« J'estime qu'il est très important que tous les Etats Membres aient pris des engagements en matière de droits de l'homme, qu'ils doivent respecter, et qu'ils aient accepté que leur action dans ce domaine soit examinée par les membres du Conseil des droits de l'homme » affirme le président de l’assemblée générale, Jan Biasson.
La création d'un Conseil des droits de l'homme, une décision « historique », selon Kofi Annan.
« Je félicite le président Eliasson et je le remercie pour sa patience et sa ténacité qui ont permis de mener à terme cette question sensible », a déclaré Kofi Annan, dans un message transmis aujourd'hui par son porte-parole, après le vote par les Etats Membres d'une résolution établissant un nouveau Conseil des droits de l'homme qui remplacera la Commission.
« Le texte préserve les forces de la Commission des droits de l'homme, comme le système spécial des procédures et la participation des organisations non gouvernementales (ONG), en même temps qu'il met en place des innovations pour répondre aux faiblesses de la Commission », a fait remarquer Kofi Annan.
« Les membres du Conseil devront s'engager à respecter les standards les plus élevés dans le domaine des droits de l'homme, à coopérer pleinement avec le Conseil et à subir eux-mêmes un examen au cours de leur mandat », a-t-il relevé.
« Le mécanisme de l'examen universel permettra au Conseil de forcer tous les Etats membres à respecter leurs obligations concernant les droits de l'homme, de manière juste et équitable, sans discernement ou 'double standard' », a insisté le Secrétaire général.
« Le véritable travail commence à présent. La crédibilité de ce Conseil dépendra en fin de compte de l'usage qu'en feront les Etats. Si, dans les semaines et les mois qui viennent, ils agissent selon les engagements pris dans la résolution, je suis confiant sur le fait que le Conseil apportera une nouveau souffle à la défense des droits de l'homme et, de ce fait, améliorera la vie de millions de personnes dans le monde », a-t-il conclu.
Les ONG réservés
Avec des réserves, Amnesty International a salué « un nouveau départ pour les droits de l'homme » alors que le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth, évoquait « un pas dans la bonne direction ». Ileana Ros-Lehtinen, une élue américaine républicaine, membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, a, pour sa part, dénoncé « la farce » que constitue, à ses yeux, « la sélection irresponsable des membres du nouveau conseil ». « Des pays comme la Chine et la Russie sont tellement importants qu'il est préférable de les associer au processus », estimait, de son côté, un diplomate européen.
Violent requisitoire de Reporter Sans Frontiere
« Ces dix pays qui violent massivement les droits des journalistes et la liberté d'expression ont été choisis pour garantir la protection des droits de l'homme dans le monde: c'est scandaleux et laisse présager du pire », a déclaré Reporters sans frontières. « On prend les mêmes et on recommence. Rien n'a changé entre la composition de l'ancienne Commission - dont le travail a été unanimement dénoncé par les organisations non gouvernementales ainsi que par de nombreux Etats - et celle du nouveau Conseil. De plus, sept de ces dix pays ont été élus pour trois ans, soit la durée de mandat la plus longue prévue par le règlement du Conseil. Ce mandat est renouvelable une fois. Les réformes adoptées par les Nations unies ne se sont donc pas suffisantes. L'ONU ne garantira pas plus le respect des droits de l'homme dans le monde demain qu'elle ne le faisait hier ».
« Le système des quotas régionaux et le vote à la majorité simple ont permis que des pays parmi les plus répressifs de la planète soient élus parmi les membres du Conseil des droits de l'homme qui se réunira pour la première fois le 19 juin prochain. Quelle victoire pour eux! Et quelle défaite pour les Nations unies! Nous sommes profondément déçus, même si le résultat de l'élection n'est pas surprenant. Nous avions d'ailleurs exprimé notre inquiétude, la semaine dernière, concernant la candidature de certains pays », a ajouté l'organisation de défense de la liberté de la presse.
