les Chroniques du [CyberKabyle].

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