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16 mai 2006

Le Maroc devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies

Le Maroc tente de donner l'image d'un pays conforme aux publicités visibles dans les magazines en papier glacé des agences de voyages, mais un rapport de l'organisation non gouvernementale Tamazgha dénonce un état intolérant, raciste et autoritaire.

Le comité des nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels se réunit cette semaine au « Palais des Nations », à Genève, afin d'examiner les mesures prises par le Maroc pour se mettre en conformité avec les standards internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, consignés dans un «Pacte international ».

Le Royaume du Maroc, en vertu des articles 16 et 17 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels , auquel cet état a adhéré, est appelé (comme le font régulièrement tous les autres signataires) à soumettre, devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, son troisième périodique concernant la mise en œuvre du Pacte.

Dans son rapport, l'État marocain présente la « création de l'Institut royal pour la culture amazighe » (IRCAM) comme un exemple de « la volonté royale d'ancrer la démocratie dans les faits et les murs et d'instaurer l'État de droit ».

Concernant l'article 15 du pacte « Le droit de toute personne à la culture et aux bienfaits du progrès scientifique », le rapport de l'état marocain fourni certains éléments relatifs aux Imazighen.

Tout d'abord le rapport marocain enfonce un porte ouverte en affirmant que « La culture amazighe occupe une place importante au Maroc, de par l'existence d'une réalité culturelle amazighe vivante et dynamique, faisant partie intégrante de l'activité culturelle nationale : diffusion de la musique, publication des romans et des journaux, de la poésie et des périodiques amazighs ». Lorsque l'on sait que la majorité des Marocains sont amazighophones cela revient à affirmer que « l'eau ça mouille et que le feu ça brule ».

Ensuite la rapport affirme que « la Charte nationale pour l'éducation et la formation avait prévu la création, auprès de certaines universités, de structures de recherche et de développement linguistiques et culturels amazighs, ainsi que de structures de formation des formateurs et de développement des programmes et curricula scolaires ». L'usage de l'imparfait dans cette phrase est à souligner. Le Maroc affirme bien qu'il: « avait prévu la création, auprès de certaines universités... » mais rien n'indique ensuite dans le rapport si cela a été réalisé en totalité ou en partie et, dans le cas d'une réalisation partielle, dans quelles proportions cela a été réalisé. Aucune précision non plus n'est fournie sur les délais nécessaires pour finaliser la création « de structure de recherches ... »

Ensuite le rapport indique que « les autorités pédagogiques régionales pourront, dans le cadre de la proportion curriculaire laissée à leur initiative, choisir l'utilisation de la langue amazighe ou tout autre dialecte local ». Là encore c'est le flou car rien n'indique ce que signifie « dans le cadre de la proportion curriculaire ».

Dans le même style le rapport marocain affirme que « en 2003, l'apprentissage de l'amazigh a été introduit en première année de l'enseignement primaire dans 300 écoles au niveau national, dans la perspective de sa généralisation progressive, en coordination entre le Ministère de l'éducation nationale et l'Institut royal pour la culture amazighe (IRCAM), créé par le Roi Mohammed VI le 17 octobre 2001 ». Toujours le flou et les faux fuyants. Que s'est il passé depuis 2003 ? Quel est le bilan chiffré de l'expérience ? Où en est cette « généralisation progressive » ? Pas de réponses.

Le contre-rapport de l'Organisation non-gouvernementale Tamazgha

L'ONG Tamazgha constate le même déficit d'honnêteté de la part du Maroc en déclarant « que l'État marocain reste fidèle à lui-même en matière de gestion de la question amazighe. Ainsi, langue de bois, contradictions, manque de clarté et d'éléments précis ont marqué ce rapport dans ses points relatifs à la question amazighe ».

A cette occasion, Tamazgha présente un rapport alternatif au rapport marocain intitulé « L'État marocain et la question amazighe » dans lequel l'ONG a relevé « les principales violations du Pacte par la monarchie marocaine » et « les contradictions et la médiocrité des réponses marocaines quant aux « efforts » consentis par cet État pour assurer leurs droits aux Imazighen ».

Dans son rapport, Tamazgha a pour la première fois indiqué une évaluation réaliste des données démographiques au Maroc. « Aujourd'hui, on peu avancer le chiffre de 70% de la population marocaine qui soit berbérophone » indique Tamazgha. Nous sommes loin des chiffres de « 40 % » avancés jusqu'ici par les principaux intellectuels berbères eux-mêmes.

Le rapport de Tamazgha souligne « la politique anti-amazighe de l'État marocain » en l'illustrant, entre autre, par « l'interdiction de prénoms amazighs », « l'interdiction d'activités amazighes », « le refus d'enregistrement d'associations créées pour la promotion et le développement des langues et culture amazighes », et « la Constitution marocaine qui consacre l'arabe comme seule langue officielle du Maroc excluant ainsi de fait tamazight ».

Tamazgha n'a pas manqué également de mettre le doigt sur la Charte nationale pour l'éducation et la formation dont les mesures visant Tamazight sont qualifiées d'« instrumentalisation de la langue amazighe pour une meilleure arabisation ».

Dans son contre-rapport, Tamazgha a formulé un certain nombre de pistes pour que cessent les violations du Pacte par l'État marocain, la principale proposition, étant « la reconnaissance de Tamazight comme langue officielle par l'État marocain qui doit l'inscrire dans sa Constitution ».

Le comité remettra ses conclusions et ses observations le matin du vendredi 19 Mai. Contacté par nos soins, Masin Ferkal, président de l'ONG Tamazgha et présent à Genève a fait part du caractère dérangeant de son action de lobbying pour la délégation marocaine. « Les experts les ont bombardés de questions sur tamazight "à cause" de notre rapport ». affirme-t-il, ajoutant que « des menaces indirectes » et des mises en garde ont été formulées par les fonctionnaires marocains.

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