Tractations et marchandages
Les tractations et marchandages habituels lors de l'élection des membres de l'ancienne commission ont également fonctionné. Le Kenya, quatorzième pays candidat pour le groupe africain s'est désisté au dernier moment, entraînant automatiquement l'élection des autres postulants (treize pays pour treize sièges). Par ailleurs, 17 pays élus sur 47 sont membres de l'Organisation de la conférence islamique. « Les alliances et les solidarités régionales, culturelles et religieuses ont été déterminantes dans l'élection des membres du Conseil, bien plus que les engagements des candidats en faveur de la protection des droits de l'homme. Un dernier chiffre inquiétant: environ 90 % des exécutions capitales commises dans le monde en 2005, l'ont été dans un pays membre du Conseil », a conclu l'organisation.
« La Chine et Cuba sont les deux plus grandes prisons du monde pour les journalistes. En Arabie saoudite et en Tunisie, la censure est la règle et les journalistes qui oseraient franchir les lignes rouges imposées par les autorités s'exposent à de dures représailles. En Russie, le Kremlin a déjà mis la main sur les principaux moyens d'information du pays, à commencer par les chaînes de télévision. Au Bangladesh, au Nigeria et au Pakistan, les violences contre les professionnels de la presse sont quasi quotidiennes. En Algérie, des dizaines de journalistes risquent la prison à tout moment et le pouvoir multiplie les procès à l'encontre des médias les plus critiques. Enfin, en Azerbaïdjan, l'impunité demeure concernant la mort de deux journalistes en 2005 ».
La crédibilité de l’ONU en question
Le quotidien Le Monde, dans un un éditorial intitulé « Realpolitik à l'ONU », affirme que « cette élection va relancer la question de la crédibilité de ce nouvel organisme né de la réforme de l'ONU pour son soixantième anniversaire ».
« En mars, l'Assemblée générale avait approuvé la création d'un Conseil des droits de l'homme qui était supposé ne plus encourir les reproches adressés précédemment à la Commission des droits de l'homme. Cette commission avait fait l'objet de sévères critiques, notamment des Etats-Unis, en raison de la présence en son sein d'Etats au minimum peu regardants sur les droits de l'homme, comme la Libye, le Zimbabwe et le Soudan et, déjà, Cuba et la Chine ». Le gouvernement cubain accusait Washington d'avoir voulu « la convertir en un tribunal inquisiteur pour sanctionner les peuples du Sud », rappele le quotidien.
« La réforme avait conduit l'ONU à se montrer plus exigeante sur les conditions d'appartenance au nouveau Conseil. Ce dernier, qui tiendra sa première réunion le 19 juin, siégera plus fréquemment et plus longtemps. Les Etats membres, parmi lesquels figure la France, doivent s'engager solennellement à respecter les droits de l'homme. Ils se soumettent aussi à un examen régulier de leurs pratiques et peuvent être exclus en cas de manquements flagrants. Washington, qui trouvait la réforme trop laxiste - et voulait, comme le secrétaire général Kofi Annan, que les Etats membres soient élus à une majorité des deux tiers - s'y était opposé et ne siège pas, pour l'instant, dans ce conseil ».
Au sein du nouveau conseil, « le pire a été évité », assure un diplomate. Le Soudan, la Corée du Nord ou le Népal ont renoncé à se porter candidats et des pays à l'influence jugée négative, tels l'Iran ou le Venezuela, qui, sous la présidence d'Hugo Chavez, est devenu la cible de critiques des organisations non gouvernementales, n'ont pas obtenu les voix nécessaires pour emporter un des 47 sièges, répartis par quotas régionaux.
Pour être élu, chaque Etat devait rassembler au moins 96 voix sur les 191 pays que compte l'assemblée générale de l'ONU - un mode de scrutin plus exigeant que celui qui prévalait au sein de la commission. Les Etats ont fait campagne activement, faisant assaut de tracts et de prospectus électoraux distribués le jour du vote, agrémentés même, dans le cas de la Suisse, de chocolats.
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